Poivre du Chili, salami, teneurs en nitrate et nitrite

Colavita, G., Piccirilli, M., Iafigliola, L. and Amadoro, C. (2014) Levels of nitrates and nitrites in chili pepper and ventricina salami. Italian Journal of Food Safety 3, 114-116

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Le salami Ventricina est un saucisson fait de viande de porc, abondamment pimenté de poivre de Chili. Il est traditionnellement produit dans deux régions italiennes, les Abruzzes et le Molise.

Les auteurs italiens [Université du Molise, Campobasso] mesurent les teneurs en nitrate NO3- et en nitrite NO2-:

- du poivre du Chili cultivé selon des procédés agronomiques traditionnels,

- du poivre du Chili cultivé selon un procédé agronomique organique,

- d’une poudre de poivre du Chili disponible dans le commerce,

- d’échantillons de salami Ventricina sans addition de nitrate de sodium NaNO3 [t0], puis 50 jours plus tard [t50],

- d’échantillons de salami Ventricina comportant une addition de 109 mg NO3- kg-1 sous forme de nitrate de sodium NaNO3, au moment de l’adjonction [t0] et 50 jours plus tard [t50],

Les résultats obtenus sont, en moyenne, les suivants:

 

Teneur en nitrate NO3-

(mg kg-1)

Teneur en nitrite NO2-

(mg kg-1)

Poivre du Chili

– procédé traditionnel

 

394

 

< 5

Poivre du Chili

- Procédé organique

 

531

 

< 5

Poivre du Chili

- Poudre commerciale

 

325

 

< 5

Salami Ventricina

- sans adjonction de nitrate de sodium NaNO3

-à t0

-à t50

 

 

 

< 5

< 5

 

 

 

< 5

< 5

Salami Ventricina

- avec adjonction de 109 mg de NO3- kg-1

-à t0

-à t50

 

 

 

134

129

 

 

 

< 5

29

En moyenne, la concentration de nitrate NO3- dans le poivre du Chili étudié est plus importante en cas de culture biologique qu’en cas de culture traditionnelle. Selon les auteurs italiens, la différence n’est cependant pas statistiquement significative [Biological farming has led to a greater concentration of nitrates in the pepper studied, but the difference with traditional method of cultivation was not significant].

Bien que le salami Ventricina contienne du poivre du Chili en relative abondance, ses concentrations en nitrate NO3- restent minimes tant qu’il n’est pas procédé à une adjonction de nitrate de sodium NaNO3 [Nitrates concentrations were irrelevant in ventricina sausages without sodium nitrate added]. Les auteurs en concluent que la présence de poivre du Chili dans un salami ou une saucisse n’est pas en mesure de retentir sur leurs concentrations en nitrate NO3- et en nitrite NO2- [The results of this study showed that the addition of high amounts of organic chili pepper has no influence on the concentration of nitrates and nitrites in sausages].

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Réponse à l’écologisme

Buson, C., Apfelbaum, M., Bardinet, J.-P., Beslu, P., Gérondeau, C., Houdebine, L.-M., Julien, J.-L., L’hirondel, J.-L., Monnier, C., Proust, J.-F., Veyres, C. et Voiron, H. (2016) Réponse à l’écologisme. Comment la connaissance permet de réfuter les peurs entretenues. Préface de C. Allègre. L’Harmattan ed. 315 p.

(voir la référence ici)

«Et si nous abordions enfin les questions écologiques à la lumière de la science. Nous assistons en permanence depuis plusieurs décennies à des alertes exagérées, à l’omniprésence d’organisations écologistes influentes, bref à des déluges de contre-vérités. Nous pourrions en sourire tant le grotesque et l’inconsistance des propos sont la plupart du temps manifestes.

Mais la désinformation obtenue par la répétition de ce «prêt à penser écologiste» et sa pénétration généralisée dans les écoles, de la maternelle à l’enseignement supérieur, et dans notre réglementation, nous amènent à proposer dans cet ouvrage un début de réponse critique argumentée.

Il s’agira pour nous, médecins et ingénieurs expérimentés, d’illustrer comment les connaissances établies permettent de battre en brèche nombre d’assertions erronées qui désorientent trop souvent nos décisions.

Il est grand temps d’abandonner la religion de l’écologisme et les déclamations incantatoires des «sauveurs de la planète», pour nous tourner vers les sciences de l’environnement et de la santé».

C’est ainsi qu’est présenté l’ouvrage en quatrième page de couverture.

Les thèmes abordés sont nombreux: peurs alimentaires infondées [M. Apfelbaum] – nitrates et santé [J.-L. L’hirondel] – produits phytosanitaires et santé [J.-F. Proust] – polychlorobiphényles (PCB), dioxines, furanes et santé (H. Voron] – crainte du manque de terres arables et de la «dégradation» des sols [H. Voron] – crainte du manque d’eau en France [H. Voron] – crainte des organismes génétiquement modifiés (OGM) [L.-M. Houdebine] – place de l’agriculture biologique [L.-M. Houdebine; J.-L. Julien] – nitrates, phosphates et mécanisme des proliférations algales [C. Buson] – «fonte» de l’Antarctique et niveau de la mer [H. Voron] – «transition énergétique» et énergies intermittentes [C. Gérondeau] – question climatique [J.-F. Proust, J.-P. Bardinet, P. Beslu, C. Veyres, H. Voron]. Le vingtième et dernier chapitre: «L’agriculture au risque de l’écologisme», quant à lui, est rédigé par un ingénieur agronome de longue expérience, puisque né en 1916 [C. Monnier].

Deux chapitres retiennent ici spécialement l’attention:

▪ Nitrates et santé [J.-L. L’hirondel]

Il s’agit d’un état des lieux présenté en 8 pages [+ 4 pages de références bibliographiques]

▪Introduction

▪ Griefs à l’encontre des nitrates

Méthémoglobinémie du nourrisson

Risque cancérigène

▪ Effets bénéfiques des nitrates

▪ Conclusion

En conclusion, l’auteur écrit: «La limite maximale de 50 mg de nitrate/litre dans l’eau d’adduction publique est depuis longtemps scientifiquement périmée».

