Viande transformée et cancer colorectal

Cantwell, M. and Elliott, C. (2017) Nitrates, nitrites and nitrosamines from processed meat intake and colorectal cancer risk. Journal of Clinical Nutrition and Dietetics. Vol. 3 No.4:27

(voir le texte entier ici)

Dans un article de synthèse [review article], les auteurs irlandais [Université Queen’s de Belfast, Irlande du Nord, Royaume-Uni] partent d’un constat. En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC] (dénommé en anglais: International Agency for Research on Cancer [IARC]), agence créée en 1965 par l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] et établie à Lyon, a fait savoir que la consommation de viande transformée était susceptible d’augmenter le risque d’apparition du cancer colorectal. L’agence a alors classé la viande transformée parmi les aliments cancérogènes du groupe 1 [The International Agency for Research on Cancer (IARC) recently reported that eating processed meat can increase a person’s risk for colorectal cancer and classified processed meat as carcinogenic to humans (group 1)].

Rappelons qu’il est convenu d’appeler viande transformée, ou produit carné transformé, une viande transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison ou autres processus destiné à rehausser sa saveur ou à améliorer sa conservation. Et chaque portion supplémentaire de 50 grammes j-1 de viande transformée accroîtrait le risque de cancer colorectal de 18 %.

L’attention des auteurs irlandais se porte donc sur les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- qui sont ajoutés à la viande pour la protéger de la contamination microbienne. Ces ions sont des précurseurs exogènes de composés N-nitrosés, lesquels, formés ensuite dans l’organisme ont la réputation d’être cancérigènes [Nitrate and nitrite from processed meat are exogenous sources of N-nitroso compounds (NOCs) and precursors of endogenously formed NOCs which are known carcinogens].

Les teneurs en nitrate NO3- et en nitrite NO2- des viandes transformées sont variables. A Istanbul, par exemple, les teneurs moyennes en nitrate NO3- du saucisson, du salami et de la saucisse ont été évaluées, respectivement, à 87, 102 et 147 mg NO3- kg-1, tandis que, pour les mêmes aliments, les teneurs moyennes en nitrite NO2- l’ont été, respectivement à 42.8, 87.6 et 102.8 mg NO2- kg-1. Sur les marchés de Belgique et du Danemark, les teneurs les plus fortes en nitrate NO3- ont été relevées sur les jambons, la bavette de porc et le salami: aux alentours de 120 mg NO3- kg-1, et les teneurs les plus fortes en nitrite NO2- l’ont été dans le kassler et la saucisse: respectivement, 36 et 28 mg NO2- kg-1.

Les auteurs irlandais sont donc à la recherche de substances additionnelles qui pourraient, lors du processus de conservation, diminuer la formation de nitrite NO2- dans la viande et, dans la mesure où elles atténueraient la formation endogène de composés N-nitrosés, feraient ainsi perdre à la viande transformée son caractère cancérigène. Ils pensent, à titre d’hypothèse, aux polyphénols des végétaux, notamment à ceux du thé vert [Plant polyphenols, especially green tea polyphenols can be used as alternatives to nitrates and nitrites to process meat improving the quality, shelf life and safety of processed meat products. These innovative meat products could potentially contribute to a reduction in cancer risk by means of nitrite reduction and phytochemical addition and should be explored further].

Commentaire du blog

Le raisonnement des auteurs irlandais apparaît fautif. On se reportera, à ce sujet, à la rubrique du 24 octobre 2017.

1) A supposer que, chez l’homme, la consommation de viande et le risque carcinogène soient liés, le lien, par contre, chez l’homme, entre la consommation de composés N-nitrosés exogènes et le cancer n’a jamais été démontré.

2) Chez le rat, des administrations prolongées de nitrosodiméthylamine (NDMA) ou de nitrosodiéthylamine (NDEA) ne commencent à être cancérigènes qu’au-delà de 10 μg kg-1 j-1. Chez l’homme, la formation de nitrosodiméthylamine (NDMA) dans l’estomac à partir des nitrites salivaires, dans le cadre du métabolisme des nitrates, n’est estimée qu’à 0.00148 μg j-1, soit, pour un adulte de 70 kg, à 0.000021 μg j-1 kg-1 (Licht et Deen, 1988). Chez l’homme, la dose de nitrosodiméthylamine (NDMA) formée par voie endogène à partir des nitrates et nitrites alimentaires de toute provenance est donc près de 500000 fois inférieure à la dose exogène de nitrosodiméthylamine (NDMA) connue pour être cancérigène chez l’animal (10/0.000021).

3) Le calcul précédent prend en compte les nitrates alimentaires de toute provenance. Or, les nitrates alimentaires proviennent principalement, non pas de la viande transformée, mais des légumes. 80% des nitrates alimentaires proviennent des légumes, 10 % de la viande. A titre indicatif, on pourra comparer les teneurs en nitrate des viandes transformées, telles qu’elles sont rapportées ici par les auteurs irlandais, et les teneurs en nitrate des légumes, connues pour pouvoir atteindre 1000 à 3000 mg NO3- kg-1.

En définitive, si la consommation de la viande transformée peut faire naître des craintes à l’égard du cancer colorectal, de telles craintes ne sont pas consécutives à l’apport en nitrate ou en nitrite lié à cette consommation. La recherche de substances alternatives qui éviteraient, ou seulement amoindriraient, la séquence nitrates-nitrites-composés N-nitrosés tout en assurant la conservation nécessaire des viandes, n’est pas scientifiquement justifiée.

This entry was posted in Grief carcinologique and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.