Nitrate, nitrite et digestion humaine in vitro

Kim, H.S. and Hur, S.J. (2017) Changes of sodium nitrate, nitrite, and N-nitrosodiethylamine during in vitro human digestion. Food Chemistry 225, 197-201

(voir l'abstract ici)

Les auteurs coréens [Chung-Ang University, Anseong-si, République de Corée] présentent une étude in vitro, destinée à apprécier les modifications des teneurs en nitrate de sodium NaNO3, nitrite de sodium NaNO2 et N-nitrosodiéthylamine C4H10N2O [NDEA] au long du processus de la digestion humaine, et notamment les effets des entérobactéries sur le processus.

Ils utilisent un modèle de digestion humaine gastro-intestinale simulant les situations successives auxquelles sont soumis les nutriments dans la cavité buccale, la cavité gastrique, la lumière de l’intestin grêle, la lumière du gros intestin, étant tenu compte des divers constituants organiques et inorganiques, des enzymes et du pH de la salive, du suc gastrique et des sucs intestinaux, et aussi des bactéries présentes [A human gastrointestinal digestive model that simulates the mouth, stomach, small intestine, and large intestine (with applied enterobacteria) was used in this study].

Les concentrations initiales en nitrate de sodium NaNO3, en nitrite de sodium NaNO2 et en N-nitrosodiéthylamine C4H10N2O [NDEA], avant la digestion in vitro, sont fixées, respectivement, à 150, 150 et 1 mg kg-1. Après leur passage dans des simulations de cavité buccale, de cavité gastrique et d’intestin grêle, elles sont, respectivement, de 43, 63 et 0.85 mg kg-1. La présence dans le gros intestin de germes comme Escherichia coli et Lactobacillus casei réduit encore les concentrations en nitrate de sodium NaNO3 et en nitrosodiéthylamine C4H10N2O [NDEA], alors évaluées respectivement, à 20 et 0.38 mg kg-1.

Les effets in vitro d’Escherichia coli et de Lactobacillus casei sur la concentration en nitrite de sodium NaNO2 semblent assez différents. Lactobacillus casei la fait baisser faiblement à 54 mg kg-1, Escherichia coli la fait baisser fortement à 3 mg kg-1.

Les auteurs coréens en concluent que la digestion humaine contribue à diminuer les concentrations en nitrate de sodium NaNO3, en nitrite de sodium NaNO2 et en N-nitrosodiéthylamine C4H10N2O [NDEA], connus pour être potentiellement toxiques [We therefore conclude that the amounts of potentially harmful substances and their toxicity can be decreased during human digestion].

Commentaire du blog

Cette étude est critiquable pour plusieurs raisons:

▪ Les auteurs ignorent, semble-t-il, l’existence du cycle entérosalivaire des nitrates. Les ions nitrate NO3- ingérés sont absorbés au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle. Ils passent dans le courant circulatoire, sont puisés par les glandes salivaires et apparaissent dans la salive à des concentrations dix fois supérieures aux concentrations plasmatiques. Les ions nitrate NO3- sont ainsi l’objet d’un double passage dans la cavité buccale, d’abord sous forme alimentaire, puis sous forme salivaire.

▪ On sait depuis les travaux de Hill et Hawksworth, 1974, de Saul et coll., 1981, de Bartholomew et Hill, 1984, de Florin et coll., 1990, que la quasi-totalité des nitrates ingérés sont absorbés en regard de l’estomac et de l’intestin grêle, moins de 2 % atteignant l’iléon terminal. L’étude in vitro des auteurs coréens à partir d’un «modèle de digestion humaine» semble déconnectée de la réalité «in vivo».

▪ Contrairement à ce que reprennent les auteurs coréens dans l’article, les ions nitrate NO3-, présents, comme on le sait, en grande quantité dans les légumes, sont dépourvus de toute toxicité chronique. L’affirmation du Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC], selon laquelle les nitrates et les nitrites seraient «probablement cancérigènes chez l’homme», est dépourvue de base scientifique sérieuse. Le seul risque avec les nitrates alimentaires, rappelons-le, est celui de la méthémoglobinémie du nourrisson quand le biberon est préparé avec une eau de puits, à la fois riche en nitrate et bactériologiquement contaminée, contenant ainsi plus de 106 germes ml-1. Le risque de méthémoglobinémie du nourrisson n’existe pas quand le biberon est préparé avec une eau d’adduction publique, quelle que soit sa teneur en nitrate, l’eau d’adduction publique contenant toujours moins de 102 germes ml-1, a fortiori moins de 106 germes ml-1.

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