La référence de «Nitrates et santé – Le blog des nitrates», à savoir: http:// blog-nitrates.fr/ est citée en fin d’article.

▪ Nitrates, phosphates, mécanisme des proliférations algales [C. Buson]

Le texte comprend douze pages [+ 3 pages de références bibliographiques]

▪ Les proliférations algales

▪ La cascade de l’azote: une étonnante hypothèse émise par Galloway

▪ Le cas des «marées vertes» en Bretagne

▪ La région Bretagne n’est pas saturée par les déjections animales des élevages; elle est en déficit structurel et doit «importer» des engrais azotés

▪ Critique du rapport interministériel d’expertise de 2012

▪ Du mauvais usage d’un indicateur biologique: la mulette perlière (Margaritifera margaritifera)

▪ Conclusion

En conclusion, l’auteur écrit: «Les nitrates ne provoquent jamais de proliférations algales et c’est sur le phosphore présent dans le milieu aquatique que les efforts doivent uniquement porter pour circonscrire le phénomène (d’eutrophisation)».

Commentaire du blog

L’ouvrage est une réponse scientifique à maintes erreurs véhiculées, et répétées, sans esprit critique par les médias (dont les erreurs ayant trait aux nitrates). On ne peut que vivement recommander sa lecture à quiconque souhaite asseoir sa réflexion sur des bases solides.

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Apports en nitrate, mucoviscidose et FeNO

Kerley, C.P., Kilbride, E., Greally, P. and Elnazir, B. (2016) Dietary nitrate acutely and markedly increased exhaled nitric oxide in a cystic fibrosis case. Clinical Medicine and Research Online Rapid Release doi/10.3121/cmr.2016.1320

(voir l'article entier ici)

La mucoviscidose s’associe volontiers à une diminution de la fraction d’oxyde nitrique NO dans le gaz expiré, la FeNO [Cystic fibrosis is a chronic lung condition which is associated with decreased fraction of exhaled NO (FeNO)].

Les conséquences de la diminution de la FeNO lors de la mucoviscidose ne sont pas encore clairement établies. On sait cependant que la fonction pulmonaire des patients atteints de mucoviscidose évolue parallèlement aux teneurs en NO des voies respiratoires et aux teneurs de ses métabolites dans l’expectoration. [The impact of decreased FeNO in cystic fibrosis is unclear […]. Interestingly, pulmonary function in cystic fibrosis subjects is positively correlated to airway NO and sputum NO metabolites].

Chez les patients atteints de mucoviscidose, plusieurs tentatives thérapeutiques ont déjà cherché à augmenter la fraction d’oxyde nitrique NO dans l’air expiré (FeNO). Il s’agit, en l’occurrence, d’ingestions de doses plus ou moins importantes de L-arginine, de 150 à 600 mg kg-1 jour-1, ou du recours à un inhibiteur de l’enzyme 3’5’-nucléotide cyclique phosphodiestérase (PDE5), le sildénafil (ViagraR). Les résultats ont été peu probants.

Les auteurs irlandais [Dublin, République d’Irlande] se proposent de vérifier chez un patient atteint de mucoviscidose si l’ingestion d’une forte dose de nitrate alimentaire retentit ou non sur la teneur en oxyde nitrique NO de l’air expiré.

Un  jeune garçon de 12 ans est porteur d’une mucoviscidose. Son affection a débuté tôt dans la vie sous la forme d’infections respiratoires récidivantes et d’essoufflements. Elle est diagnostiquée à l’âge de 9 ans

- par un test à la sueur positif: 112 et 106 mmol de chlore (normale inférieure à 30 mmol de chlore),

- et par une analyse génotypique (recherche de mutations présentes sur le gène CFTR).

[An initial sweat test chloride of 112 and confirmatory sweat test chloride of 106 in addition to genotype analysis […] lead to a cystic fibrosis diagnosis at 9 months of age].

La fonction ventilatoire du jeune patient est normale; en témoigne un volume expiratoire maximum seconde de 105 %. Sa fonction pancréatique n’est pas altérée.

Pour l’étude, il ingère alternativement en double aveugle et cross over:

- soit 800 mg de nitrate NO3-, à partir de 140 ml de jus de betterave,

- soit moins de 31 mg de nitrate NO3-, à partir de 140 ml d’un jus de betterave déplété en nitrate.

Les fractions d’oxyde nitrique NO dans l’air expiré [FeNO] sont mesurées d’une part avant, d’autre part 1 heure et demie après les ingestions des jus de betterave, riche et déplété en nitrate.

- Avant tout ingestion de jus de betterave, la fraction d’oxyde nitrique dans l’air expiré [FeNO] est normale (20 ppb, c’est-à-dire 20 parts par milliard).

- 1 heure et demie après l’ingestion des 140 ml de jus de betterave déplété en nitrate, la fraction d’oxyde nitrique NO dans l’air expiré [FeNO] est diminuée de 17 %. Elle est de 16 ppb (ou parts par milliard).

- 1 heure et demie après l’ingestion de 140 ml de jus de betterave riche en nitrate, apportant 800 mg de nitrate NO3-, la fraction d’oxyde nitrique NO dans l’air expiré [FeNO] est nettement augmentée, de 150 %. Elle est de 50 ppb (ou parts par milliard).

[There was no effect on pulmonary fonction after either beverage. However, 1.5 h following beetroot juice, FeNO increased by 150 % (30 ppb) but decreased by 17 % after placebo (-4ppb)].

