Violation de la norme et méthémoglobinémie

Pennino, M.J., Compton, J.E. and Leibowitz, S.G. (2017) Trends in drinking water nitrate violations across the United States. Environmental Science and Technology 51, 13450-13460

(voir l'abstract ici)

Les trois auteurs américains appartiennent à l’US Environmental Protection Agency [EPA] [Washington, USA].

Ils rappellent qu’en 1962, aux Etats-Unis, la teneur maximale de l’eau de boisson en nitrate a été fixée par l’US Public Health Service à 10 mg NO3--N l-1, correspondant à 44.3 mg NO3- l-1. Plus de 50 ans plus tard, la même règlementation est toujours présente, inchangée.

Pour les auteurs, la présence de nitrate NO3- dans l’eau de boisson n’est pas sans avoir de sérieuses conséquences sur la santé. Ils évoquent ainsi la méthémoglobinémie du nourrisson, certains cancers, des anomalies congénitales, des affections thyroïdiennes encore que, s’empressent-ils d’ajouter, les résultats des études puissent avoir été contradictoires [Excess nitrate in drinking water can cause methemoglobinemia (blue baby syndrome). Nitrate contamination in drinking water may be associated with certain cancers, birth defects, and thyroid issues, though the results of these studies have been varied].

Partant de ces prémisses, ils s’enquièrent ainsi, dans les 48 Etats de l’Union situés entre Canada et Mexique, du nombre de violations dans l’eau d’adduction publique de la directive américaine sur les nitrates au cours des deux ou trois dernières décennies.

Dans l’ensemble des 48 Etats, la proportion de systèmes d’adduction publique ayant fourni une eau de boisson de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 est passée de 0.28 à 0.42 % de 1994 à 2009, pour revenir à 0.32 % en 2016 [We found that the proportion of systems in violation for nitrate significantly increased from 0.28% to 0.42% of all systems between 1994 and 2009 and then decreased to 0.32 % by 2016]. Les Etats de l’Union les plus visés sont le Nebraska et le Delaware. Les proportions y sont, en moyenne et respectivement, de 2.7 et 2.4 % [On average, Nebraska and Delaware had the greatest proportion of systems in violation (2.7 % and 2.4 % respectively)]. Dans l’ensemble des 48 Etats, le nombre annuel de systèmes d’adduction publique ayant fourni une eau d’adduction publique de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 a augmenté de 1994 à 2009 de 476 à 643, pour baisser de 2009 à 2016 de 643 à 483 [The number of systems in violation of the nitrate maximum contaminant level increased from 476 to 643 systems between 1994 and 2009 and decreased from 643 to 483 systems between 2009 and 2016].

Dans l’ensemble des 48 Etats, le nombre de personnes recevant chaque année, par l’intermédiaire de systèmes d’adduction publique, une eau de boisson de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 est variable d’une année sur l’autre. Il va, en effet, d’une année sur l’autre, de plusieurs centaines de milliers à presque deux millions [The number of people served by systems in violation for nitrate is quite variable over time, ranging from several hundred thousand to nearly two million people per year]. Les Etats de l’Union ici le plus visés sont l’Ohio et la Californie, avec des chiffres annuels, en moyenne et respectivement, de 278000 et 139000 [Ohio and California had the greatest average annual number of people served by systems in violation (278,374 and 139,149 people respectively)].

En conclusion, pour des raisons de santé publique, les auteurs invitent à mieux traiter les sources contaminées par les nitrates et/ou encore à mieux prévenir la contamination des sources [Future reductions in the number of violations and people served by systems in violation will require efforts to better treat contaminated source water and/or prevent further contamination of drinking water sources through source water protection measures].

Commentaire du blog

Créée sous la présidence de Richard Nixon en 1970 pour «protéger la santé humaine et sauvegarder les éléments naturels, l’air, l’eau et la terre, essentiels à la vie», l’EPA ou «Agence américaine de protection de l’environnement», (Washington, district de Columbia), s’est donné pour première mission d’«élaborer et faire respecter la règlementation sur l'environnement» [Cf. ici]. Il n’est pas étonnant que les auteurs, appartenant à son Bureau de Recherche et de Développement [Office of Research and Development], se penchent sur l’application de la directive américaine de 1962 ayant trait à la Concentration Maximale Admissible [CMA] en nitrate de l’eau de boisson, et ce sans s’interroger sur sa pertinence.

Les griefs qu’ils prennent à leur compte sans les discuter, la méthémoglobinémie du nourrisson, le cancer, les anomalies congénitales, les affections thyroïdiennes, sont, on le sait, scientifiquement infondés. De nombreuses rubriques de ce blog l’ont montré [Consulter RUBRIQUES PAR THEMES et RUBRIQUES PAR THEMES 2].

Des chiffres apportés par les auteurs, il ressort qu’en 22 ans, de 1994 à 2016, des dizaines de milliers de nourrissons américains ont été nourris avec des biberons préparés avec une eau d’adduction publique de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1. L’article ne nous dit pas combien de méthémoglobinémies du nourrisson ont, durant ce laps de temps, été diagnostiquées dans les 48 Etats américains. Mais on peut légitimement supposer que si des cas de méthémoglobinémie du nourrisson consécutifs à la préparation d’un biberon avec une eau d’adduction publique avaient été enregistrés (ou si même un seul cas avait été enregistré), les auteurs, appartenant à l’Environmental Protection Agency [EPA], les auraient connus et signalés.

En réalité, on sait pourquoi des dizaines de milliers de violations de la teneur réglementaire de 44.3 mg NO3- l-1 dans l’eau d’adduction publique dans les 48 Etats de l’Union entre 1994 et 2016 n’ont donné lieu à aucun cas de méthémoglobinémie du nourrisson. L’eau d’adduction publique est bactériologiquement contrôlée. Elle contient toujours moins de 102 germes ml-1. Dans de telles conditions (moins de 106 germes ml-1), les ions nitrate NO3- présents dans le biberon ne peuvent aucunement être transformés en ions nitrite NO2-. Quelle que soit sa concentration en nitrate, que celle-ci soit inférieure ou supérieure à la CMA de 44.3 mg NO3- l-1 édictée en 1962 par les autorités administratives américaines, l’eau d’adduction publique n’a absolument pas la capacité de faire apparaître quelque méthémoglobinémie que ce soit chez le nourrisson.

