Intérêt d’une supplémentation alimentaire en nitrate en cas d’atrophie parotidienne

Xia, D., Qu, X., Tran, S.D., Schmidt, L.L., Qin, L., Zhang, C., Cui, X., Deng, D. and Wang, S. (2015) Histological characteristics following a long-term nitrate-rich diet in miniature pigs with parotid atrophy. International Journal of Clinical and Experimental Pathology 8, 6225-6234

(voir le texte entier ici)

Les auteurs chinois et canadiens [Pékin; Montréal] présentent une étude expérimentale réalisée chez des porcs miniatures âgés de 6 mois en début d’expérience, pesant alors de 35 à 50 kg. L’étude dure 2 ans.

Les auteurs distinguent trois groupes:

- groupe A (ou groupe contrôle): composé de 3 animaux n’ayant pas d’atrophie parotidienne et recevant un régime alimentaire standard,

- groupe B: composé de 5 animaux ayant une atrophie parotidienne et recevant un régime alimentaire standard,

- groupe C: composé de 5 animaux ayant une atrophie parotidienne et recevant un régime extrêmement riche en nitrate. L’eau de boisson contient, en effet, 1 mol/L de nitrate de potassium, soit 62000 mg NO3- l-1.

L’atrophie parotidienne des animaux des groupes B et C fait suite à une injection rétrograde dans chacun des deux canaux de Sténon, droit et gauche, de 4 ml de violet de gentiane à 1%. Le colorant a pour propriété d’exercer un effet destructeur sur les acini [The parotid glands of pigs in groups B and C were bilaterally ablated by retrograde injection containing 1% methyl violet (4 ml per gland) via the Stensen’s ducts, thereby destroying the acini of both parotid glands].

Les constatations sont les suivantes:

1) Comme le montre le tableau ci-dessous, relatant les concentrations moyennes en nitrate, exprimées en mg NO3- l-1 (pour des mesures effectuées à 6, 12 et 24 mois):

Groupes

n

Salive

Plasma

Urine

A

3

19.6

0.9

31

B

5

7.0

2.0

69

C

5

17.3

11.5

6014

- d’une manière prévisible, les concentrations moyennes en nitrate NO3-, dans le plasma et dans les urines, sont plus élevées en cas de régime alimentaire riche en nitrate

- surtout, alors que, dans le groupe B, composé d’animaux au régime alimentaire non modifié, l’atrophie parotidienne expérimentale se traduit par une nette diminution de la concentration salivaire en nitrate NO3- (elle est réduite de plus de la moitié), dans le groupe C, au contraire, en cas d’atrophie parotidienne, le régime très riche en nitrate permet de rétablir une concentration salivaire en nitrate à un taux assez proche de celui des animaux du groupe A (animaux du groupe contrôle) [The concentration of nitrate in the saliva of the nitrate-supplemented miniature pigs (group C) was not statistically different to that of the control group (17.34 ± 3.89 ng/µl versus 19.58  ± 5.14 ng/µl, P> 0/05)].

2) Les animaux étant sacrifiés à la fin des 2 ans de l’expérience, un grand nombre de tissus peuvent être analysés en microscopie optique et en microscopie électronique.

Aucune anomalie n’est observée chez les porcs miniatures dont l’eau de boisson a contenu pendant 2 ans une très forte quantité de nitrate: 62000 mg NO3- l-1. Chez eux, les auteurs ne constatent aucune anomalie histologique dans des tissus extra-parotidiens de la cavité buccale, comme les tissus gingivaux, buccaux ou linguaux [Other tissues from the oral cavity (e.g. gingival, buccal, and glossal tissues) had no abnormalities compared to control tissues], pas plus qu’ils n’en observent dans l’estomac, le foie, l’intestin grêle ou les reins [There were no significnat histo-pathological changes in the stomach, liver, small intestine, or kidneys].

Comme on le sait, les atteintes des glandes salivaires accompagnant les traitements radiothérapiques ou les syndromes de Gougerot-Sjögren ont d’assez fâcheuses conséquences, notamment celles de diminuer les concentrations salivaires en nitrate NO3- et de favoriser de ce fait les infections orales et gastro-intestinales [Injuries to the salivary glands, such as a result of radiotherapy or Sjögren’s syndrome, reduce nitrate levels in saliva and contribute to oral and gastrointestinal (GI) infections].

De leur étude, les auteurs tirent une déduction logique et pratique: Aux patients souffrant d’atrophie parotidienne, il devient logique de proposer une supplémentation alimentaire au long cours en nitrate NO3- [The results of this study indicate that nitrate supplementation was effective in maintaining nitrate levels in the oral cavity of parotid-atrophied miniature pigs. We also demonstrated that the long-term administration of a nitrate-rich diet did not result in any morphological changes in the oral cavity or gastrointestinal organs. The exemplified efficacy and safety of a nitrate-supplement leads us to suggest that nitrate use could be justified to alleviate the debilitating circumstances that occur following parotid atrophy].

Commentaire du blog

Les conséquences défavorables de la diminution de la concentration salivaire en nitrate NO3- ne concernent pas que le tractus digestif. On sait que, rendant moins efficient le cycle entérosalivaire des nitrates, la diminution de la concentration salivaire en nitrate a également pour effet défavorable de faciliter, au long cours, l’apparition et le développement des maladies cardiovasculaires [Cf. rubriques du 27 novembre 2012, du 7 février 2013, du 20 août 2014 et du 14 janvier 2015].

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Sécurité des nitrates alimentaires

Kobayashi, J., Ohtake, K. and Uchida, H. (2015) NO-rich diet for lifestyle-related diseases. Nutrients 7, 4911-4937

(voir le texte entier ici)

Les auteurs japonais [Service de Diététique clinique et de nutrition humaine, Faculté de Pharmacie, Université Josai International, Saitama, Japon] présentent une revue d’ensemble consacrée aux régimes pourvoyeurs en oxyde nitrique [NO-rich diets] et à leurs effets sur les maladies liées au mode de vie [lifestyle-related diseases].