Les auteurs irlandais font remarquer qu’au départ leur patient n’avait pas un taux bas de FeNO [Interestingly, the subject studied here did not have low baseline FeNO (20 ppb)]. Ils souhaiteraient par ailleurs que les études à venir sur la mucoviscidose s’intéressent, entre autres, aux retentissements des consommations de légumes sur la FeNO [We suggest the dietary modification of FeNO, including via vegetable consumption in cystic fibrosis is worthy of further exploration].

Commentaire du blog

Le même type d’étude pourrait être le bienvenu dans des pathologies autres que la mucoviscidose et chez le sujet sain.

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Nitrate, flore salivaire, migraine

Gonzalez, A., Hyde, E., Sangwan, N., Gilbert, J.A., Viirre, E. and Knight, R. (2016) Migraines are correlated with higher levels of nitrate-, nitrite-, and nitric oxide-reducing oral microbes in the American Gut Project Cohort. mSystems 1, e00105-16

(voir l'article entier ici)

Depuis plus de cent ans, les praticiens utilisent les esters d’acide nitrique, de structure chimique R-O-NO2, connus sous le nom de «nitrates organiques», dans le traitement des maladies coronariennes. Citons la nitroglycérine ou trinitrine et le dinitrate d’isosorbide.

Un de leurs inconvénients est d’être assez souvent pourvoyeurs de céphalées ou de migraines. L’histoire des céphalées de la nitroglycérine, et des rôles qu’ont joués dans leur description Ascanio Sobrero, Alfred Nobel et William Murrel, a été présentée dans la rubrique du 19 janvier 2010.

A la fin des années 1970, les travaux de Ferid Murrad, de même que ceux de Louis Ignarro, ont montré que les effets bénéfiques des «nitrates organiques» et leurs effets indésirables représentés par les céphalées, étaient les uns et les autres consécutifs à la libération d’oxyde nitrique NO et à son action vasodilatatrice

On sait, par ailleurs, que le métabolisme des ions nitrate NO3- d’origine alimentaire les fait passer dans la salive à la suite d’un cycle entérosalivaire. En présence des germes de la flore buccale, les nitrates salivaires sont, en partie, transformés en nitrites salivaires. Les nitrites salivaires sont déglutis. Dans le milieu acide de l’estomac, les ions nitrite NO2- sont eux-mêmes transformés en oxyde nitrique NO.

Les auteurs américains [San Diego, Californie] se demandent ainsi s’il existe ou non un lien entre la population bactérienne de la flore buccale et le terrain migraineux.

Les patients proviennent de la cohorte de l’«American Gut Project» (nombre de sujets non précisé). Les bactéries étudiées sont celles de la flore buccale et celles des fèces. Les auteurs font appel à des techniques de séquençage d’ARN haut débit.

Les auteurs mettent en évidence

- dans la flore buccale, une plus grande abondance de bactéries nitratoréductrices, nitritoréductrices et réductrices d’oxyde nitrique chez les sujets migraineux que chez les sujets non migraineux, la différence étant nette et statistiquement significative.

- dans les selles, une plus grande abondance de bactéries nitratoréductrices, nitritoréductrices et réductrices d’oxyde nitrique chez les sujets migraineux que chez les sujets non migraineux, la différence étant légère, quoique encore significative

[Using high-throughouput sequencing technologies, we detected observable and significantly higher abundances of nitrate, nitrite, and nitric oxide reductase genes in migraineurs versus nonmigraineurs in samples collected from the oral cavity and a slight but significant difference in fecal samples].

Ces premiers résultats laissent envisager, disent les auteurs, un lien éventuel entre d’une part les bactéries réductrices de nitrate, de nitrite et d’oxyde nitrique, d’autre part les migraines. [These results show for the first time a potential link between bacterial nitrate, nitrite and nitric oxide reducers and migraines […]]. Des études complémentaires sont souhaitables.

Commentaire du blog

Les résultats méritent d’être confirmés.

Le raisonnement à l’origine de l’étude laisse dubitatif. Même ingérés à fortes doses (jusqu’à 8120 mg NO3- en une prise (Ellen et coll., 1982)), on sait que les nitrates NO3- alimentaires ne provoquent pas de céphalées.

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Tours et détours de la science (2)

(suite)

Mills, C.E., Khatri, J., Maskell, P., Odongerel, C. and Webb, A.J. (2016) It is rocket science – Why dietary nitrate is hard to beet ! Part II: Further mechanisms and therapeutic potential of the nitrate-nitrite-NO pathway. British Journal of Clinical Pharmacology 83, 140-151

(voir l'abstract ici)

Dans ce second article, les auteurs britanniques continuent leur présentation des tours et détours [twists and turns] qui, au cours des vingt dernières années, ont pu affecter la compréhension scientifique de la voie métabolique nitrate-nitrite-NO [Cf. rubrique précédente du…].

Le tableau se continue de la façon suivante:

 

Science du passé

Science du présent: effets positifs ou favorables

10 L’ion nitrate NO3- exerce-t-il une protection vis-à-vis des lésions d’ischémie-reperfusion ?

 

Oui

[Webb et coll., 2008]

11 L’ion nitrite NO2- exerce-t-il un effet sur la fonction plaquettaire ?

Non [Bran et coll., 2005]

En fait, oui

[Webb et coll., 2008)

12 Les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- sont-ils l’objet d’un phénomène de tolérance, diminuant à la longue leurs effets ?

