Interaction nitrate-sulfate

Kuhnle, G.G.C., Luben, R., Khaw, K.-T. and Feelisch, M. (2017) Sulfate, nitrate and blood pressure – An EPIC interaction between sulfur and nitrogen. Pharmacological Research 122, 127-129

(voir le texte complet ici)

L’anion sulfate SO2-4 est très peu toxique. Sa présence dans l’eau à très forte concentration n’a été jugée responsable que de perturbations gastro-intestinales mineures. On le trouve à la concentration moyenne de 140 mg l-1 dans le lait maternel, à des concentrations comprises entre 250 et 360 mg l-1 dans le lait de vache. Pour l’eau de distribution, les organismes administratifs ont fixé des valeurs dites de référence:

- 250 mg l-1 selon l’Organisation Médicale de la Santé [OMS] et l’Environment Protection Agency des Etats-Unis [US EPA],

- 500 mg l-1 selon les instances canadiennes.

Depuis une dizaine d’années, on sait que la consommation de l’ion nitrate NO3- exerce un effet hypotensif chez le volontaire sain et qu’elle diminue également la consommation d’oxygène lors de l’effort. La perception du rapport bénéfice/risque de cet anion s’en est trouvée modifiée [A decade ago inorganic nitrate (NO3-) was reported to lower blood pressure (BP) in healthy volunteers. Together with its capacity to reduce the oxygen cost of exercise reported earlier, these observations triggered a change in our perception of the risk/benefit ratio of this simple anion].

Les auteurs britanniques [Universités de Reading, Cambridge et Southampton, Royaume-Uni] consultent les données recueillies par l’EPIC, ou European Prospective Investigation of Cancer. L’EPIC est une étude multicentrique de cohorte destinée principalement, ou primitivement, à étudier les liens existant entre alimentation, mode de vie et cancers. Elle a pu recenser dans le comté de Norfolk [Royaume-Uni] un grand nombre de sujets âgés entre 40 et 79 ans.

Les auteurs ont ainsi connaissance des teneurs en sulfate et des teneurs en nitrate des eaux de boisson consommées par 4112 femmes et 3486 hommes. Les concentrations de l’eau de consommation en sulfate sont comprises entre 9 et 102 mg l-1. Les concentrations en nitrate sont comprises entre 0 et 50 mg l-1. Aucune corrélation statistique n’existe entre les deux variables [There was no correlation between the concentrations of these anions].

A partir de 14549 sujets, dont 54% de femmes, ils sont étonnés de ne pas observer de lien statistique entre la teneur en nitrate de l’eau de consommation et la tension artérielle, systolique ou diastolique, mesurée au repos [Unexpectedly, we found no inverse association between nitrate (or nitrite) concentrations and blood pressure at baseline; if anything, the associations were mildly positive]. De même, aucune corrélation inverse n’existe entre la concentration de l’eau de consommation en nitrate et le risque d’apparition des maladies cardiovasculaires [Likewise, after an average of 15 years of follow-up, we did not find inverse associations with CVD risk].

Aucune corrélation n’existe non plus, à partir de 7598 sujets, entre la teneur en sulfate de l’eau de consommation et la tension artérielle [There was also no direct association between drinking water sulfate and blood pressure in 7598 participants for whom this data was available]. Par contre, les auteurs observent une interaction statistiquement significative entre les concentrations de l’eau de consommation en sulfate et en nitrate:

- lorsque la concentration de l’eau de consommation en sulfate SO2-4 est basse, compris entre 9 et 33 mg l-1, la concentration de l’eau de consommation en nitrate NO3-, comprise entre 0 et 50 mg l-1, est l’objet d’une corrélation négative avec les chiffres de tension artérielle systolique [At low sulfate concentrations, nitrate was inversely associated with blood pressure (- 4mmHg in top quintile)].

- par contre, lorsque la concentration de l’eau de consommation en sulfate SO2-4 est plus forte, comprise entre 34 et 102 mg l-1, la concentration de l’eau de consommation en nitrate NO3-, comprise entre 0 et 50 mg l-1, est positivement corrélée avec les chiffres de tension artérielle systolique [This association was reversed at higher concentrations (+ 3 mmHg in top quintile)].

En conclusion, selon les auteurs britanniques, l’effet au long cours de l’ion nitrate sur la tension artérielle est influencé par la consommation concomitante de l’ion sulfate. Il leur apparaît que le métabolisme des nitrates est plus complexe que prévu [These findings suggest that the long-term effects of nitrate on blood pressure are influenced by concomitant sulfate intake and that nitrate bioactivation is more complex than hitherto envisaged].

Commentaire du blog

Ce travail porte sur les liens entre la concentration de l’eau de consommation en nitrate et la tension artérielle. Certes, on peut supposer que sur un très large échantillon la concentration de l’eau de consommation en nitrate constitue un reflet relativement correct de la quantité de nitrate ingérée quotidiennement par l’intermédiaire de l’eau de boisson.

Mais elle ne peut être un reflet correct de la quantité totale de nitrate ingérée quotidiennement. Rappelons que, selon les diverses études, les nitrates de l’alimentation proviennent pour 60 ou 80 % des légumes, pour 10% des viandes et seulement pour de 2 à 25 % de l’eau de boisson.

Les résultats présentés par les auteurs britanniques sont donc à considérer avec le recul nécessaire.

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