Le plan de leur exposé est le suivant:

1 Introduction

2 La voie Nitrate alimentaire-Nitrite-Oxyde nitrique et son rôle en physiologie

3 Sécurité et efficacité des nitrates alimentaires

4 Effets protecteurs [protective effects] des nitrates et nitrites alimentaires sur les maladies liées au mode de vie

4.1 Résistance à l’insuline

4.2 Hypertension

4.3 Lésions cardiaques d’ischémie-reperfusion

4.4 Bronchopneumopathie chronique obstructive

4.5 Cancer

4.6 Ostéoporose

5 Conclusion

Le troisième chapitre «Sécurité et efficacité des nitrates alimentaires» [Safety and efficacity of dietary nitrate] retient l’attention.

Les propositions suivantes sont énoncées:

1) De très fortes concentrations en nitrate dans l’eau de boisson peuvent être à l’origine de méthémoglobinémies chez le nourrisson [Very high concentrations of nitrate in drinking water may cause methemoglobinemia in infants (blue baby syndrome)].

2) Dans les années 1940, Comly rapporta le premier des cas de cyanose chez des nourrissons dont les biberons avaient été préparés avec une eau de puits riche en nitrate [In the 1940s, Comly first reported cases of cyanotic infants who received formula prepared with well water containing a high nitrate content].

3) Aux Etats-Unis, l’Environmental Protection Agency [EPA] établit alors réglementairement une teneur maximale en nitrate pour l’eau de boisson, la fixant à 44 mg NO3- l-1 (ce qui équivaut à 10 mg NO3--N l-1) [Based on the subsequent analyses of the infantile cases of methemoglobinemia, the US Environmental Protection Agency (EPA) set a Maximum Contaminant Level (MCL) for nitrate of 44 mg/l (equal to 10 mg/L nitrogen in nitrate)].

4) Toutefois, on sait maintenant que la méthémoglobinémie n’était pas due aux ions nitrate eux-mêmes. Elle était due aux bactéries fécales qui provoquaient une infection digestive à l’origine de la production endogène d’oxyde nitrique [However, it is now thought that methemoglobinemai per se was not caused by nitrate itself, but by fecal bacteria that infected infants and produced NO in their gut]. Avery considère qu’il ne peut y avoir de méthémoglobinémie induite par les nitrates sans contamination bactérienne concomitante. Dans ces conditions, il remet en cause la limite réglementaire de 40/50 mg NO3- l-1 [A recent report by Avery has argued that it is unlikely that nitrate causes methemoglobinemia without bacterial contamination, and also that the 40-50 mg/L limit on nitrate in drinking water is not necessary].

5) Des apports en nitrate de sodium Na NO3 inférieurs à 500 mg kg de poids corporel-1 ne s’étant pas montrés nocifs chez le rat et le chien, une Dose Journalière Admissible [DJA] a ensuite été édictée par l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] pour les nitrates et les nitrites: respectivement 3.7 et 0.07 mg kg de poids corporel-1 j-1 [However, there are now legal limits to the concentrations of nitrate and nitrite in both food and drinking water. The WHO showed that the Acceptable Daily Intake (ADI) for nitrate and nitrite were 3.7 and 0.07 mg/kg body weight/day, respectively, which were based on calculations from the doses of ˂500 mg of sodium nitrate/kg body weight that were harmless to rats and dogs].

6) Cette Dose Journalière Admissible [DJA] est théorique. Elle est couramment dépassée par la population japonaise qui, selon les autorités officielles, consomme habituellement entre 200 et 300 mg NO3- j-1, soit 1.5 à 2 fois la dose réglementaire de la DJA [The Ministry of Health, Labour and Welfare of Japan reported that the average intake of nitrate in the Japanese populations is around 200-300 mg/day, which is one and half times to two times the ADI].

Le régime DASH (régime anti-hypertension artérielle proposé par les autorités cardiologiques américaines) apporte plus de 1200 mg NO3- j-1, soit plus de 5 fois la dose réglementaire de la DJA [(concerning the DASH dietary pattern), the level easily exceeds 1,200 mg/day nitrate. This is more than five-fold higher than the WHO’s ADI of 3.7 mg nitrate/kg body weight/day].

7) Ainsi, il serait envisageable que, dans un proche avenir, les liens entre les nitrates et la santé soient l’objet d’une entière réévaluation [Therefore, a comprehensive reevaluation of the health effects of dietary sources of nitrate/nitrite might be required in the near future].

Commentaire du blog

Ce troisième chapitre, qui méritait de retenir l’attention, mélange propos exacts et inexacts.

1) De très fortes concentrations en nitrate dans l’eau de boisson n’entrainent pas, par elles-mêmes, de méthémoglobinémie. Pour que des nitrates présents dans le biberon soient à l’origine d’une méthémoglobinémie du nourrisson, il est indispensable que le contenu du biberon soit simultanément le siège d’une importante pullulation bactérienne. C’est lorsque la population bactérienne dans le biberon dépasse le seuil de 106 germes ml-1 que les nitrates présents peuvent y être transformés en nitrites. Le nourrisson avale alors les nitrites. Ceux-ci parviennent dans le courant circulatoire, transformant l’hémoglobine du globule rouge en méthémoglobine; d’où la méthémoglobinémie.

Si le biberon contenant des nitrates n’est pas bactériologiquement contaminé (˂ 106 germes ml-1), les nitrates du biberon restent entièrement à l’état de nitrates. Quelle que soit la teneur en nitrates de l’eau utilisée pour la préparation du biberon, le risque méthémoglobinémique est alors nul. C’est la raison pour laquelle jamais l’eau d’adduction publique, bactériologiquement contrôlée (˂ 102 germes ml-1), n’a été à l’origine du moindre cas de méthémoglobinémie du nourrisson, quelle qu’ait pu être, avant l’établissement des limites réglementaires, la concentration atteinte en nitrate.