 

Non

[Dejam et coll, 2007; Vanhatalo et coll, 2010; Sobko et coll, 2010;

Kapil et coll, 2015]

13 Les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- modifient-ils le métabolisme de la mitochondrie ?

 

Oui, au cours de l’exercice [Larsen et coll., 2007, 2011; Bailey et coll., 2009]

14 L’activation de l’ion nitrite NO2- requiert-elle des conditions hypoxiques ?

Oui, très habituellement [Lundberg et coll., 2009]

Pas toujours

[Omar et coll., 2015]

15 L’ion nitrite NO2- provenant de l’ion nitrate NO3- est-il toxique ?

Oui, il est potentiellement cancérigène selon de vieilles notions [Tannenbaum et Correa, 1985]

En fait, non – aucune association réellement notée avec le cancer

[Bryan et coll., 2012]

16 Autres possibilités thérapeutiques pour les ions nitrate NO3- et nitrite NO2-

 

Hémorragie sous-arachnoïdienne [Pluta et coll., 2005];

Hypertension artérielle pulmonaire [Zuckerbraun et coll., 2010]

17 Combinaisons diététiques avec les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- potentiellement bénéfiques

 

Acide ascorbique, acide oléique, acide linoléique conjugué, flavanols du cacao, polyphénols de l’alimentation et du vin, alcool, lumière solaire

Le chapitre 15 retient l’attention.

Les auteurs britanniques rappellent que les humains sont exposés aux nitrates et aux nitrites dès leur naissance. Les concentrations en nitrate et en nitrite du colostrum ne sont-elles pas, en moyenne et respectivement, de 1.9 mg NO3- l-1 et de 0.9 mg NO2- l-1? Il ne serait pas impossible, d’ailleurs, que les nitrites du colostrum soient pourvus d’un rôle anti-infectieux dès les premiers jours de la vie [This may provide an important early anti-infective function]. Par la suite, les concentrations en nitrate du lait maternel s’élèvent, en moyenne, jusqu’à 5.3 mg NO3- l-1, se stabilisant autour de 2.8 mg NO3- l-1. A l’inverse, les concentrations en nitrite du lait baissent rapidement, et se stabilisent autour de 0.1 mg NO2- l-1.

Plus tard dans la vie, une exposition aux nitrates et aux nitrites est consécutive à une décision humaine. On ajoute, en effet, des nitrates et des nitrites à la viande pour prévenir le développement bactérien, notamment celui du Clostridium botulinum, et assurer ainsi sa conservation. Il est légalement possible d’ajouter jusqu’à 150 mg de nitrite de sodium NaNO2, soit 100 mg de nitrite NO2, par kilo de viande. Le nitrite de sodium NaNO2, le nitrite de potassium KNO2, le nitrate de sodium NaNO3 et le nitrate de potassium KNO3 sont connus comme additifs alimentaires sous les numéros respectifs de E249, E250, E251 et E252 [From infancy onwards, exposure continues as nitrite (E249, E250) and nitrate (E251, E252) are widely-used EU-approved food additives for meat preservation, to reduce pathogenic growth, most notably Clostridium botulinum, with sodium nitrite added in concentrations up to 150 mg/kg].

La question clé, disent les auteurs, est celle qui concerne l’éventuel effet carcinogène des nitrates et des nitrites.

En 2006, le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC, Genève, Suisse] opposait

- la réduction du risque de cancer gastrique faisant suite à l’ingestion de nitrates NO3- provenant principalement de légumes, telle qu’elle ressortait de certaines études épidémiologiques

- à l’augmentation des risques apparaissant selon d’autres études après l’ingestion de nitrates NO3- ou de nitrites NO2- provenant de viandes ayant été l’objet d’une conservation par les nitrites.

Le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] proposait son explication: La formation de composés N-nitrosés aurait été

- inhibée par la présence de vitamine C, abondante dans les légumes,

- et, à l’inverse, favorisée par la présence de produits aptes à être l’objet de nitrosation, comme on en trouve dans la viande.

Dès lors, considérant qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la carcinogénicité des nitrates et des nitrites indépendamment des facteurs nutritionnels associés, le groupe de travail du Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] précisait que son avis

- ne pouvait pas porter sur les «nitrates ou nitrites ingérés» stricto sensu,

- mais devait plutôt porter sur les «nitrates et nitrites ingérés, quand l’ingestion se fait dans des conditions permettant une nitrosation endogène». Dans ce cas, l’ingestion pouvait être classée comme «probablement carcinogène chez l’homme (groupe 2A)».

[As the cancer hazard from nitrate/nitrite ingestion could not be determined without considering these other factors, the Working Group defined the agent not as “ingested nitrate or nitrite”, but as “ingested nitrate or nitrite under conditions that result in endogenous nitrosation”, which was categorized as probably carcinogenic to humans (Group 2A)].

Le procédé est très inhabituel. C’est la première fois, font remarquer les auteurs, que, dans l’évaluation de la carcinogénicité éventuelle d’un produit, un organisme officiel fait intervenir une condition aléatoire [This marked the first use of a mechanistic event (endogenous nitrosation) leading to carcinogenesis in the wording of an evaluation statement]

En fait, recueillant en 2012 à la fois des études expérimentales animales et des études épidémiologiques humaines, Bryan et coll. ont présenté une revue de synthèse consacrée à l’éventuel risque carcinogène des nitrates et nitrites alimentaires. Ils mettent l’accent sur plusieurs études publiées avant 2006, que le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] n’a pas pris en considération, et également sur des études publiées après 2006. Ils ne trouvent, en définitive, aucune association entre les apports en nitrate NO3- ou en nitrite NO2- et le risque de cancer gastrique [Bryan et al. conducted a review of the evidence from experimental animal studies and human epidemiological studies on cancer risk from ingested nitrate or nitrite, emphasising studies not included in, or published subsequent to the 2006 IARC evaluation […]. They found no association between nitrate/nitrite intake and risk of stomach cancer] [Cf. rubrique du 19 novembre 2012].

Paru en décembre 2015, un rapport récent du World Cancer Research Fund [WCRF, Londres, Royaume-Uni] stipule même que les consommations de légumes non féculents tels le brocoli, le chou, le chou-fleur, les épinards, la carotte, la laitue, la tomate et le poireau ont pour effet de diminuer le risque des cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage et de l’estomac [The World Cancer Research Fund Continuous Update Report (December 2015) reports strong evidence for non-starchy vegetables, such as broccoli, cabbage, spinach, kale, cauliflower, carrots, lettuce, tomatoes, leek, swede and turnip decrease the risk of cancer of the mouth, pharynx, larynx, oesophagus and stomach].