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Synthèse en oxyde nitrique au cours de la grossesse

Hodzic, J., Izetbegovic, S., Muracevic, B., Iriskic, R. and Jovic, H.S. (2017) Nitric oxide biosynthesis during normal pregnancy and pregnancy complicated by preeclampsia. Medicinski Glasnik (Zenica) 14, 211-217

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Au long des deux dernières décennies, l’importance de la biosynthèse en oxyde nitrique NO pendant la grossesse normale et en pré-éclampsie a pu donner lieu à un certain nombre d’études. Les résultats ayant été divergents, le consensus n’est pas établi [[…] The biosynthesis of NO during normal pregnancy still remains controversial […]. NO biosynthesis data are also controversial in preeclampsia].

Les auteurs bosniaques [Zenica et Sarajevo, Bosnie-Herzégovine] mesurent les concentrations plasmatiques en oxyde nitrique NO [NO3- + NO2-] le matin à jeun chez:

-  20 femmes non enceintes,

- 40 femmes enceintes, dont la grossesse est normale,

- et 20 femmes enceintes développant une pré-éclampsie.

Les femmes participant à l’étude ont un âge compris entre 17 et 40 ans. Le diagnostic de pré-éclampsie est retenu chez les patientes:

- lorsque la tension artérielle est supérieure à 140/90 à deux contrôles successifs,

- en outre, lorsque la protéinurie dépasse 300 mg par 24 heures, l’anomalie apparaissant pour la première fois après la 24ème semaine de gestation et disparaissant avant le sixième mois de post-partum.

En moyenne, les résultats obtenus sont les suivants:

 

Concentration sérique en NO (μM)

Significativité par rapport à A

Significativité par rapport à D et E

A) Femmes non-enceintes

29.3

 

 

B) Grossesse normale 1er trimestre

27.3

NS*

 

C) Grossesse normale 2ème trimestre

37.2

p˂0.05

 

D) Grossesse normale 3ème trimestre

40.9

p˂0.05

 

E) Grossesse normale Fin de 3ème trimestre

(après la 32ème semaine)

29.2

NS*

 

F) Pré-éclampsie (après la 31ème semaine)

30.7)

 

NS*

[NS = Non significatif]

Les concentrations sériques en oxyde nitrique NO sont trouvées significativement plus élevées au cours du deuxième et du troisième trimestres d’une grossesse normale (respectivement et en moyenne: 37.2 et 40.9 μM) que chez la femme non-enceinte (en moyenne: 29.3 μM) [NO concentrations during second trimester of pregnancy (37.2 ± 1.7 μM; p˂0.05) and third trimester of pregnancy (40.9 ± 2.8 μM; p˂0.05) were significantly higher in healthy pregnant women than in non-pregnant women (29.3 ± 1.7 μM)].

La concentration sérique en oxyde nitrique NO apparaît, certes, plus faible chez la femme enceinte en état pré-éclamptique que chez la femme enceinte qui, au troisième trimestre de sa grossesse, n’a pas développé de stigmate de pré-éclampsie: respectivement et en moyenne, 30.7 et 35.1 μM, mais la différence constatée n’est pas statistiquement significative [Serum NO concentrations were lower in preeclamptic women (30.7 ± 1.8 μM) compared to matched healthy pregnant women of the third and the late third trimester (35.1 ± 2.2 μM), without significant differences].

Commentaires du blog

D’autres études sur le sujet sont souhaitées, afin qu’un consensus finisse par se dégager.

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Supplémentation en nitrate et mal aigu des montagnes

Rossetti, G., Wood, B., Wylie, L. and Oliver, S.J. (2017) Dietary nitrate supplementation increases acute mountain sickness severity and sense of effort during hypoxic exercise. Journal of Applied Physiology 123, 983-992

(voir l'abstract ici)

L’effet de la supplémentation en nitrate NO3- sur le mal aigu des montagnes et la performance physique en hypoxie a déjà été abordé dans trois rubriques précédentes [5 janvier 2013; 2 décembre 2015; 19 décembre 2016]. L’effet exact sur le mal aigu des montagnes mérite cependant d’être encore précisé.

En raison de l’attractivité de la haute montagne, on estime à 300 millions par an le nombre de nuitées en région alpine, à des centaines de milliers le nombre de sujets se rendant dans d’autres régions de haute altitude tels l’Himalaya et le Kilimandjaro. La moitié environ des personnes visitant des sites de haute altitude souffrent de symptômes s’apparentant au mal aigu des montagnes [Approximatively half of those that visit high altitude suffer from illnesses such as acute mountain sickness (AMS)]: nausées, vomissements, insomnie, fatigue, sensations vertigineuses, surtout céphalées.

L’étude des auteurs britanniques [Universités de Bangor (Galles du Nord) et d’Exeter (Devon), Royaume-Uni] concerne les effets de la supplémentation en nitrate NO3- sur les symptômes du mal aigu des montagnes ainsi que sur les réponses à l’exercice physique à l’occasion de 6 heures d’hypoxie.

20 hommes modérément entraînés, âgés en moyenne de 22 ans, participent à une étude randomisée en double aveugle contre placebo et cross over. Pendant deux périodes de 6 jours séparées par un wash out d’un minimum de 10 jours,  ils reçoivent:

- soit 70 ml par jour d’un jus de betterave déplété en nitrate apportant 0.2 mg de nitrate NO3- [groupe placebo],

- soit 70 ml par jour d’un jus de betterave riche en nitrate (Beet It Sport, James White drinks Ltd, Ipswich, UK) apportant 410 mg de nitrate NO3- [groupe Nitrate].

Au cinquième jour, comparativement au groupe placebo, la supplémentation par 410 mg de nitrate NO3- jour-1 accroît de 182 μM la concentration plasmatique en NOx (NO3- + NO2-).

Une échelle visuelle analogique de 100 mm permet de mesurer, chaque heure, l’intensité des céphalalgies. Un questionnaire de 11 items, l’«Environmental Symptoms Questionnaire» (ESQ) permet d’établir pour le mal aigu des montagnes dans son ensemble un score quantitatif, l’«Acute Cerebral Mountain Sickness (AMS-C) score»

Le cinquième jour, après 4 heures d’hypoxie (la fraction inspirée en oxygène (FIO2) de 0.124 correspondant à une altitude de 4219 mètres), la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 augmente, par comparaison au groupe placebo, la sévérité des céphalées ainsi que le score du mal aigu des montagnes: le score AMS-C [After 4h hypoxia (FIO2=0.124) nitrate increased AMS-C and headache severity (visual analogue scale (VAS); whole sample Δ10 [1,20] mm; p=0.03) compared to placebo].