2) Le propos est exact.

3) En 1962, les autorités sanitaires américaines ont effectivement recommandé une teneur maximale pour l’eau de boisson de 44 mg NO3- l-1. La norme a été fixée par l’US Public Health Service.

4) Comme l’a montré Avery, stimulant la synthèse locale de nitrite NO2-, une infection digestive est en mesure d’élever, chez le nourrisson, la teneur en méthémoglobine. Mais la transformation nitrate-nitrite dans le biberon, sous l’effet, comme il est possible dans les eaux de puits, d’une forte contamination bactérienne [≥106 germes ml-1], reste à redouter. Ceci étant, Avery a tout à fait raison de remettre en cause le bien-fondé scientifique de la concentration maximale réglementaire de 40/50 mg NO3- l-1 dans l’eau d’adduction publique, bactériologiquement contrôlée.

5) Le seul article sur lequel le Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS et de la FAO [JECFA] s’est fondé en 1962 pour fixer la Dose Journalière Admissible [DJA] de 3.7 mg NO3- kg de poids corporel-1 j-1 est un article de Lehman (1958). Soumis à une ingestion prolongée de fortes doses de nitrates, des rats n’enregistrent aucun effet indésirable, exceptée «quelque diminution de leur croissance lorsque les taux de nitrate sont supérieurs à 1 %». Sur deux chiens également étudiés, rien de significatif n’est constaté. L’article tout à fait rudimentaire n’avait absolument pas les qualités requises pour servir de base à l’établissement d’une DJA.

6) On considère habituellement que l’apport alimentaire moyen en nitrate NO3- de la population française se situe autour de 75 mg j-1. Apparemment, la population japonaise consomme une quantité plus importante de nitrate, plus de trois fois plus.

7) Effectivement, il serait souhaitable que la communauté scientifique procède à une totale réévaluation des liens entre nitrate et santé, avec une totale réévaluation des règlements en vigueur. Dénuée de base scientifique, la concentration maximale réglementaire de 40-50 mg NO3- l-1 dans l’eau d’adduction publique est destinée, à terme, à disparaître. La Dose Journalière Admissible est également dénuée de base scientifique. Mais son application est virtuelle. Sa persistance ou son abrogation tirent moins à conséquence.

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Nitrates alimentaires et cortex préfrontal

Wightman, E.L., Haskell-Ramsay, C.F., Thompson, K.G., Blackwell, J.R., Winyard, P.G., Forster, J., Jones, A.M. and Kennedy, D.O. (2015) Dietary nitrate modulates cerebral blood flow parameters and cognitive performance in humans: A double-blind, placebo-controlled, crossover investigation. Physiology and Behavior 149, 149-158

(voir l'abstract ici)

Les auteurs britanniques [Northumbria University; Newcastle upon Tyne; Exeter University, Exeter] présentent une étude en double aveugle contre placebo et cross over.

40 sujets âgés en moyenne de 21 ans [28 hommes et 12 femmes] ingèrent:

- soit 450 ml d’un jus de betterave apportant 340 mg de nitrate NO3-,

- soit, à titre de placebo, un mélange de jus de pomme et de jus de cassis dilué dans 500 ml d’eau et contenant des quantités très minimes de nitrate […negligible nitrate content].

Quatre-vingt-dix minutes plus tard, les sujets sont soumis pendant 54 minutes à une série de tests cognitifs explorant le cortex préfrontal. Il s’agit de tests de soustraction pendant 4 minutes [2 minutes de soustraction par 3, puis 2 minutes de soustraction par 7] suivis pendant 5 minutes de tests de traitement rapide de l’information visuelle [Rapid Visual Information Processing, RVIP]. Les 9 minutes des deux tests sont répétées 6 fois.

Parallèlement et conjointement, une spectroscopie proche infrarouge permet d’évaluer le flux sanguin cérébral en regard du cortex préfrontal [Near-Infrared Spectroscopy (NIRS) was used to monitor cerebral blood flow and hemodynamics, as indexed by concentration changes in oxygenated and deoxygenated-haemoglobin, in the frontal cortex throughout].

Les auteurs britanniques constatent que l’apport en nitrate, par l’intermédiaire du jus de betterave, a des répercussions sur la réponse hémodynamique. Le flux sanguin cérébral en regard du cortex préfrontal, qu’activent les tests, est alors l’objet d’une élévation transitoire au cours des 4 premières minutes, puis d’une diminution progressive lors de chaque répétition du test de traitement rapide de l’information visuelle [In the current study the consumption of nitrate rich beetroot juice resulted in a modulation of the haemodynamic response in the prefrontal cortex during the performance of tasks that activate this brain area. In this case the pattern following nitrate was for an initial transient rise in cerebral blood flow at the beginning of the task period, followed by consistent significant reduction in cerebral blood flow during each repetition of the rapid visual information processing [VRIP] task].

Par ailleurs, l’apport en nitrate améliore significativement l’un des tests cognitifs, celui qui consiste plusieurs fois à effectuer pendant 2 minutes une série de soustractions par 3 [[…] Participants performed significantly better in terms of the number of correct serial 3s subtractions following the consumption of dietary nitrate in comparison to the placebo condition].

Ces résultats suggèrent qu’un seul apport alimentaire en nitrate NO3- est capable de retentir sur la fonction cérébrale. L’effet fait vraisemblablement intervenir l’oxyde nitrique NO dont les nitrates alimentaires sont d’importants pourvoyeurs. L’oxyde nitrique NO pourrait contribuer soit à majorer la réponse vasculaire à l’activité neuronale soit à améliorer l’efficacité du métabolisme cellulaire [These results suggest that a single dose of dietary nitrate can modify brain function, and that this is likely to be as a result of increased NO synthesis leading to an exaggerated neurovascular response to activity or improved efficiency of cellular metabolism].