Plusieurs de ces légumes verts sont riches en nitrate, comme le montre le tableau ci-dessous:

Teneur en nitrate

Légume ou eau

Importante diminution du risque de cancer, selon le WCRF [Londres] (2015)

Forte

>1000 mg NO3- kg-1

Epinards, laitue

 

 

Roquette, betterave, céleri

Bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac

Moyenne

100 à 1000 mg NO3- kg-1

Chou, carotte, navet, concombre, haricot vert

 

Ciboule, ail

Bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac

 

Estomac

Basse

< 100 mg NO3- kg-1

Oignon

 

Tomate

Estomac

 

Bouche, pharynx, larynx, œsophage, estomac

Basse

< 100 mg NO3- l-1

Eau d’adduction publique

 

Très basse

< 10 mg NO3- l-1

Eau minérale

 

Dans leur conclusion, les auteurs reviennent sur la conception qui l’emporte. Les légumes fournisseurs de nitrates alimentaires contribuent, réellement, à diminuer le risque de divers cancers […the potential of dietary nitrate containing vegetables to reduce the risk of certain cancers].

A noter aussi, à titre anecdotique, que l’Agence Spatiale Européenne [ESA, Paris, France] a recommandé la culture dans l’espace de légumes comme la betterave, la laitue, les épinards et la roquette, riches en nitrate, de manière à fournir de la nourriture lors des voyages spatiaux de longue durée [The European Space Agency recommends beetroot, lettuce, spinach and rocket (high-nitrate vegetables) are grown to provide food for long term space missions].

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Tours et détours de la science (1)

Khatri, J., Mills, C.E., Maskell, P., Odongerel, C. and Webb, A.J. (2016) It is rocket science. Why dietary nitrate is hard to beet. Part I: Twists and turns in the realization of the nitrate-nitrite-NO pathway. British Journal of Clinical Pharmacology 83, 129-139

(voir l'abstract ici)

Présents dans la betterave et les légumes verts, notamment dans la roquette, les nitrates alimentaires constituent pour l’organisme une importante source d’oxyde nitrique NO, par l’intermédiaire de la voie métabolique nitrate alimentaire NO3--nitrite NO2--oxyde nitrique NO. Le fait est maintenant bien établi. Leurs effets bénéfiques cardiovasculaires s’exercent sur la tension artérielle, les plaquettes, la fonction endothéliale, la fonction mitochondriale, l’exercice physique [Dietary nitrate (found in green leafy vegetables such as rocket and in beetroot) is now recognised to be an important source of nitric oxide, via the nitrate-nitrite-NO pathway. Dietary nitrate confers several cardiovascular beneficial effects on blood pressure, platelets, endothelial function, mitochondrial efficiency and exercise].

Avec deux articles conjoints, les auteurs britanniques [Department of Clinical Pharmacology, St Thomas’ Hospital, Londres] se proposent de montrer quels ont pu être, au cours des vingt dernières années, les tours et détours [twists ans turns] de la science en la matière.

Les auteurs sont clairs et didactiques.

Le texte peut être résumé dans un tableau.

 

Science du passé:

[Cf. ci-dessous]

Science du présent: Nombreux effets positifs ou favorables, découverts depuis 1994 [Cf. ci-dessous]

Ce que l’on croyait il y a vingt ans:

Ions NO3- et NO2-:

- métabolites du NO

- physiologiquement inertes [Moncada et Higgs, 1993]

 

1 L’ion nitrite NO2- est-il source de NO ?

Non – L’ion nitrite NO2- est physiologiquement inerte [Moncada et Higgs, 1993]

En fait: oui – dans le cœur en cas d’ischémie

[Zweier et coll., 1995]

2 Quel est l’effet de l’ion nitrite NO2- en cas d’ischémie-reperfusion ?

Délétère

[Zweier et coll., 1995]

En fait: Protecteur

[Webb et coll., 2004]

3 L’ion nitrite NO2- dilate-t-il les vaisseaux sanguins ?

Non

[Lauer et coll., 2001]

En fait: Oui [Modin et coll., 2001 ; Cosby et coll., 2003]

4 L’organisme possède-t-il des nitrite-réductases ?

Non – réduction NO2--NO, phénomène non enzymatique

En fait: Oui – hémoglobine, myoglobine, xanthine oxydoréductase, aldéhyde oxydase, même NO synthase

5 L’ion nitrate NO3- est-il source de NO ?

 

Oui [Benjamin et coll., 1994; Lundberg et coll., 1994]

6 L’ion nitrate NO3- inhibe-t-il la fonction plaquettaire ?

 

Oui [McKnight et coll., 1999]

7 Les ingestions de nitrate NO3- augmentent-elles les teneurs plasmatiques en nitrite NO2- ?

Non

[Pannala et coll., 2003]

En fait: oui

[Lundberg et coll., 2004 ; Webb et coll., 2008]

8 Les nitrates NO3- diminuent-ils la tension artérielle ?

 

Oui

[Larsen et coll., 2006 ; Webb et coll., 2008]

9 Les ions nitrate NO3- diminuent-ils la tension artérielle par l’intermédiaire des ions nitrite NO2- ?

 

Oui

[Webb et coll., 2008]

On voit les progrès faits depuis 1993 dans la compréhension de la voie métabolique NO3--NO2--NO.

Il y a encore une vingtaine d’années, on ne voyait dans les ions nitrate et nitrite que les produits terminaux et inertes du métabolisme endogène de l’oxyde nitrique [inert oxidative end products of endogenous NO metabolism (Moncada et Higgs)]. Il n’en est rien.