En outre, après 5 heures d’hypoxie, comparativement au groupe placebo la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 augmente la sensation d’effort durant un exercice physique d’intensité submaximale, l’exercice consistant en une marche sur tapis roulant avec, sur les épaules, un sac à dos de 15 kg [In addition, after 5h hypoxia, nitrate increased sense of effort during submaximal exercise (Δ7 [-1, 14]; p=0.07)].

Le jour suivant, les sujets participent à un autre test en hypoxie avec une fraction inspirée en oxygène (FIO2) de 0.141, correspondant à une altitude de 3225 mètres. Comparativement au groupe placebo, la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 n’améliore pas le temps jusqu’à épuisement, du moins lorsque l’effort est effectué à 80% du VO2max [On the next day, in a separate acute hypoxic exercise test (FIO2=0.141), nitrate did not improve time to exhaustion at 80% hypoxic VO2max].

En conclusion, selon cette étude, alors qu’elle n’améliore pas vraiment les performances physiques en situation d’hypoxie, l’administration de nitrate NO3- accentue, par ailleurs, le risque d’apparition des symptômes du mal aigu des montagnes. Il est effectivement possible qu’accentuant la biodisponibilité en oxyde nitrique NO, l’administration de nitrate NO3-contribue ainsi à stimuler le système trigémino-vasculaire et à accentuer la vasodilatation cérébrale induite par l’hypoxie [Increasing the bioavailability of NO through dietary nitrate supplementation is likely to directly stimulate trigeminovascular afferents, and concurrently elevate hypoxia-induced cerebral vasodilation].

Chez le sujet non encore acclimaté à l’altitude, la supplémentation alimentaire en nitrate ne peut donc être véritablement recommandée, que le but fixé soit prophylactique à l’égard du mal aigu des montagnes ou qu’il soit simplement ergogénique [Therefore, dietary nitrate is not recommended as an acute mountain sickness (AMS) prophylactic or ergogenic aid in non-acclimatized individuals at altitude].

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Combinaison entraînement aérobie – supplémentations en nitrate. Effet sur l’endurance

Shaltout, H.A., Eggebeen, J., Marsh, A.P., Brubaker, P.H., Laurienti, P.J., Burdettet, J.H., Basu, S., Morgan, A., Dos Santos, P.C., Norris, J.L., Morgan, T.M., Miller, G.D., Rejeski, W.J., Hawfield, A.T., Diz, D.I., Becton, J.T., Kim-Shapiro, D.B. and Kitzman, DW. (2017) Effects of supervised exercise and dietary nitrate in older adults with controlled hypertension and/or heart failure with preserved ejection fraction. Nitric Oxide 69, 78-90

(voir l'abstract ici)

On sait que l’entraînement aérobie majore le pic de VO2 chez le sujet hypertendu comme chez l’insuffisant cardiaque à fraction d’éjection préservée. On sait aussi que, dans les deux populations, la consommation de jus de betterave riche en nitrate NO3- améliore l’endurance en même temps qu’elle exerce un effet hypotensif [Aerobic exercise tranining is an effective thérapy to improve peak aerobic power (peak VO2) in individuals with hypertension (HTN) and heart failure patients with preserved ejection fraction (HFpEF). High nitrate containing beetroot juice (BRJ) also improves sub-maximal endurance and decreases blood pressure in both HTN and HFePF].

Les auteurs américains [Winston-Salem, Caroline du Nord, Etats-Unis] émettent l’hypothèse que chez l’insuffisant cardiaque à fraction d’éjection préservée ainsi que chez l’hypertendu la combinaison d’un entraînement aérobie et d’une supplémentation alimentaire en nitrate se traduise par des effets additifs, voire synergiques, sur la tolérance à l’effort et sur la tension artérielle.

Ils rapportent les résultats de deux études pilotes portant sur 20 patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (âge moyen: 69 ans) et sur 26 patients atteints d’hypertension artérielle contrôlée (âge moyen: 65 ans).

Tous les patients sont soumis à un entraînement aérobie programmé sur 4 semaines. Pendant ces quatre semaines:

▪ la moitié d’entre eux ingèrent un jus de betterave déplété en nitrate [groupes placebo],

▪ l’autre moitié ingère un jus de betterave riche en nitrate [groupes Nitrate]

- Les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée appartenant au groupe Nitrate consomment 3 fois par semaine un flacon de jus de betterave contenant 380 mg de nitrate NO3-.

- Les patients atteints d’hypertension artérielle contrôlée appartenant au groupe Nitrate consomment chaque jour un flacon de jus de betterave contenant 500 mg de nitrate NO3-.

Résultats:

▪ Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée:

- L’endurance aérobie, définie comme le temps jusqu’à épuisement, lors d’un effort submaximal sur cyclo-ergomètre à 75 % de la puissance maximale, passe en moyenne, entre le début et la fin de l’étude:

- de 369 à 520 secondes dans le groupe placebo,

- de 384 à 483 secondes dans le groupe Nitrate.

- La tension artérielle systolique au repos passe, en moyenne, entre le début et la fin de l’étude:

- de 136 à 122 mm Hg dans le groupe placebo,

- de 132 à 119 mm Hg dans le groupe Nitrate.

▪ Chez les patients atteints d’hypertension artérielle contrôlée:

- Le temps jusqu’à épuisement est amélioré dans les deux groupes, passant, en moyenne, entre le début et la fin de l’étude:

- de 504 à 601 secondes dans le groupe placebo

- de 690 à 772 secondes dans le groupe Nitrate.

- La tension artérielle systolique au repos, entre le début et la fin de l’étude,

- est stable, autour de 140 mm Hg dans le groupe placebo,

- baisse significativement, en moyenne de 144 à 135 mm Hg dans le groupe Nitrate.