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Nitrate, exercice intermittent, performance physique et fonction cognitive

Thompson, C., Wylie, L.J., Fulford, J., Kelly, J., Black, M.I., McDonagh, S.T.J., Jeukendrup, A.E., Vanhatalo, A. and Jones, A.M. (2015) Dietary nitrate improves sprint performance and cognitive function during prolonged intermittent exercise. European Journal of Applied Physiology 115, 1825-1834

(voir l'abstract ici)

La supplémentation alimentaire en jus de betterave riche en nitrate NO3- améliore la performance physique en cas d’effort intermittent [Recent investigations have reported improved short-term intermittent running and rowing performance following nitrate-rich beetroot juice supplementation] [Cf. rubriques du 1er septembre 2012, du 10 juin 2013, du 11 octobre 2015].

Des sports d’équipe comme le football, le rugby et le hockey font appel, on le sait, à des sprints répétés. Les auteurs britanniques [Université d’Exeter, Royaume-Uni] cherchent à déterminer les effets de la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- sur les performances à la fois physiques et cognitives.

16 hommes jeunes, âgés en moyenne de 24 ans, adeptes non professionnels de sports comme le football, le rugby et le hockey, participent à une étude randomisée, en double aveugle et cross over.

Pendant 7 jours, ils ingèrent chaque jour:

- soit 140 ml de jus de betterave riche en nitrate [Beet it; James White Drinks Ltd., Ipswich, UK], apportant 794 mg de nitrate NO3- j-1 [groupe betterave ou BR].

- soit 140 ml de jus de betterave déplété en nitrate [Beet it; James White Drinks Ltd., Ipswich, UK], apportant 5 mg de nitrate NO3- j-1 [groupe placebo ou PL].

Le 7ème jour, ils effectuent un effort intermittent sur cyclo-ergomètre. L’épreuve comporte deux mi-temps de 40 minutes chacune, séparées par un repos d’un quart d’heure. Chaque mi-temps est faite d’une succession de «blocs» de 2 minutes, ces derniers consistant successivement en

- 6 secondes d’un sprint «à fond»,

- 100 secondes d’une récupération active (puissance développée correspondant à 35 % de la consommation maximale en oxygène [VO2max]),

- et 20 secondes de repos.

Des tests cognitifs (test de Stroop et test dit de «location-direction») sont mis en œuvre lors des phases de récupération active.

[On day 7 of supplementation, subjects completed the intermittent sprint test (two 40-min «halves» of repeated 2-min blocks consisting of a 6-s «all-out» sprint, 100-s active recovery and 20 s of rest), on a cycle ergometer during which cognitive tasks were simultaneous performed]

▪ Au début des séances, dans les groupes BR et PL, les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- sont, en moyenne et respectivement, de 16.6 et 4.7 µg NO2- l-1, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3-, en moyenne et respectivement, de 22.3 et 2.3 mg NO3- l-1,

Dans le groupe BR, à la fin des première et deuxième mi-temps, les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- baissent, passant, en moyenne et respectivement, à 11.5 et 11.4 µg NO2- l-1. Il suffit alors de 15 minutes de repos pour que les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- retrouvent leur valeur de base [Relative to baseline, plasma [NO2-] declined following the first half (by 109 ± 126 nM) and second half (by 111 ± 126 nM) of the intermittent sprint test in BR. However, following a 15-min period of recovery at the end of each half, plasma [NO2-] was restored to baseline values in BR].

Pour rendre compte de la baisse de la concentration plasmatique en nitrite NO2- à la fin des mi-temps, les auteurs expliquent que, dans les conditions d’hypoxie et d’acidose engendrées par les exercices intermittents de haute intensité, l’ion nitrite NO2- plasmatique se comporte comme un réservoir d’oxyde nitrique NO [These findings support the notion that plasma NO2- acts as a reservoir for NO production during conditions of low O2 availability and pH, such as high-intensity intermittent exercise, when NO synthase activity may be reduced].

▪ Le travail fourni durant les sprints est trouvé plus élevé chez les sujets du groupe BR que chez ceux du groupe PL: respectivement et en moyenne, 123 et 119 kJ (P < 0.05).

▪ Concernant les tests cognitifs, alors que, au cours de la première mi-temps, on ne détecte aucune différence statistiquement significative, au cours de la deuxième mi-temps, le temps de réponse est trouvé significativement plus bref dans le groupe BR que dans le groupe PL: respectivement et en moyenne, 817 vs 847 ms [Reaction time of response to the cognitive tasks in the second half of the intermittent sprint test was shorter in BR (817 ± 86 ms) compared to PL (847 ± 118 ms) (P<0.05)].

Ainsi dans des sports d’équipe basés sur des sprints répétés comme le football, le rugby ou le hockey, la supplémentation en nitrate par l’intermédiaire de jus de betterave semble

- non seulement améliorer la performance physique,

- mais, en outre, raccourcir le temps de réaction, lorsque ce dernier est allongé par la fatigue.

[These findings suggest that beetroot enhances repeated sprint performance and may attenuate the decline in decision-making reaction time that typically occurs over time during prolonged intermittent exercise which is characteristic of many team sports].

Commentaire du blog

La rubrique du 22 octobre 2014 présentait un travail effectué par une équipe australo-britannique. Le premier auteur, australien, Kevin G. Thompson, était l'homonyme du premier auteur de la nouvelle étude. Le travail australo-britannique ne détectait pas de modifications des fonctions cognitives sous l'influence de la supplémentation alimentaire en nitrate à l'occasion d'efforts intermittents sur cyclo-ergomètre. Les apports en nitrate avant l'effort étaient alors moins élevés: 310 mg NO3-.

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Apports en nitrate et exercices brefs et répétés

Aucouturier, J., Boissière, J., Pawlack-Chaouch, M., Cuvelier, G. and Gamelin, F.-X. (2015) Effect of dietary nitrate supplementation on tolerance to supramaximal intensity intermittent exercise. Nitric Oxide 49, 16-25

(voir l'abstract ici)

L’article présenté est principalement français. Tandis que l’un des auteurs est originaire de la Haute Ecole Provinciale de Hainaut-Condorcet [Tournai, Belgique], la plupart des auteurs viennent, en réalité, de la Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique de Ronchin [Université de Lille 2 – Droit et Santé].

