Kapil, V., Khambata, R.S., Jones, D.A., Rathod, K., Primus, C., Massimo, G., Fukuto, J.M. and Ahluwalia, A. (2020) The noncanonical pathway for in vivo nitric oxide generation: The nitrate-nitrite-nitric oxide pathway. Pharmacological reviews 72, 692-766
(suite)
(voir l'abstract et le texte entier ici)
VII Bénéfices et griefs
La découverte en 1994 d’une production authentique de •NO par réduction de l’ion nitrite a ouvert une voie d’exploration pour les traitements à base de •NO [The discovery of authentic •NO production from nitrite reduction (Benjamin et al., 1994; Lundberg et al., 1994; Zweier et al., 1995) has provided a further avenue within which to explore •NO-based therapeutics].
A Épidémiologie et possibles effets bénéfiques des ions nitrate
Le végétarisme est connu de longue date pour être associé à une diminution de la tension artérielle (par exemple, Donaldson, 1926).
De nombreuses études ont montré une réduction tensionnelle chez les sujets consommant régulièrement des légumes. On a certes pu évoquer le rôle des fibres solubles, du potassium, des antioxydants. En réalité, le rôle des nitrates alimentaires paraît prédominant [[…] further analyses of such data have suggested green leafy vegetables, which are the largest source of dietary nitrate, appear to confer the greatest cardioprotective effects].
Les normes édictées par les autorités administratives, en raison d’éventuels griefs [Cf le chapitre suivant], sont principalement:
- la concentration maximale admissible [CMA] dans l’eau de boisson: ≤ 50 mg l-1,
- et la dose journalière admissible [DJA] : 3.7 mg kg-1 j-1.
En fait, pour un sujet de 70 kg, les régimes connus pour être bénéfiques dans un contexte de maladie cardiovasculaire apportent des quantités de nitrate NO3- s’élevant jusqu’à 8.8-17.8 mg kg-1 j-1, nettement supérieures à la DJA officielle, ci-dessus mentionnée [Fruit and vegetable-rich diets that have beneficial effects on cardiovascular diseases (Joshipura et al., 1999, 2001); Hung et al., 2004) and blood pressure, such as the DASH diet (Appel et al., 1997) contain large amounts of nitrate naturally, perhaps up to 10-20 mmol daily (Hord et al., 2009), far in excess of the recommended ADI above].
B Griefs
1 Méthémoglobinémie
Dans les années d’après-guerre, la publication de cas de méthémoglobinémie du nourrisson liés à la consommation d’eau de puits a conduit à l’énonciation d’une concentration maximale admissible [CMA] de nitrate dans l’eau de boisson, inférieure à 50 mg NO3- l-1 et toujours en vigueur aujourd’hui [[…] post-War II well-water surveys in rural American districts with reported cases of infant methemoglobinemia (Comly, 1945; Walton, 1951) led to the establishment of regulatory frameworks to control the nitrate level in such water at levels < 50 mg/l that are still inn place (U.S. Public Health Service, 1962)].
Les travaux ultérieurs ont montré qu’en réalité, il n’existait aucun lien entre les taux de nitrate dans l’eau de boisson et le risque d’apparition de la méthémoglobinémie du nourrisson [Indeed, recent data show no consistent association between drinking water nitrate levels and either the risk of developing clinical methemoglobinemia or blood metHb levels themselves].
Chez le nourrisson, la méthémoglobinémie est liée à la consommation d’ions nitrite NO2-, présents dans le biberon à la suite d’une contamination bactérienne [In adults, there is no report of vegetable intake causing clinically relevant methemoglobinemia, and cases in children are largely thought to be related to preformed nitrite accumulation due to bacterial contamination and preingestion nitrate-to-nitrite conversion].
Chez l’adulte, une perfusion pendant 3 à 9 heures de nitrite de sodium NaNO2 au rythme de ~ 7 mmol/kg/heure entraîne
- une baisse de la tension artérielle,
- des teneurs plasmatiques en nitrite de 46 à 230 μg NO2- l-1,
- avec une élévation très faible du taux de méthémoglobine: seulement 2-5 %, sans retentissement clinique (Pluta et al., 2011).
2 Cancer
En 1956, Magee et Barnes constataient que, chez le rat, la consommation de diméthylnitrosamine (50 ppm) pendant 6 mois favorisait l’apparition du carcinome hépatocellulaire. La suspicion se portait alors sur la consommation de nitrate et de nitrite, conçus comme précurseurs métaboliques des nitrosamines.