On sait maintenant qu’après leur absorption digestive les nitrates NO3- d’origine alimentaire sont l’objet d’une circulation entérosalivaire, et que, dans la salive, les nitrates sont en partie transformés en nitrite NO2- par les germes de la flore buccale. Les ions nitrite passent ensuite dans la circulation sanguine.

Ainsi, les ingestions de nitrate NO3- sont suivies

- d’une augmentation de la concentration plasmatique en nitrite NO2-, deux heures et demie à trois heures plus tard, le temps du mécanisme ci-dessus décrit,

- d’une diminution de la tension artérielle, également dans ces délais, indiquant bien que l’effet hypotensif des nitrates fait intervenir leur cycle entérosalivaire, lequel produit des ions nitrite NO2-.

Il a été montré également

- que l’organisme possède ses propres nitrite-réductases, permettant la transformation des ions nitrite NO2- en oxyde nitrique NO. Les enzymes à notre disposition sont la désoxyhémoglobine, la désoxymyoglobine, la xanthine oxydoréductase et la NO synthase endothéliale,

- qu’ainsi, via sa réduction en oxyde nitrique NO, l’ion nitrite NO2- est en mesure d’exercer un effet vasodilatateur.

 [A suivre]

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Nitrate, consommation d’oxygène et effort modéré

Wylie, L.J., de Zevallos, J.O., Isidore, T., Nyman, L., Vanhatalo, A., Bailey, S.J. and Jones, A.M. (2016) Dose-dependent effects of dietary nitrate on the oxygen cost of moderate-intensity exercise: Acute vs. chronic supplementation Nitric Oxide 57, 30-39

(voir l'abstract ici)

Les auteurs britanniques [Université d’Exeter, Royaume-Uni] et américain [Barrington, Illinois, USA] cherchent à savoir si une supplémentation chronique en nitrate NO3- à dose faible ou modérée réduit la consommation d’oxygène lorsque l’exercices physique est d’intensité submaximale. Ils cherchent aussi à savoir dans quelle mesure le résultat enregistré dépend de la dernière prise de nitrate.

34 sujets en bonne santé reçoivent:

- soit 186 mg de nitrate NO3-, sous forme de 9.75 gramme d’extrait de betterave [PepsiCo, USA] dilué dans 50 ml d’eau,

- soit 372 mg de nitrate NO3-, sous forme de 19.5 gramme d’extrait de betterave [PepsiCo, USA] dilué dans 50 ml d’eau,

- soit un placebo contenant 0.6 mg de nitrate NO3-, dans 50 ml d’une boisson aqueuse sucrée et colorée.

Deux heures après la première ingestion, puis après 7, 28 et 30 jours de supplémentation, les sujets effectuent deux exercices d’intensité modérée sur cyclo-ergomètre. Lors des jours 28 et 30, les sujets des deux premiers groupes (soumis précédemment aux ingestions de nitrate) reçoivent deux heures avant le test physique soit leur dose de nitrate NO3-, soit une dose de placebo [On days 28 and 30, subjects in the NO3- groups completed the test 2 h post consumption of a NO3- dose (CHR + ACU) and a placebo dose (CHR)].

Proportionnellement aux doses de nitrate administrées, les concentrations plasmatiques de nitrite NO2- sont élevées aux contrôles des 2 heures, du jour 7 et aussi des jours 28 et 30, du moins lorsque l’ingestion de ces jours 28 et 30 comporte des nitrates.

La consommation en oxygène VO2 en état stable n’est pas significativement modifiée après des ingestions de 186 mg de nitrate NO3-. Par contre, elle est significativement réduite, de 3 %, après des ingestions de 372 mg de nitrate NO3-, aussi bien après 2 heures, qu’à J 7, J 28 et J 30, du moins lorsqu’à J 28 et J 30 l’ingestion ayant eu lieu deux heures avant l’effort est bien une ingestion nitratée [Compared to pre-treatment baseline, 6 mmol NO3- reduced the steady-state VO2 during moderate-intensity exercise by 3 % at 2 h (P = 0.06) , 7 days and at 28-30 days (both P < 0.05) on the CHR + ACU visit].

Les auteurs soulignent un résultat original. Dans le groupe recevant quotidiennement 372 mg de nitrate NO3-, lorsque l’ingestion des 2 heures précédant l’effort n’est qu’une ingestion placebo, donc lorsque la dernière ingestion de nitrate NO3- remonte en réalité à 24 heures, alors que la concentration plasmatique en nitrite NO2- est revenue à sa valeur de base, la consommation d’oxygène VO2 en état stable est encore trouvée réduite [On the CHR visit in the 6 mmol group, plasma [NO2-] had returned to pre-treatment baseline, but the steady-state VO2 remained reduced].

La raison de cette dissociation entre la concentration plasmatique en nitrite NO2- et la consommation d’oxygène VO2 n’est pas claire. Les auteurs évoquent à titre d’hypothèse des modifications affectant les protéines mitochondriales et contractiles [The mechanistic basis for this preserved reduction in VO2 is currently unclear. However, […] the reduction in submaximal VO2 following chronic NO3- supplementation may be mediated, in part, by a change in the content of mitochondrial and contractile proteins, and an associated improvement in mitochondrial and contractile efficiency].

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Méta-analyse nitrate, nitrite, cancer

Xie, Mo, M., Jia, H.-X., Liang, F., Yuan, J. and Zhu, L. (2016) Association between dietary nitrate and nitrite intake and site-specific cancer risk: evidence from observational studies. Oncotarget. DOI: 10.18632/oncotarget.10917. 

(voir l'abstract ici)

La méta-analyse que présentent les auteurs chinois [Université Fudan, Shanghai] porte sur les études épidémiologiques consacrées aux liens éventuels entre:

- apports alimentaires en nitrate NO3- ou nitrite NO2-

- et risque de cancer.

A partir des bases de données de PubMed, ils retiennent:

- 49 études nitrate NO3- – cancer,

- dont 22 études prospectives

- et 28 études cas-contrôles

et 51 études nitrite NO2- – cancer

- dont 20 études prospectives

- et 32 études cas-contrôles.