Conclusion

L’hypothèse de départ n’est pas véritablement confirmée. Dans cette expérimentation, l’adjonction à un entraînement aérobie programmé d’une supplémentation alimentaire en nitrate NO3- n’améliore pas de façon significative la performance physique d’endurance, tant chez le patient atteint d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée que chez l’hypertendu (contrôlé). Des études complémentaires, qui feraient appel à de plus fortes ingestions de nitrate NO3- ou encore à de plus fréquentes administrations, sont à envisager [In conclusion, our hypothesis that simultaneous administration of a supervised exercise and dietary nitrate interventions could improve exercise training and subsequent outcomes more than exercise training was not supported by the results of the two studies presented here. Further work should be conducted to see if larger nitrate doses or more frequent dosing schedules could result in additive benefits of dietary nitrate intake to those observed through supervised exercise].

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Bains de bouche et tension artérielle

Woessner, M., Smoliga, J.M., Tarzia, B., Stabler, T., Van Bruggen, M. and Allen, J.D. (2016) A stepwise reduction in plasma and salivary nitrite with increasing strengths of mouthwash following a dietary nitrate load. Nitric Oxide 54, 1-7

(voir l'abstract ici)

Les auteurs australiens [Victoria University, Melbourne] et américains [Duke University, Durham et High Point University, High Point, Caroline du Nord] présentent une étude assez proche de celle de McDonagh et coll. [University of Exeter, Royaume-Uni], qui fut analysée dans la rubrique du 19 mai 2016.

Les auteurs australiens et américains recrutent 12 adultes de sexe masculin et en bonne santé. Leur âge moyen est de 36 ans. Ils n’ont pas d’hypertension artérielle.

Les sujets ingèrent 2 flacons de 70 ml de concentré de jus de betterave (James White Drinks Ltd.), apportant un total de 520 mg de nitrate NO3-. Quinze minutes plus tard, puis toutes les heures pendant 4 heures, ils ont un bain de bouche avec

- soit de l’eau [groupe contrôle],

- soit un produit seulement antiseptique: ListerineR, associant eucalyptol, menthol, salicylate de méthyle et thymol,

- soit un produit antibactérien: CepacolR, comprenant du chlorure de cétylpyridinium,

- soit de la Chlorhexidine (0.12 % de gluconate de chlorhexidine).

Avant toute ingestion de nitrate puis toutes les heures pendant 4 heures, sont mesurées:

- les concentrations plasmatiques et salivaires en nitrate NO3-,

- les concentrations salivaires et plasmatiques en nitrite NO2-,

- et la tension artérielle systolique.

▪ Quels qu’ils soient, les bains de bouche ne modifient pas de façon significative la concentration plasmatique en nitrate NO3-, au long des 4 heures de surveillance. La concentration plasmatique en nitrate NO3- maximale est observée vers les 1ère et 2ème heures, autour, en moyenne, de 40 mg NO3- l-1.

▪ Il en est de même pour la concentration salivaire en nitrate NO3-, qui n’est pas réellement modifiée par les divers bains de bouche. Elle atteint sa valeur maximale dès la 1ère heure, autour de 1000 mg NO3- l-1.

Par contre, les concentrations salivaire et plasmatique en nitrite NO2- subissent de façon diverse les effets des bains de bouche.

▪ Chez les sujets contrôles, la concentration salivaire en nitrite NO2- est trouvée élevée dès la 1ère heure, autour de 100 mg NO2- l-1. Elle reste à ces valeurs, jusqu’à la 4ème heure. Chacun des bains de bouche contribue à diminuer significativement la concentration salivaire en nitrite NO2-. Ainsi, à la 4ème heure, les concentrations salivaires en nitrite NO2- sont évaluées, en moyenne,

- en cas d’utilisation de bains de bouche de type contrôle, à 100 mg NO2- l-1,

- en cas d’utilisation de bains de bouche «antiseptiques» (ListérineR), à 75 mg NO2- l-1,

- en cas d’utilisation de bains de bouche «antibactériens» à base de chlorure de cétylpyridinium à 28 mg NO2- l-1,

- en cas d’utilisation de bains de bouche à base de chlorhexidine à 7 mg NO2- l-1.

▪ S’élevant plus lentement que la concentration plasmatique en nitrate NO3-, la concentration plasmatique en nitrite NO2- du sujet contrôle atteint sa valeur maximale à la 3ème heure, autour de 28 µg NO2- l-1. Le bain de bouche «antiseptique» (ListérineR) n’a pas de retentissement significatif sur la concentration plasmatique en nitrite NO2-. Les bains de bouche «antibactérien» à base de chlorure de cétylpyridinium ou à base de chlorhexidine retentissent, l’un et l’autre, de façon significative sur la concentration plasmatique en nitrite NO2-. Sous l’effet du bain de bouche «antibactérien» à base de chlorure de cétylpyridinium comme sous celui du bain de bouche à base de chlorhexidine, les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- sont évaluées à la 3ème heure, en moyenne et respectivement, à 14 et 9 µg NO2- l-1.

▪ En cas d’utilisation du bain de bouche «antibactérien» à base de chlorure de cétylpyridinium comme en cas d’utilisation du bain de bouche à base de chlorhexidine, la tension artérielle systolique est trouvée significativement plus élevée, de la 1ère à la 4ème heure, qu’elle ne l’est en cas d’utilisation du bain de bouche contrôle. La différence enregistrée est, en moyenne, de 3 à 5 mm Hg. Le bain de bouche «antiseptique» (ListérineR) n’a pas, par contre, d’effet significatif sur la tension artérielle systolique.

Il est maintenant bien établi que, dans notre organisme, la conversion des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- est sous la dépendance de bactéries commensales présentes à la surface dorsale de la langue. L’étude ici présentée montre que différentes variétés de bains de bouche ont des effets divers et variés sur la conversion NO3--NO2- [It is now evident that conversion from inorganic nitrate to nitrite is dependent upon commensal bacteria that reside on the dorsal surface of the tongue […]. The current study extends these findings by showing that mouthwash rinses of varying types/strenghts may have different effects on the NO3- to NO2- conversion process].