Les auteurs se proposent d’étudier l’effet d’une supplémentation alimentaire en betterave riche en nitrate NO3- pendant 3 jours sur la tolérance à un exercice intermittent d’intensité supramaximale.

Ils recrutent 12 sujets de sexe masculin, âgés en moyenne de 23 ans, dont la consommation maximale d’oxygène VO2max, comprise entre 40 et 55 ml kg-1 min-1, est en moyenne: 47 ml kg-1 min-1.

Pendant 3 jours, en guise de supplémentation alimentaire, les sujets consomment:

- soit 500 ml d’un jus de betterave apportant 340 mg de nitrate NO3- [Pajottenlander, Pepingen, Belgique] (voir ici),

- soit 500 ml d’un jus de pomme-cassis apportant moins de 3 mg de nitrate NO3-[Pajottenlander, Pepingen, Belgique] (voir ici)

Le troisième jour, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- sont significativement plus élevées chez les sujets ayant consommé le jus de betterave que chez ceux qui ont reçu le jus de pomme-cassis: respectivement et en moyenne, 26 et 2 mg NO3- l-1. Il en est de même pour les concentrations plasmatiques en nitrite NO2-. Le troisième jour, elles sont significativement plus élevées chez les sujets ayant consommé le jus de betterave que chez ceux qui ont ingéré le jus de pomme-cassis: respectivement et en moyenne, 20 et 10 μg NO2- l-1.

Le troisième jour, trois heures après l’ingestion de jus de betterave ou de pomme-cassis, les sujets effectuent des sprints de 15 secondes en intensité supramaximale sur cycloergomètre à frein mécanique [mechanically braked cycle ergometer] suivis de récupérations passives de 30 secondes. Le nombre des périodes de 45 secondes répétées jusqu’à épuisement est plus important chez les sujets ayant consommé le jus de betterave riche en nitrate que chez ceux qui ont consommé le jus de pomme-cassis: respectivement et en moyenne 26 et 22 [The number of repetitions completed before reaching volitional exhaustion was significantly higher in the beetroot juice (BJ) than in the placebo condition (26.1 versus 21.8 respectively)].

Recourant à une spectroscopie proche infrarouge [Near Infrared Spectroscopy] pour étudier la concentration de globules rouges dans la microcirculation du vaste externe (vastus lateralis), les auteurs constatent, par ailleurs, qu’en cas de consommation de jus de betterave riche en nitrate la concentration de globules rouges dans la microcirculation musculaire devient plus élevée [Time-matched Area Under the Curve for microvascular total hemoglobin (TM-AUC-THb) was signficantly higher in the beetroot juice than in the placebo condition (P˂0.05), indicating higher muscle microvascular red blood cell concentration].

Commentaire du blog

Cette étude ne confirme pas les résultats négatifs de l’étude australienne de Martin et coll. (rubrique du 15 juin 2014). Elle va, au contraire, dans le sens de l’étude britannique de Wylie et coll. (rubrique du 10 juin 2013).

Saluons une étude française. Dans ce blog, il s’agit de la deuxième étude française relatant une expérience chez l’homme.

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Age et effet hypotenseur des nitrates alimentaires

Siervo, M., Lara, J., Jajja, A., Sutayoko, A., Ashor, A.W., Brandt, K., Qadir, O., Mathers, J.C., Benjamin, N., Winyard, P.G., Anning, C., Shore, A. and Gilchrist, M. Ageing modifies the effects of beetroot juice supplementation on 24-hour blood pressure variability: an individual participant meta-analysis. Nitric Oxide 47, 97-105

(voir l'abstract ici)

Quand, sur le long terme, l’homme voit sa tension artérielle systolique s’élever de 2 mm Hg, il voit conjointement ses risques de mortalité par maladie cardiaque ischémique et par maladie cérébro-vasculaire s’accentuer, respectivement de 7 et 10 % [For each 2 mmHg rise in systolic blood pressure ther e is a 7 % increased risk of mortality from ischaemic heart disease and a 10 % increased risk of mortality from stroke [National Institute for Clinical Experience (NICE), 2006]. D’où l’importance, pour prévenir les différentes pathologies associées, de chercher à réduire, même modérément, la tension artérielle.

De longue date, la diminution des apports en sel est connue pour ses effets bénéfiques exercés sur la tension artérielle. On connaît de même, mais depuis moins longtemps, l’effet sur les chiffres tensionnels des supplémentations alimentaires en nitrate NO3- [More recently, inorganic nitrate (NO3-) supplementation has been advanced as a potential, effective nutritional strategy to control blood pressure].

A partir de quatre études randomisées et indépendantes, les auteurs britanniques [Université de Newcastle, Royaume-Uni; Université d’Exeter, Royaume-Uni] recrutent 85 sujets âgés de 55 à 76 ans.

Les sujets recrutés ingèrent quotidiennement:

- soit du jus de betterave apportant, selon le protocole, entre 300 et 480 mg NO3- j-1,

- soit un placebo (jus de cassis ou jus de betterave déplété en nitrate) apportant moins de 3 mg NO3- l-1.

Les sujets sont ensuite soumis à une surveillance ambulatoire de tension artérielle

Si l’on prend en compte l’ensemble des sujets, le regroupement des données provenant des quatre études ne fait pas apparaître, pour les différentes variables tensionnelles, de modifications statistiquement significatives liées à la supplémentation en nitrate NO3- [The pooled effect of beetroot juice on all blood pressure outcomes was not significant].

Par contre, si l’on distingue deux groupes de sujets, ceux qui sont âgés de moins de 65 ans et ceux qui sont âgés de ≥ 65 ans, une différence se fait jour:

- chez les sujets âgés de moins de 65 ans, la supplémentation en nitrate, par l’intermédiaire de l’ingestion de jus de betterave, diminue d’une manière statistiquement significative la tension artérielle systolique nocturne. Cette dernière diminue, en moyenne, de 2.8 mm Hg [p = 0.002].