Un total de 60627 cas de cancers sont analysés.

Nitrate-cancer

Si l’on compare les effets des plus importants apports alimentaires en nitrate à ceux des plus faibles, on constate une corrélation inverse entre les apports en nitrate et le risque d’apparition du cancer de l’estomac. Notée à partir de 15 études épidémiologiques, la corrélation est statistiquement significative [Comparing the highest vs. the lowest levels of dietary nitrate intake, statistically significant inverse association was observed for gastric cancer (RR = 0.78, 95%CI = 0.67-0.91)].

Nitrite-cancer

Si l’on compare les effets des plus importants apports alimentaires en nitrite à ceux des plus faibles, on constate une corrélation statistiquement positive entre d’une part les apports en nitrite, d’autre part les risques d’apparition du gliome de l’adulte et du cancer de la thyroïde [Individuals with highest nitrites consumption, compared with the lowest, increased the risk of adult glioma (RR = 1.21, 95%CI = 1.03-1.42) and thyroid cancer (RR = 1.52, 95%CI = 1.12-2.05)], ces corrélations étant notées à partir de 6 études consacrées au gliome de l’adulte et 2 au cancer de la thyroïde.

▪ Qu’il s’agisse des apports alimentaires en nitrate ou en nitrite, aucune corrélation statistiquement significative n’est par ailleurs enregistrée entre eux et le cancer du sein, le cancer de la vessie, le cancer du côlon et du rectum, le cancer de l’œsophage, le cancer du rein, le lymphome non-Hogkinien, le cancer de l’ovaire et le cancer du pancréas [No significant associations were found between dietary nitrate/nitrite and cancers of the breast, bladder, colorectal, esophagus, renal cell, non-Hodgkin lymphoma, ovarian and pancreas].

▪ Les auteurs sont conscients des limites de leur travail. Par exemple, ils font remarquer:

- le faible nombre d’études ayant porté sur les liens éventuels: apports en nitrite – gliome de l’adulte (6 études) et: apports en nitrite – cancer de la thyroïde (2 études) [In the present study, we observed higher consumption of food rich in nitrite probably increases the risk of adult glioma and thyroid cancer. However, it should be noted that only few studies were included for each cancer in our meta-analysis].

- et la faible fiabilité des questionnaires alimentaires utilisés [Although food frequency questionnaire (FFQ) has been widely used to capture habitual dietary intake, the accuracy of FFQ remains a concern].

Avec lucidité, ils conseillent de regarder ces résultats avec du recul. Ils appellent de leurs vœux des études complémentaires [Because of these limitations and confounding factors, we could not absolutely confirm the reliability of these findings. Future well-designed observational studies are warranted to further clarify the potential nitrate/nitrite and cancer association by subtypes and according to molecular classification].

Commentaire du blog

▪ Quelques rappels:

1) Les sources en nitrate NO3- et en nitrite NO2- ne sont pas seulement exogènes ou alimentaires. Elles sont aussi endogènes. Par exemple, l’alimentation apporte, en moyenne, 75 mg de nitrate NO3- par jour. Par la voie des NO synthases, la synthèse endogène fournit habituellement de 45 à 70 mg de nitrate NO3- par jour; celle-ci est fortement augmentée par les activités physiques et sportives, ainsi que par le séjour prolongé en altitude.

Jamais, chez les sujets soumis à analyse, une étude épidémiologique consacrée aux liens entre les nitrates ou les nitrites alimentaires et le cancer n’a pris en compte l’importance de la synthèse endogène correspondante.

2) A partir des nitrates et des nitrites alimentaires, la formation de nitrosamines dans la cavité gastrique est infime. La formation dans la cavité gastrique de nitrosodiméthylamine [NDMA] par exemple à partir des nitrites salivaires est plusieurs centaines de milliers de fois inférieure à sa dose sans effet chez la souris (comparaison de données émanant de Licht et Deen, 1988 et de Magee, 1989).

3) Les ions nitrite NO2- entrant dans l’estomac avant leur réaction avec les amines proviennent pour 20 %, directement, de l’alimentation et pour 80 % de la salive. Les ions nitrite salivaires proviennent, pour leur part, à la fois des nitrates alimentaires par l’intermédiaire de la circulation entérosalivaire et de la synthèse endogène en nitrate sous l’effet des NO synthases [Cf. rubriques des 23 et 27 septembre 2016].

▪ Depuis soixante ans, les études épidémiologiques tentent de démontrer une carcinogénicité des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- qui n’existe pas. Il est normal qu’elles n’y parviennent pas.

▪ Comme à l’habitude, dans ce genre d’articles, se trouve à la fin le vœu classique et vain de voir de nouvelles études venir confirmer les soupçons.

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Insuffisance cardiaque, supplémentation en nitrate et fonction vasculaire

Ferguson, S.K., Holdsworth, C.T., Colburn, T.D., Wright, J.L., Craig, J.C., Fees, A., Jones, A.M., Allen, J.D., Musch, T.I. and Poole, D.C. (2016) Dietary nitrate supplementation: Impact on skeletal muscle vascular control in exercising rats with chronic heart failure. Journal of Applied Physiology 121, 661-669

(voir l'abstract ici)

On sait qu’une supplémentation en nitrate NO3- sous forme de jus de betterave améliore sensiblement la fonction contractile musculaire du patient atteint d’insuffisance cardiaque [rubrique du 6 novembre 2015] et que, chez le rat en bonne santé, la même supplémentation en nitrate NO3- augmente significativement le flux vasculaire du muscle squelettique ainsi que la conductance vasculaire [rubrique du 2 février 2013].