La vente des produits pour bains de bouche constitue aux Etats-Unis un énorme marché, estimé à 1.4 milliards de dollars par an, en 2014 [With sales of mouthwash and dental rinse products in the US in 2014 estimated at $ 1.4 billion…]. Les bains de bouche sont certes destinés à lutter contre les plaques dentaires bactériennes et les gingivites, mais beaucoup n’y recourent, en réalité, que pour prévenir la mauvaise haleine [Although mouthwash rinses may reduce the build-up of plaque and gingivitis in some individuals, a large proportion of the general public predominantly uses it in ordre to prevent bad breath].

Les effets de majoration de la tension artérielle maintenant attribués aux bains de bouche incitent à s’interroger sur le bien-fondé de leur utilisation à grande échelle [This raises potential public health related questions on the appropriate widespread usage of different mouthwash formulations].

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Interaction nitrate-sulfate

Kuhnle, G.G.C., Luben, R., Khaw, K.-T. and Feelisch, M. (2017) Sulfate, nitrate and blood pressure – An EPIC interaction between sulfur and nitrogen. Pharmacological Research 122, 127-129

(voir le texte complet ici)

L’anion sulfate SO2-4 est très peu toxique. Sa présence dans l’eau à très forte concentration n’a été jugée responsable que de perturbations gastro-intestinales mineures. On le trouve à la concentration moyenne de 140 mg l-1 dans le lait maternel, à des concentrations comprises entre 250 et 360 mg l-1 dans le lait de vache. Pour l’eau de distribution, les organismes administratifs ont fixé des valeurs dites de référence:

- 250 mg l-1 selon l’Organisation Médicale de la Santé [OMS] et l’Environment Protection Agency des Etats-Unis [US EPA],

- 500 mg l-1 selon les instances canadiennes.

Depuis une dizaine d’années, on sait que la consommation de l’ion nitrate NO3- exerce un effet hypotensif chez le volontaire sain et qu’elle diminue également la consommation d’oxygène lors de l’effort. La perception du rapport bénéfice/risque de cet anion s’en est trouvée modifiée [A decade ago inorganic nitrate (NO3-) was reported to lower blood pressure (BP) in healthy volunteers. Together with its capacity to reduce the oxygen cost of exercise reported earlier, these observations triggered a change in our perception of the risk/benefit ratio of this simple anion].

Les auteurs britanniques [Universités de Reading, Cambridge et Southampton, Royaume-Uni] consultent les données recueillies par l’EPIC, ou European Prospective Investigation of Cancer. L’EPIC est une étude multicentrique de cohorte destinée principalement, ou primitivement, à étudier les liens existant entre alimentation, mode de vie et cancers. Elle a pu recenser dans le comté de Norfolk [Royaume-Uni] un grand nombre de sujets âgés entre 40 et 79 ans.

Les auteurs ont ainsi connaissance des teneurs en sulfate et des teneurs en nitrate des eaux de boisson consommées par 4112 femmes et 3486 hommes. Les concentrations de l’eau de consommation en sulfate sont comprises entre 9 et 102 mg l-1. Les concentrations en nitrate sont comprises entre 0 et 50 mg l-1. Aucune corrélation statistique n’existe entre les deux variables [There was no correlation between the concentrations of these anions].

A partir de 14549 sujets, dont 54% de femmes, ils sont étonnés de ne pas observer de lien statistique entre la teneur en nitrate de l’eau de consommation et la tension artérielle, systolique ou diastolique, mesurée au repos [Unexpectedly, we found no inverse association between nitrate (or nitrite) concentrations and blood pressure at baseline; if anything, the associations were mildly positive]. De même, aucune corrélation inverse n’existe entre la concentration de l’eau de consommation en nitrate et le risque d’apparition des maladies cardiovasculaires [Likewise, after an average of 15 years of follow-up, we did not find inverse associations with CVD risk].

Aucune corrélation n’existe non plus, à partir de 7598 sujets, entre la teneur en sulfate de l’eau de consommation et la tension artérielle [There was also no direct association between drinking water sulfate and blood pressure in 7598 participants for whom this data was available]. Par contre, les auteurs observent une interaction statistiquement significative entre les concentrations de l’eau de consommation en sulfate et en nitrate:

- lorsque la concentration de l’eau de consommation en sulfate SO2-4 est basse, compris entre 9 et 33 mg l-1, la concentration de l’eau de consommation en nitrate NO3-, comprise entre 0 et 50 mg l-1, est l’objet d’une corrélation négative avec les chiffres de tension artérielle systolique [At low sulfate concentrations, nitrate was inversely associated with blood pressure (- 4mmHg in top quintile)].

- par contre, lorsque la concentration de l’eau de consommation en sulfate SO2-4 est plus forte, comprise entre 34 et 102 mg l-1, la concentration de l’eau de consommation en nitrate NO3-, comprise entre 0 et 50 mg l-1, est positivement corrélée avec les chiffres de tension artérielle systolique [This association was reversed at higher concentrations (+ 3 mmHg in top quintile)].

En conclusion, selon les auteurs britanniques, l’effet au long cours de l’ion nitrate sur la tension artérielle est influencé par la consommation concomitante de l’ion sulfate. Il leur apparaît que le métabolisme des nitrates est plus complexe que prévu [These findings suggest that the long-term effects of nitrate on blood pressure are influenced by concomitant sulfate intake and that nitrate bioactivation is more complex than hitherto envisaged].

Commentaire du blog

Ce travail porte sur les liens entre la concentration de l’eau de consommation en nitrate et la tension artérielle. Certes, on peut supposer que sur un très large échantillon la concentration de l’eau de consommation en nitrate constitue un reflet relativement correct de la quantité de nitrate ingérée quotidiennement par l’intermédiaire de l’eau de boisson.

Mais elle ne peut être un reflet correct de la quantité totale de nitrate ingérée quotidiennement. Rappelons que, selon les diverses études, les nitrates de l’alimentation proviennent pour 60 ou 80 % des légumes, pour 10% des viandes et seulement pour de 2 à 25 % de l’eau de boisson.

Les résultats présentés par les auteurs britanniques sont donc à considérer avec le recul nécessaire.