- chez les sujets âgés de ≥ 65 ans, la même supplémentation en nitrate ne diminue, en moyenne, la tension artérielle systolique nocturne que de 1.0 mm Hg, l’effet n’apparaissant pas statistiquement significatif [p = 0.54].

Par ailleurs, ce sont bien les sujets qui ont les teneurs plasmatiques les plus élevées en nitrite NO2- qui voient leur tension artérielle systolique nocturne baisser le plus nettement [Subjects with greater changes in NO2- concentrations (≥50th centile) showed a significant difference for nocturnal mean systolic blood pressure (-3.4 mm Hg, pbetween=0.02)].

Dans le mécanisme d’action des ions nitrate NO3- d’origine alimentaire sur la tension artérielle, l’âge du sujet semble donc intervenir. Leur effet hypotenseur pourrait être moins prononcé après l’âge de 65 ans.

Les auteurs britanniques évoquent, à ce sujet, plusieurs explications hypothétiques:

- modifications après 65 ans de la flore bactérienne buccale rendant moins performante la transformation des nitrates salivaires en nitrites salivaires,

- moindre acidité gastrique avec l’âge, rendant moins performante la transformation des nitrites parvenus dans l’estomac en oxyde nitrique NO,

- ou encore sensibilité des cellules musculaires lisses  à l’action vasodilatatrice de l’oxyde nitrique NO diminuant avec l’âge.

Les hypothèses restent à explorer.

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Arginine per os et épargne rénale en ion nitrite

Schneider, J.Y., Rothmann, S., Schröder, F., Langen, J., Lücke, T., Mariotti, F., Huneau, J.F., Frölich, J.C. and Tsikas, D. (2015) Effects of chronic oral L-arginine administration on the L-arginine/NO pathway in patients with peripheral arterial occlusive disease or coronary artery disease: L-arginine prevents renal loss of nitrite, the major NO reservoir. Amino Acids 47, 1961-1974

(voir l'abstract ici)

Les auteurs allemands et français [Hanovre, Basse-Saxe, Allemagne; Paris, France) présentent une étude en double aveugle contre placebo effectuée chez des patients atteints d’artériopathie oblitérante périphérique ainsi que chez des patients atteints de coronaropathie.

Ils leur fournissent pendant 3 à 6 mois, sous forme de comprimés effervescents, une supplémentation orale de 10 grammes par jour de L-arginine, ou bien, à titre de contrôle, une supplémentation orale de 6 grammes de mannitol.

1) Chez l’ensemble des patients, l’arginine est bien tolérée, n’influençant pas la qualité de vie.

2) Chez les patients atteints d’artériopathie oblitérante périphérique, elle ne prolonge pas la distance de marche.

3) Chez l’ensemble des patients, l’arginine ne modifie pas la synthèse d’oxyde nitrique NO ou sa biodisponibilité [At this dosage, arginine […] did not alter the synthesis/bioavailability of NO (in peripheral arterial occlusive disease and coronary artery disease) […]].

4) Toutefois après 3 mois de prise, chez l’ensemble des patients, la supplémentation en arginine améliore la réabsorption rénale de l’ion nitrite NO2-, elle-même tributaire de l’activité de l’anhydrase carbonique rénale. L’ion nitrite constituant le principal réservoir en oxyde nitrique NO, la supplémentation en arginine tend de cette façon à prévenir toute diminution éventuelle de bioactivité de l’oxyde nitrique NO. L’effet semble plus net chez les patients atteints d’artériopathie oblitérante périphérique que chez les patients atteints de coronaropathie.

La dose orale optimale d’arginine reste cependant à préciser tant chez les patients atteints d’artériopathie oblitérante périphérique et de coronaropathie que chez tous ceux qui sont atteints d’une affection liée à une moindre biodisponibilité en oxyde nitrique NO. Les auteurs pensent que, chez l’adulte, elle est vraisemblablement inférieure à 10 grammes par jour.

[In cardiovascular diseases such as peripheral occlusive disease and coronary artery disease, long-term arginine supplementation may save nitrite by improving carbonic anhydrase-dependent nitrite reabsorption in the kidney. The optimum oral dosage of arginine remains to be established in these and other diseases associated with NO-related dysfunction […] (It) is likely to be less than 10 g per day in adults].

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S-nitrosothiols et effet anti-hypertenseur des ions nitrite et nitrate

Pinheiro, L.C., Amaral, J.H., Ferreira, G.C., Portella, R.L., Ceron, C.S., Montenegro, M.F., Toledo, J.C. and Tanus-Santos, J.E. (2015) Gastric S-nitrosothiols formation drives the antihypertensive effects of oral sodium nitrite and nitrate in a rat model of renovascular hypertension. Free Radical Biology and Medicine 87, 252-262

(voir l'abstract ici)

L’étude expérimentale que présentent les auteurs brésiliens [Université de Sao Paulo] complète celle qu’ils ont précédemment publiée en 2012 [Cf. rubrique du 22 novembre 2012].

Elle concerne deux lots de rats Wistar mâles. Chez les uns, les auteurs posent un clip sous anesthésie chirurgicale sur l’artère rénale gauche pour générer une hypertension artérielle [groupe 1]. Chez les autres, pour comparaison, ils effectuent l’intervention chirurgicale sous anesthésie sans pose de clip (groupe 2].

▪ Les rats des deux groupes reçoivent:

- soit 10 mg kg-1 j-1 d’oméprazole [MopralR]  par voie intrapéritonéale (groupes a)

- soit, pour comparaison, seulement l’excipient [vehicle] (groupes b).