Dans une étude expérimentale menée chez le rat, les auteurs américains [Manhattan, Kansas; Aurora, Colorado], australien [Melbourne, Etat de Victoria] et britannique [Exeter, Royaume-Uni] cherchent à savoir si la supplémentation en nitrate apportée par le jus de betterave exerce aussi une action sur le flux vasculaire et la conductance vasculaire en cas d’insuffisance cardiaque.

Chez 20 rats males Sprague-Dawley, âgés de 3 mois, ils provoquent un infarctus expérimental du myocarde en liant chirurgicalement l’artère coronaire gauche

21 jours plus tard, les rats, atteints d’insuffisance cardiaque chronique, sont répartis en deux groupes:

- groupe nitrate, ou CHF + BR, (n = 10), recevant pendant 5 jours 62 mg NO3- kg-1 j-1 [Beet it Sport, James White Drinks, Ipswich UK, dilué dans 50 ml d’eau distillée j-1],

- groupe placebo, ou CHF, (n = 10), recevant pendant 5 jours une dose minime de nitrate NO3- [Placebo Beet it Sport (délété en nitrate), James White Drinks, Ipswich UK, dilué dans 50 ml d’eau distillée j-1].

Au 5ème jour, les auteurs mesurent:

- la taille de l’infarctus myocardique,

- la pression télédiastolique ventriculaire gauche,

- et à l’occasion d’un exercice en tapis roulant, au rythme de 20 mètres par minute,

- la pression artérielle moyenne (cathétérisme de l’artère carotide),

- le flux vasculaire dans les muscles des pattes arrière (perfusion de microsphères radiomarquées).

- et la conductance vasculaire,

La taille de l’infarctus myocardique, la pression télédiastolique ventriculaire gauche et la pression artérielle moyenne lors de l’exercice sont voisines ou identiques dans les deux groupes.

Par contre, si on les compare à ceux que l’on observe chez les rats du groupe placebo, le flux vasculaire des muscles des pattes arrière lors de l’exercice ainsi que la conductance vasculaire chez les rats du groupe nitrate sont nettement augmentés. L’augmentation est respectivement de 22 et 20 % [Total exercising hindlimb skeletal muscle blood flow (CHF: 95 ± 5, CHF + BR: 116 ± 9 ml/mn/100 g) and VC (CHF: 0.75 ± 0.05, CHF + BR: 0.90 ±0.05) were 22 % and 20 % greater in beet root supplemented rats, respectively (p<0.05)].

Ainsi, comme le montre l’étude expérimentale, chez le rat atteint d’insuffisance cardiaque, une supplémentation de courte durée en nitrate NO3- par l’intermédiaire d’un apport en jus de betterave, a, lors de l’exercice, un retentissement favorable sur la fonction vasculaire du muscle squelettique. En pratique médicale, on pourrait être incité à recourir au jus de betterave chez le patient atteint d’insuffisance cardiaque, considérant qu’il s’agit d’un moyen additionnel de réadaptation cardiaque [These results provide strong evidence that dietary NO3- supplementation improves skeletal muscle vascular function during exercise in rats with chronic heart failure and thus supports the use of beetroot juice as a novel therapeutic modality for the treatment of chronic heart failure […]. Collectively, these results demonstrate the efficacy of a relatively short-term dietary intervention on vascular function in chronic heart failure and provide evidence to support implementation of beetroot juice as an effective addition to exercise based cardiac rehabilitation programs].

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Supplémentation en nitrate et hypoxie normobare: performance sportive

Shannon, O.M., Duckworth, L., Barlow, M.J., Woods, D., Lara, J., Siervo, M. and O’Hara, J.P. (2016) Dietary nitrate supplementation enhances high-intensity running performance in moderate normobaric hypoxia, independent of aerobic fitness. Nitric Oxide 59, 63-70

(voir l'abstract ici)

Les auteurs britanniques [Leeds, Birmingham et Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni] conduisent une enquête randomisée en double aveugle contre placebo destinée à évaluer, en cas d’hypoxie normobare, comme à 2500 mètres d’altitude, les effets du jus de betterave riche en nitrate NO3- sur les performances de course en tapis roulant.

12 hommes en bonne santé, dont la consommation maximale d’oxygène VO2max est comprise entre 47.1 et 76.8 ml kg-1 min-1, ingèrent:

- soit 138 ml d’un jus de betterave concentré riche en nitrate, qui leur apporte environ 920 mg de nitrate NO3-,

- soit un placebo, n’apportant qu’une dose très faible de nitrate: ~12.4 mg de nitrate NO3-.

Trois heures plus tard, ils effectuent une course de 1500 mètres aussi rapide que possible en condition d’hypoxie [FIO2 ~ 15%] normobare.

Chez les sujets du premier groupe qui ingèrent 920 mg de nitrate NO3-, on note:

- des concentrations plasmatiques en nitrite NO2- plus élevées une heure après l’ingestion, puis au long de l’étude,

- une consommation moyenne en oxygène VO2 plus faible: en moyenne, 18.4 ml kg-1 min-1, versus 20.4 ml kg-1 min-1 en cas de placebo,  

- une saturation artérielle en oxygène SaO2 plus élevée: en moyenne, 88.4 %, versus 86.5 % en cas de placebo

- une amélioration de la performance sportive sur 1500 mètres. Le temps nécessaire pour effectuer la course est diminué d’en moyenne 3.2 %. Il est de 331 secondes, soit 5 minutes et 31 secondes, après ingestion de 920 mg de nitrate NO3-, versus 342 secondes, soit 5 minutes et 42 secondes, en cas de placebo.

Les auteurs britanniques concluent qu’une forte dose de nitrate NO3- sous forme d’une supplémentation alimentaire à base de jus de betterave est susceptible d’améliorer les performances de course en condition d’hypoxie normobare [These findings suggest that a high nitrate dose in the form of a beetroot juice supplement may improve running performance in individuals with a range of aerobic fitness levels conducting moderate and high-intensity exercise in a normobaric hypoxic environment].

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