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Apports en nitrate et exercice: effets similaires sur le muscle

Roberts, L.D., Ashmore, T., McNally, B.D., Murfitt, S.A., Fernandez, B.O., Feelisch, M., Lindsay, R., Siervo, M., Williams, E.A., Murray, A.J. and Griffin, J.L. (2016) Inorganic nitrate mimics exercise-stimulated muscular fiber-type switching and myokine and GABA release. Diabetes ; db 160843

(voir l'abstract ici)

L’exercice physique est connu pour son effet bénéfique, à la fois préventif et curatif, sur le diabète de type 2. De nombreux facteurs métaboliques prennent part à l’action bénéfique de l’exercice sur la santé cardiovasculaire. De même, les apports en nitrate NO3- sont connus pour accroître les performances physiques.

Les auteurs britanniques [Universités de Leeds, de Cambridge et de Southampton] rappellent que lors de l’exercice la transformation de fibres musculaires à contraction rapide et à métabolisme glycolytique de type IIb en fibres musculaires à contraction lente et à métabolisme oxydatif de type I ainsi qu’en fibres musculaires à contraction intermédiaire et à métabolisme mixte de type IIa est coordonnée par un corégulateur de transcription dit PGC1α (proliferator-activated receptory coactivator 1 α). L’effet est inversé en cas de résistance à l’insuline et de diabète [The transcriptional regulator peroxisome proliferator-activated receptory coactivator 1α (PGC1α) coordinates the exercise-stimulated skeletal muscle fiber-type switch from glycolytic fast-twitch (type IIb) to oxidative slow-twitch (type I) and intermediate (type IIa) fibers; an effect reversed in insulin resistance and diabetes].

A l’occasion d’expérimentations animales effectuées chez 8 rats Wistar mâles âgés de six semaines et six souris âgées de 12 semaines, également à l’occasion d’une étude réalisée chez 19 sujets humains âgés en moyenne de 65 ans, les auteurs britanniques montrent que les apports en nitrate NO3- ont les effets suivants:

1) Sur le muscle du rat, ils induisent l’expression de la PGC1α, favorisant ainsi la transformation des fibres de type IIb en fibres de type I et IIa [Nitrate induces PGC1α expression and a switch towards type I and IIa fibers in rat muscle and myotubes in vitro].

2) Chez le rat et l’homme, ils induisent à partir du muscle la libération

- d’une myokine dépendante de la PGC1α et de l’exercice, l’irisine,

- ainsi que l’acide β aminobutyrique

[Nitrate induces the release of exercise/PGC1α-dependent myokine FNDC5/irisin, and β-aminobutyric acid from myotubes, and muscle in rats and humans].

3) Comme l’exercice, ils stimulent la libération à partir du muscle d’un acide aminé du cycle de Krebs placé sous l’influence du PGC1α: l’acide γ aminobutyrique (GABA). La concentration plasmatique d’acide γ aminobutyrique augmente à l’occasion de l’exercice chez la souris. Elle augmente sous l’effet d’ingestions de nitrate NO3- chez le rat et l’homme [Both exercise and nitrate stimulated, PGC1α-mediated, γ-aminobutyric acid (GABA) secretion from muscle. Circulating GABA concentrations were increased in exercising mice and nitrate-treated rats and humans].

Les auteurs britanniques concluent que, chez le rat, la souris et l’homme, les effets physiologiques musculaires liés aux apports en nitrate ressemblent de près à ceux de l’entraînement sportif. Ils les miment [Nitrate induces physiological responses that mimic exercise training].

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Microbiome et cycle entéro-salivaire des nitrates

Koch, C.D., Gladwin, M.T., Freeman, B.A., Lundberg, J.O., Weitzberg, E. and Morris, A. (2017) Enterosalivary nitrate metabolism and the microbiome: Intersection of microbial metabolism, nitric oxide and diet in cardiac and pulmonary vascular health. Free Radical Biology and Medicine 105, 48-67

(voir l'abstract ici)

Les récentes avancées scientifiques nous amenant à mieux comprendre le métabolisme des nitrates NO3- d’origine alimentaire, leur cycle entéro-salivaire et leur rôle physiologique conduisent le milieu scientifique à envisager le rôle dévolu au microbiome, c’est-à-dire à la flore bactérienne, dans la prévention des maladies vasculaires cardiaques et pulmonaires, et à l’inverse, en cas de déficience de sa part, dans leur déclenchement [Recent insights into the bioactivation and signaling actions of inorganic, dietary nitrate and nitrite now suggest a critical role for the microbiome in the development of cardiac and pulmonary vascular diseases].

Il y a trois ou quatre décennies, on considérait encore les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- comme des produits terminaux inertes, provenant de l’oxydation de l’oxyde nitrique NO, dont la synthèse était connue pour avoir lieu au sein de l’endothélium vasculaire. On sait maintenant que, loin d’être inertes, ces ions nitrate NO3- et nitrite NO2- d’origine alimentaire constituent également une source majeure d’oxyde nitrique NO, dont l’activité sur les vaisseaux peut se produire en condition hypoxique [Once thought to be inert, end-products of endothelium-derived nitric oxide (NO) heme-oxidation, nitrate and nitrite are now considered major sources of exogenous NO that exhibit enhanced vasoactive signaling activity under conditions of hypoxia and stress].

On sait notamment que, dans l’organisme, la biodisponibilité en nitrate et en nitrite dépend, entre autres, d’une réduction des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- sous l’effet enzymatique de nitrate-réductases appartenant à des populations bactériennes spécifiques localisées dans la cavité buccale et l’intestin [The bioavailability of nitrate and nitrite depends on the enzymatic reduction of nitrate to nitrite by a unique set of bacterial nitrate reductase enzymes possessed by specific bacterial populations in the mammalian mouth and gut].

Une supplémentation orale en nitrate ou des aliments riches en nitrate exercent des effets bénéfiques vasculaires connus et répertoriés, vérifiés dans le cadre de l’inflammation, de la dysfonction endothéliale, des lésions d’ischémie-reperfusion, des modèles précliniques de l’hypertension artérielle pulmonaire. Des régimes traditionnels riches en nitrate sont également associés à des répercussions favorables sur l’hypertension, l’obésité et les maladies cardiovasculaires. Comme ces affections, notamment l’hypertension artérielle pulmonaire, l’obésité, l’hypertension artérielle et les maladies cardiovasculaires, ont un lien repéré avec un déficit en oxyde nitrique NO, on est amené à penser, ou à envisager, que les bactéries commensales de la cavité buccale pouraient jouer, à leur égard, un rôle pathogénique [The pathogenesis of pulmonary hypertension (PH), obesity, hypertension and cardiovascular diseases are linked to defects in NO signaling, suggesting a role for commensal oral bacteria to shape the development of pulmonary hypertension through the formation of nitrite, <no and other bioactive nitrogen oxides].