Au cours des deux dernières décennies, plusieurs rapports ont été publiés:
1) En 2010, le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] a conclu en stipulant que les nitrites et les nitrates menant sous certaines conditions à une nitrosation endogène seraient probablement carcinogènes [[…] the International Agency for Research on Cancer evaluated the effects of both nitrite and nitrate on human carcinogenesis and reported […]: nitrite and nitrate under conditions resulting in endogenous nitrosation are probably carcinogenic].
Mais:
2) En 2001, ayant étudié chez le rongeur les effets de la consommation pendant 2 ans d’une eau de boisson contenant de très forts taux de nitrite (~ 16-65 mmol NO2- l-1), le Programme National de Toxicologie américain concluait à l’absence de tout effet cancérigène [The US National Toxicology Program produced a technical report studying 2-year drinking water supplementation studies of high levels of nitrite (~ 16-65 mmol/l) in rodents and concluded there was no evidence of carcinogenesis (National Toxicology Program, 2001)]
3) En 2003, le Comité d’experts sur les Additifs Alimentaires de l’OMS précisait qu’il n’y avait pas de preuve de la carcinogénicité des nitrates chez l’homme. Dans des cohortes ultérieures, les régimes à base de fruits et légumes apportant des quantités de nitrate plusieurs fois supérieures à la Dose Journalière Admissible [DJA] n’étaient nullement associés à une quelconque augmentation de l’incidence des cancers ni à celle de la mortalité (il était même possible qu’ils soient pourvus de vertus protectrices à l’égard des cancers) [The WHO Expert Committee on Food Additives concluded that there was no evidence that nitrate was carcinogenic to humans (Speijers and van den Brandt, 2003). In subsequent large cohorts, fruit and vegetable-rich diets that exceed the ADI severalfold are not associated with any increase in cancer and mortality (Hung et al., 2004) and may indeed offer protection against cancer (World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research, 2007; Boffetta et al., 2010)].
C Considérations sur les intérêts respectifs des supplémentations en nitrate et en nitrite
La supplémentation en nitrite et la supplémentation en nitrate (cette dernière par l’intermédiaire de la conversion nitrate-nitrite dans la cavité buccale lors du cycle entérosalivaire) ont certes le même effet, à savoir l’augmentation de la concentration plasmatique en nitrite.
Mais l’ion nitrate a une plus longue demi-vie (~ 6 heures). La supplémentation en nitrate est plus facile à mettre en œuvre dans la population générale, par l’intermédiaire d’une augmentation de la consommation en légumes. Elle est largement applicable, notamment dans les pays émergents.
Commentaire du blog
• Édictée aux États-Unis par l’US Public Health Service en 1962, la concentration maximale admissible [CMA] en nitrate dans l’eau de boisson y a été fixée à 10 mg NO3--N l-1, soit 45 mg NO3- l-1. Plus tard, en 1980, pour l’ancien continent, l’Union européenne a arrondi le chiffre à 50 mg NO3- l-1. Les normes ont toujours cours.
Il y a quarante et soixante ans, l’objectif était légitime. Il s’agissait d’essayer de prévenir la méthémoglobinémie du nourrisson. En réalité, les réglementations ont été imposées indépendamment de toute base scientifique. On sait maintenant qu’il n’existe aucun lien entre la concentration en nitrate de l’eau de boisson et l’apparition de la méthémoglobinémie du nourrisson. L’affection est liée aux ions nitrite présents dans un biberon préparé avec une eau de puits bactériologiquement contaminée.
On souhaiterait que les autorités sanitaires reviennent sur leur décision, ancienne et erronée.
• L’avis du Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] est contestable. Il signale que le métabolisme des nitrates les conduit à la formation endogène de nitrosamines, et, expérimentalement, chez l’animal, la diméthylnitrosamine et d’autres nitrosamines peuvent être cancérigènes.
En réalité, toute considération non chiffrée manque de pertinence. Un point de vue quantitatif s’impose. Dans le cadre du métabolisme des nitrates, la formation chez l’homme de diméthylnitrosamine dans l’estomac à partir des nitrites salivaires est absolument infime: 0.00148 μg j-1. Elle est 500 000 fois inférieure à la dose sans effet de la diméthylnitrosamine, évaluée chez le rongeur de laboratoire à 10 μg kg-1 j-1.
On souhaiterait également que le CIRC revienne sur son erreur.
FIN