Chez les rats du groupe 1, l’ingestion de 10 mg kg-1 de nitrite NO2- sous forme de nitrite de sodium Na NO2:

- augmente, indépendamment des teneurs plasmatiques en nitrite NO2-, la concentration plasmatique de S-nitrosothiol [R-S=NO],

-  et limite parallèlement la tendance hypertensive

[Oral nitrite lowered blood pressure and increased plasma S-nitrosothiol concentrations independently of circulating nitrite levels].

Chez les rats du groupe 1a, l’augmentation du pH intragastrique consécutive à l’administration d’oméprazole:

- n’affecte pas les teneurs plasmatiques en nitrite NO2- et en nitrate NO3- faisant suite à l’ingestion de nitrite NO2- (sous forme de nitrite de sodium Na NO2).

- Par contre, elle atténue les augmentations de concentration plasmatique en S-nitrosothiol [R-S=NO],

- et émousse complètement l’effet anti-hypertenseur de l’apport en nitrite NO2- sous forme de nitrite de sodium [NaNO2]

[Treatment with omeprazole severely attenuated the increases in plasma S-nitrosothiol concentrations and completely blunted the antihypertensive effects of nitrite].

Les mêmes expériences effectuées après l’ingestion de 100 mg kg-1 de nitrate NO3- sous forme de nitrate de sodium NaNO3, donnent des résultats analogues [[…] Very similar results were found with oral nitrate].

▪ Pour confirmer ensuite le rôle de la formation intragastrique de S-nitrosothiols [R-S=NO], les auteurs s’adressent à des rats rendus hypertendus sous l’effet de la N-nitro-L-arginine méthyl ester (L-NAME), un inhibiteur de la NO synthase. Ils leur fournissent un apport en nitrite NO2- sous forme de nitrite de sodium NaNO2 après trois jours de traitement par la buthionine sulfoximine (BSO). Inhibiteur de la synthèse du glutathion, ce BSO a pour propriété d’induire une déplétion partielle en thiols.

Le traitement par la BSO

- atténue ainsi les augmentations de concentration plasmatique en S-nitrosothiols [R-S=NO],

- tandis qu’il atténue l’effet anti-hypertenseur des apports en nitrite NO2- (sous forme de nitrite de sodium NaNO2).

▪ Les auteurs brésiliens en déduisent que la formation intragastrique de S-nitrosothiols [R-S=NO] est un intermédiaire permettant aux ions nitrite NO2- et nitrate NO3- d’origine alimentaire d’exercer leur effet favorable anti-hypertenseur.

Pour que s’exerce l’effet anti-hypertenseur des ions nitrite NO2- et nitrate NO3- d’origine alimentaire, l’acidité du milieu gastrique doit ainsi être préservée. Chez l’homme, il se ne serait pas impossible qu’un traitement par des inhibiteurs de la pompe à protons ait, à la longue, des effets cardiovasculaires défavorables [Taken together, our data show strong evidence that the antihypertensive effects of orally administered nitrite or nitrate depend on the acidic conditions of the stomach and formation of S-nitrosothiols. These observations offer a new mechanistic perspective to the effects of both nitrite and nitrate, and have major implications, particularly to patients that are prescribed proton pump inhibitors (PPIs)].

Commentaire du blog

Comme dans le travail publié en 2012, les doses de nitrite et de nitrate ingérées par les animaux: à savoir 10 mg NO2- kg-1 et 100 mg NO3- kg-1 sont nettement supérieures aux doses de nitrite et de nitrate habituellement ingérées par l’homme: respectivement, 0.014 à 0.13 mg NO2- kg-1 j-1 et ~ 1 mg NO3- kg-1 j-1.

Il en va de même pour les doses d’oméprazole: 10 mg kg-1 j-. Elles sont nettement supérieures aux doses utilisées en thérapeutique humaine, habituellement comprises entre 0.15 et 0.65 mg kg-1 j-1.

Il paraît donc quelque peu prématuré de se baser sur les résultats de cette nouvelle étude pour en tirer des déductions définitives en physiologie ou thérapeutique humaines.

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Nitrates: considérations pharmacocinétiques

James, P.E., Willis, G.R., Allen, J.D., Winyard, P.G. and Jones, A.M. (2015) Nitrate pharmacokinetics: Taking note of the difference. Nitric Oxide 48, 44-50

(voir l'abstract ici)

On sait que l’administration par voie orale de nitrate NO3- augmente, chez l’homme, les teneurs plasmatiques en nitrate NO3- et nitrite NO2-. Les études sur le sujet se sont accumulées dans les domaines de la physiologie et de la pathologie. Les effets bénéfiques concernent notamment la tension artérielle, l’activation/agrégation plaquettaire, les pathologies ischémiques. De même, par l’intermédiaire d’une augmentation de la concentration plasmatique en nitrite NO2-, l’administration par voie orale de nitrate NO3- modifie favorablement les performances lors de l’exercice [The potential of oral NO3- to modify exercise/performance via elevation of plasma nitrite concentration ([NO2-]) has been applied across a range of human test systems].

Cependant des discordances apparaissent parfois entre les résultats d’études consacrées aux effets ergogéniques des nitrates […discrepancies in performance trials] [Cf., par exemple, la précédente rubrique du 20 09 2015]. Les auteurs britanniques et australien [Cardiff et Exeter, Royaume-Uni; Melbourne, Australie] proposent ici de faire le recensement de tous les facteurs susceptibles de retentir sur la pharmacocinétique des nitrates, et d’expliquer ainsi les discordances éventuelles.

Les facteurs recensés sont les suivants:

I) Source, dose et volume

- source de NO3-: nitrate de potassium, KNO3, ou jus de betterave notamment,

- volume administré,

- dose administrée,

- voie d’administration: orale ou intraveineuse.

II) Tolérance

- qualité de l’observance,

- protocole agréable ou non pour le sujet,

- effets indésirables éventuels.

III) Régime

- restrictions ou considérations diététiques,

- jeûne,

- médications concomitantes,

- bains de bouche antibactériens

- chewing-gum

IV) Caractéristiques des participants

- sujet en bonne santé/ sportif/ patient,

- sportif entraîné ou non,

- génétique avec particularités individuelles affectant la pharmacocinétique des nitrates.