Dans le futur, des conséquences thérapeutiques à partir du microbiome sont donc à prévoir dans ces domaines [These observations highlight the potential of the microbiome in the development of novel nitrate- and nitrite-based therapeutics for pulmonary hypertension, cardiovascular diseases and their risk factors].

Les auteurs américains [Université de Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis] et suédois [Karolinska Institute, Stockholm, Suède] présentent sur le sujet une revue de synthèse très fournie dont on trouvera ci-dessous le plan:

I: Introduction

II: Rôle du déficit en oxyde nitrique NO dans l’hypertension artérielle pulmonaire

III: La voie nitrate-nitrite-NO et la circulation entérosalivaire des nitrates

IV: Importance de la réduction microbienne des nitrates en nitrites et en oxyde nitrique

V: Manque de toxicité des ions nitrate et nitrite [Safety of inorganic nitrate and nitrite]

VI: La flore bactérienne de la cavité buccale [the oral microbiome] et la réduction bactérienne des ions nitrate NO3-

VI a: Complexité de la flore microbienne de la cavité buccale

VI b: Réduction bactérienne des ions nitrate NO3-

VI c: Facteurs locaux exerçant une influence sur la réduction bactérienne des ions nitrate NO3-

VII: Perturbations de la flore microbienne dans l’hypertension artérielle pulmonaire et les maladies vasculaires

VII a: La flore microbienne de la cavité buccale et l’hypertension artérielle pulmonaire

VII b: Perturbations microbiennes et modifications des nitrates dans la maladie parodontale et la xérostomie

VII c: La flore microbienne intestinale

VII d: L’inflammation

VII e: La production d’oxyde nitrique NO

VIII: Stratégie thérapeutique pour cibler la circulation entéro-salivaire: au-delà de la supplémentation en nitrate NO3-

VIII a: Thérapeutique prébiotique: intervention diététique

VIII b: Probiotiques

VIII c: Antibiotiques et agents antimicrobiens

IX: Conclusions

Commentaire du blog

Si, par l’intermédiaire de son action sur le cycle entéro-salivaire des nitrates, l’intervention de la flore bactérienne buccale paraît très vraisemblable dans ces différents cadres pathologiques, cela ne paraît pas réellement le cas de la flore bactérienne du gros intestin. La très grande majorité des ions nitrate et nitrite sont, en effet, absorbés en regard de l’estomac et de l’intestin grêle. Les auteurs le signalent [Considering that despite the capacity of bacteria in the distal gastrointestinal tract to reduce nitrate, it is unlikely they significantly contribute to the enterosalivary circulation given that the majority of nitrate and nitrite are absorbed in the proximal small intestine].

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Nitrite, charcuterie et cancer

Coudray, G. (2017) Si l’utilisation de nitrites séduit l’industrie de la charcuterie, elle représente un vrai danger pour le consommateur. Huffpost, 8 septembre 2017.

(voir ici)

Sur son site personnel, l’auteur se présente de la manière suivante: «Auteur et réalisateur de films documentaires, G.C. est diplômé de Sciences Po et ancien allocataire de recherche de la Fondation nationale des sciences politiques. Il a mené l’enquête sur les charcuteries présentées par Elise Lucet dans l’émission "Cash Investigation" ("Industrie agroalimentaire: business contre santé, France 2". Il est l’auteur de "Cochonneries: comment la charcuterie est devenue un poison" (éditions La Découverte, parution: septembre 2017)».

Le 8 septembre 2017, sur le site de Huffingtonpost, il publie un texte de trois pages destiné à résumer l’argumentaire développé dans son ouvrage.

Il explique d’abord qu’en Corse, en Auvergne, en Ardèche, en Aveyron, en Espagne et en Italie, certains jambons, chorizos ou saucisses sont fabriqués sans adjonction de nitrate ou de nitrite. La salaison fait seulement appel à du sel de cuisine ou du sel de mer. Il cite le «prisuttu» corse et le jambon de Parme.

Par contre, en France et aux Etats-Unis, pour des raisons de commodité, la plupart des industriels salent leurs produits soit avec du nitrate de potassium soit avec du nitrite de sodium.

Or le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC], agence intergouvernementale créée par l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS], a publié en 2015 un communiqué classant:

- la consommation de viande rouge comme probablement cancérigène pour l’homme (groupe 2A),

- et la consommation de viande transformée comme cancérigène pour l’homme (groupe 1), le risque concernant le cancer colorectal.

A l’origine de ce risque, l’auteur [G.C.] incrimine la salaison par les nitrates ou les nitrites. Certes, les nitrates et les nitrites ne sont pas eux-mêmes directement cancérigènes. Mais, dit-il, ils le sont indirectement. Ils donnent, en effet, naissance dans la viande à des nitrosamines et à des nitrosamides, «dangereux même à très faible dose», précise-t-il.

Il critique aussi les fabricants lorsqu’ils invoquent l’effet anti-infectieux de l’adjonction dans la viande de nitrate ou de nitrite, ou, plus précisément, l’effet préventif que l’adjonction de nitrate ou de nitrite exerce à l’égard du risque botulinique. Aucun cas de botulisme n’a jamais été décrit à Parme, où sont consommés chaque année des millions de jambon sans adjonction de nitrate ou de nitrite.

En définitive, l’auteur [G.C.] plaide pour l’abandon de l’adjonction de nitrate ou de nitrite dans le jambon et autres produits de charcuterie.

Commentaire du blog

Pour sa démonstration, l’auteur [G.C.] s’appuie sur le communiqué du 26 octobre 2015 du Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC]. Cependant, notons-le, si elle établit un lien statistique entre la consommation de la charcuterie et le risque d’apparition du cancer colorectal, l’agence en question n’incrimine nullement l’adjonction, lors de la salaison, d’ions nitrate NO3- ou d’ions nitrite NO2-. «Le CIRC reconnaît qu’on «ne sait pas encore bien comment la viande rouge et la viande transformée accroissent le risque de cancer» même si des présomptions pèsent sur le rôle du fer héminique, présent dans le sang contenu dans la viande» (voir ici).

La thèse soutenue par l’auteur du texte [G.C.] lui est donc personnelle. Elle n’est pas réellement argumentée. Elle fait abstraction des données chiffrées. En voici quelques-unes:

1) Concentration de divers produits alimentaires en nitrosodiméthylamine [NDMA], selon R. Walker, 1990 (en μg kg-1 [n.d. = non détecté])

- Bacon: n.d. – 30

- Viandes salées: n.d. – 4

- Saucisse de Francfort: n.d. – 84

- Salami: n.d.- 80

- Poisson oriental sec et salé: 40-9000

- Fromages (variés): n.d. – 20

- Lait: n.d. – 4.5

- Bière: n.d. – 68

2) Apports quotidiens en nitrosodiméthylamine [NDMA], selon S.D. Gangolli et coll., 1994

Pays

NDMA (μg j-1)

Source principale (% de contribution)

Royaume-Uni

0.53

Viandes salées (81%)

Royaume-Uni

0.60

Bière, viandes salées

Pays-Bas

0.38

Bière (71%)

Allemagne de l’Ouest

1.10

Bière (65%), viandes salées (10%)

Japon

1.8

Poisson séché (91%)

Suède

0.12

Bière (32%), viandes salées (61%)

Finlande

0.08

Bière (75%), poisson fumé (25%)

 

3) Toxicité cancérigène de la nitrosodiméthylamine [NDMA] chez l’animal et chez l’homme.

Il n’existe pas de travail qui permette, chez l’homme, de déterminer directement à partir de quel seuil quantitatif quotidien une consommation régulière de nitrosamine ou de nitrosamide, durant toute une vie, fait apparaître un risque cancérigène. Par contre, l’étude existe chez le rongeur. Une expérimentation importante a porté sur plus de 4000 rats. Chez cet animal, des administrations prolongées, tout au long de l’existence, de nitrosodiméthylamine [NDMA], ou de nitrosodiéthylamine [NDEA] ne commencent à être cancérigènes (foie pour les deux produits, œsophage pour le second) qu’au-delà de 0.01 mg kg-1 j-1 (Peto, R. et coll. 1984). A supposer que les nitrosamines aient à l’égard des cancers la même action chez l’homme et chez l’animal, ce qui n’est pas démontré, on pourrait envisager que, pour un homme de 60 kg, la dose sans effet pour la nitrosodiméthylamine [NDMA] soit de 10 x 60 = 600 μg j-1. Il faudrait qu’un homme de 60 kg ingère quotidiennement plus de 600 μg de nitrosodiméthylamine [NDMA], et ce pendant toute une vie, pour que le risque carcinogène commence à apparaître.

Qu’en déduire?

- Les doses de nitrosamines ingérées par l’homme quotidiennement par l’intermédiaire de la consommation de produits de charcuterie sont faibles. Il est extrêmement peu vraisemblable qu’elles atteignent le seuil du risque carcinogène.

- Si, par pure hypothèse et par application abusive du principe de précaution, on était amené à interdire la commercialisation de viandes préparées avec une adjonction de nitrate ou de nitrite, on pourrait voir, par la suite, certains, du fait d’un raisonnement fautif analogue, réclamer l’interdiction de la commercialisation d’autres pourvoyeurs en nitrosamines: bière, fromages divers, poissons fumés.

L’alarmisme et la fausse science s’associent trop souvent.

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Supplémentation en nitrate en altitude simulée ou réelle

Shannon, O.M., McGawley, K., Nybäck, L., Duckworth, L., Barlow, M.J., Woods, D., Siervo, M. and O’Hara, J.P. (2017) “Beet-ing” the mountain: a review of the physiological and performance effects of dietary nitrate supplementation at simulated and terrestrial altitude. Sports Medicine DOI 10.1007/s40279-017-0744-9

(voir l'abstract ici)

Parmi les nombreuses répercussions physiologiques de l’exposition à l’altitude, on retient:

- une diminution de la consommation maximale en oxygène (VO2max)

- une baisse de la saturation artérielle en oxygène (SaO2)

- une accentuation des perturbations métaboliques musculaires pour un travail submaximal,

- et une diminution des performances physiques.

[Exposure to altitude results in multiple physiological consequences. These include, but are not limited to, a reduced maximal oxygen consumption, drop in arterial oxygen saturation, and increase in muscle metabolic perturbations at a fixed sub-maximal work rate. Exercise capacity during fixed work rate or incremental exercise and time-trial performance are also impaired at altitude relative to sea level].

Relativement récemment, l’aide nutritionnelle apportée par la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- aux sujets placés en altitude est venue attirer l’attention des scientifiques [Recently, dietary nitrate (NO3-) supplementation has attracted considerable interest as a nutritional aid during altitude exposure].

Dans leur revue de synthèse, les auteurs britanniques [Leeds, Birmingham, Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni] et suédois [Östersund, Suède] présentent ici, et évaluent, les effets physiologiques, notamment à l’effort, de la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- tant en situation d’altitude simulée qu’en situation d’altitude réelle […during exposure to simulated and terrestrial altitude].

▪ En altitude simulée, la supplémentation en nitrate NO3-:

- réduit la dépense en oxygène lors de l’exercice physique,

- élève la saturation artérielle et tissulaire en oxygène,

- améliore la fonction métabolique musculaire,

- augmente la performance physique.

Il semble, par contre, qu’en altitude simulée la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- ne facilite pas réellement les réponses à l’entraînement.

[The findings of this review demonstrate that dietary nitrate (NO3-) supplementation may reduce the oxygen cost of exercise, elevate arterial and tissue oxygenation, improve metabolic function, and enhance exercise capacity/performance at simulated altitude]. [Conversely, current evidence suggests that NO3- supplementation doses not augment the training response at simulated altitude].

▪ Peu d’études ont été effectuées en altitude réelle [terrestrial altitude]. S’il semble que, dans de telles conditions, la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- améliore la fonction endothéliale sans retentir favorablement sur la consommation et la saturation en oxygène, on ne saurait être formel. Des études complémentaires sont souhaitables et nécessaires [Current evidence indicates potential improvements in endothelial function at terrestrial altitude following NO3- supplementation. No effects of NO3- supplementation have been observed on oxygen consumption or arterial oxygen saturation at terrestrial altitude, although further research is warranted].

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