V) Caractéristiques de l’activité physique étudiée

- type de sport,

- en condition d’hypoxie ou de normoxie.

VI) «profilage» pharmacocinétique

- à quels moments sont effectués les contrôles sanguins ?

- quels contrôles des métabolites du NO au long de la journée?

VII) variations biologiques

- mesures des teneurs de base, avant la supplémentation,

- flux salivaire,

- production et concentration salivaires en nitrate et en nitrite,

- flore bactérienne buccale.

VIII) Analyse biochimique

- rapidité des transmissions des échantillons au laboratoire et des analyses,

- stockage des échantillons,

- effet de congélations et décongélations répétées.

IX) Timing

- quand faut-il procéder à l’administration d’une aide ergogénique à base de nitrate NO3-? Faut-il envisager qu’elle ait lieu au moment de la concentration plasmatique maximale en nitrate NO3-? Ou au moment de la concentration plasmatique en nitrite NO2-? [When to administer/consume a NO3- ergogenic aid? At peak NO2- or NO3- peak?].

- faut-il répéter en série les administrations orales de nitrate NO3- ?

Commentaire du blog

De nombreux facteurs interviennent dans la pharmacocinétique des nitrates. Il reste à préciser l’importance relative de chacun.

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Supplémentation en nitrate: absence d’amélioration sur cyclo-ergomètre

MacLeod, K.E., Nugent, S.F., Barr, S.I., Koehle, M.S., Sporer, B.C. and MacInnis, M.J. (2015) Acute beetroot juice supplementation does not improve cycling performance in normoxia or moderate hypoxia. International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism 25, 359-366

(voir l'abstract ici)

Les auteurs canadiens [Vancouver; Colombie britannique; Hamilton, Ontario] présentent une étude randomisée et double aveugle mettant à contribution 11 hommes, qui sont des cyclistes sportifs fortement entraînés. Leur consommation maximale d’oxygène [VO2 peak] est, en effet, supérieure à 60 ml min-1 kg-1. Les valeurs courantes sont situées, rappelons-le, autour de 45 ml min-1 kg-1 chez l’homme, et de 35 ml min-1 kg-1 chez la femme.

Deux heures avant l’exercice, les sujets ingèrent:

- soit 70 ml d’un jus de betterave apportant 370 mg de nitrate NO3- [Beet It Sport, James White Drinks Ltd, Suffolk, UK] [groupe BR],

- soit, à titre de placebo, 70 ml d’un jus de betterave déplété en nitrate [également, Beet It Sport, James White Drinks Ltd, Suffolk, UK] [groupe PL].

Après un échauffement de 15 minutes, l’effort comprend sur cyclo-ergomètre:

- soit en normoxie (PO2 correspondant à une valeur observée à 230 m d’altitude),

- soit en hypoxie (PO2 correspondant à une valeur observée à 2440 m d’altitude),

- 1) un exercice comportant un effort constant jusqu’à état stable [«steady-state»], avec une puissance développée correspondant à 50% de la puissance maximale,

- 2) et une course contre la montre simulée sur 10 km.

Deux heures après les ingestions de jus de betterave, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- sont évaluées, en moyenne, à:

- 12.4 mg NO3- l-1 chez les sujets ayant consommé 370 mg de nitrate,

- et 2.3 mg NO3- l-1 chez les sujets ayant consommé le jus de betterave déplété en nitrate.

Malgré des concentrations plasmatiques en nitrate différentes entre les deux groupes, l’étude canadienne ne met pas en évidence d’amélioration portant sur les performances.

Lors de l’épreuve sur cyclo-ergomètre à l’état stable, comme le montre le tableau ci-dessous, que l’effort soit effectué en normoxie ou en hypoxie, l’ingestion de nitrate n’est pas suivie d’effet statistiquement décelable sur le débit ventilatoire, le rythme cardiaque, la consommation en oxygène, l’«économie» respiratoire ou la saturation pulsée en oxygène.

 

Normoxie: groupe BR

Normoxie: groupe PL

Hypoxie:

groupe BR

Hypoxie:

groupe BR

Débit ventil.

ml mn-1 kg-1

76

81

92

88

Rythme cardiaque mn-1

149

151

157

156

VO2

ml mn-1 kg-1

39

39

39

38

«Economie»

ml O2 mn-1 W-1

14.2

14.2

14.1

13.7

SpO2 %

98

98

88

87

De même, lors de l’épreuve sur 10 km, on ne constate pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes, que l’effort ait lieu en normoxie ou en hypoxie:

 

Normoxie: groupe BR

Normoxie: groupe PL

Hypoxie:

groupe BR

Hypoxie:

groupe PL

VO2

ml mn-1 kg-1

51

50

44

43

Puissance moyenne

W kg-1

3.7

3.8

3.2

3.2

Temps s.

961

954

1018

1023

SpO2 %

97

97

88

88

Les auteurs sont eux-mêmes un peu surpris de ne pas enregistrer de résultats probants, non seulement en normoxie mais également en hypoxie. Ils font alors remarquer que leur étude porte sur un petit nombre de sportifs, et que ce sont des sportifs fortement entraînés [In conclusion beetroot juice did not lower the oxygen cost of steady-state exercise or improve exercise performance in normoxia or hypoxia in a small sample of well-trained male cyclists].

Commentaire du blog

Comme l’indique la page RUBRIQUES PAR THEMES, cette étude canadienne n’est pas la seule qui ne détecte pas d’effets ergogéniques [Cf. rubriques des 31 10 et 01 12 2012, du 19 01 2013, des 27 06 et 28 04 2014 et du 26 01 2015].

Cependant la plupart en détectent, par exemple celle de Muggeridge et coll., conduite, non chez des athlètes de très haut niveau, mais chez des sportifs de club (adeptes de cyclisme et de triathlon) [rubrique du 23 01 2014].

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