Une dose massive de nitrate de sodium

Joosen, D., Stolk, L. and Henry, R. (2014) A non-fatal intoxication with a high-dose sodium nitrate. BMJ Case Reports doi:10.1136/bcr-2014-20485

(voir l'abstract ici)

Les auteurs néerlandais [Centre Médical de l’Université de Maastricht] rapportent le cas tout à fait rare d’une intoxication par dose massive de nitrate de sodium.

Un sujet de 67 ans, pesant 90 kg, doit se soumettre à un test de tolérance orale au glucose, par ingestion de monohydrate de dextrose [The patient was supposed to have undergone an oral glucose tolerance test with dextrose monohydrate]. Par erreur, à la place, il ingère 200 ml d’une solution aqueuse contenant 75000 mg de nitrate de sodium [NaNO3]. Il ingère ainsi 833 mg NaNO3- kg-1.

Quatre heures après l’ingestion, il se présente au Service des Urgences.

Il est tout à fait conscient, alerte, n’est pas cyanosé, ne souffre d’aucun désordre clinique respiratoire. Par contre, il présente des symptômes digestifs:

- nausées

- vomissements abondants

- diarrhée.

Les données d’examen sont rassurantes:

- tension artérielle: 135/85 mm Hg

- rythme cardiaque: 90/mn

- absence d’hyperpéristaltisme abdominal

- saturation du sang artériel en oxygène: 93 %

- taux de méthémoglobine: 1.8 % (la normale étant inférieure à 3 %).

Revérifiés à la 7ème heure, les gaz du sang ainsi que le taux de méthémoglobine restent normaux. Se poursuivant vingt-quatre heures, la surveillance ne détecte rien de particulier [Repeated blood gas analysis including methaemoglobin level after 7 h remained normal and observation over 24 h was uneventful].

Les auteurs rappellent que le Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS et de la FAO [JECFA] a établi chez l’homme, en 1995, une dose journalière admissible [DJA] pour le nitrate de sodium. Il l’a fixée à 5 mg NaNO3 kg-1, correspondant pour l’ion nitrate à 3.7 mg NO3- kg-1 [The Joint Food and Agriculture Organization (FAO)/WHO Expert Committee on Food Additives have set an acceptable daily intake to a maximum of 3.7 mg nitrate ion (NO3-) or 5 mg sodium nitrate/kg bodyweight].

Ils s’étonnent de ne pas avoir vu apparaître de méthémoglobinémie chez leur patient. Ils se demandent si les importants vomissements dont il a été victime n’ont pas pu contribuer à diminuer les quantités de nitrate réellement ingérées, et donc à diminuer les quantités de nitrate transformées dans l’organisme en nitrite [The patient’s immediate and profuse vomiting may have prevented gastrointestinal absorption of large amounts of sodium nitrate and of the formed more toxic nitrite, since no serious effects like methaemoglobinaemia or hypotension occurred].

Commentaire du blog

En 1980, le Conseil des Communautés européennes a édicté une concentration maximale admissible [CMA] pour les nitrates dans les eaux destinées à la consommation humaine et, sans réelle base scientifique, l’a fixée à 50 mg NO3- l-1. La concentration en nitrate de la solution aqueuse ingérée par erreur par le patient néerlandais est de 54750/0.2 soit 273750 mg NO3- l-1. On voit qu’elle est plus de 5000 fois plus importante que la CMA officielle.

Sans le dire expressément, les auteurs laissent entendre que les troubles digestifs du patient, ses nausées, ses vomissements, la diarrhée, sont dus à ces 54750 mg de nitrate NO3- ingérés. L’implication est, certes, tout à fait possible. Mais il reste aussi envisageable qu’ils soient liés aux contre-ions, c’est-à-dire aux 20250 mg de sodium Na+ ingérés.

Il convient de répéter que, quelque importantes que puissent être les doses ingérées, jamais une ingestion de nitrate NO3- n’entraîne de méthémoglobinémie. Cette absence de méthémoglobinémie après ingestion de nitrate se vérifie d’ailleurs à tout âge, aussi bien chez le nourrisson âgé de moins de 6 mois que chez l’adulte.

Par contre, les ingestions de nitrite NO2- peuvent déclencher une méthémoglobinémie, le danger pesant alors tout particulièrement sur le nourrisson de moins de 6 mois, la méthémoglobine-réductase n’ayant pas encore atteint, à cet âge, sa pleine activité.

La dose orale de nitrate reçue par le sujet: 54750 mg de NO3- est la plus importante jusqu’ici relatée dans la littérature scientifique. Elle dépasse de loin le «record» précédent, qui était de 8120 mg NO3- [Ellen et coll., 1982].

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Composition phytochimique et nutritionnelle du jus de betterave

Wootton-Beard, P.C., Brandt, K., Fell, D., Warner, S. and Ryan, L. (2014) Effects of beetroot juice with high neobetanin content on the early-phase insulin response in healthy volunteers. Journal of Nutritional Science 3, e9, 1-9

(voir l'abstract ici)

Les repas riches en glucides ont pour propriété d’élever la glycémie. La réaction pancréatique qui s’ensuit augmente l’insulinémie. Il est possible que les incessantes successions d’hyperglycémies et d’hyperinsulinémies finissent par jouer un rôle favorisant dans l’apparition de la résistance à l’insuline, présente, comme on le sait, dans le diabète de type 2 et le syndrome métabolique [Meals containing a large amount of carbohydrate (CHO) elicit a proportional rise in plasma glucose that stimulates a rapid rise in blood insulin, termed insulinaemia. Repeated bouts of hyperglycaemia and hyperinsulinaemia may result in insulin resistance […]. Insulin resistance is central to the development of type 2 diabetes and is one pillar of the metabolic syndrome, diseases that place a high economic burden on global societies].

Partant de cette idée, les auteurs anglais et australiens procèdent à une étude en deux temps:

1)      Dosage précis des composants du jus de betterave.

2)    Appréciation de l’importance des hyperglycémie et hyperinsulinémie qui font suite à des ingestions de jus de betterave ou à celles d’autres boissons sucrées.

▪ 1) Les auteurs procèdent au dosage des nitrates NO3-, des nitrites NO2- et de divers composés phytochimiques dans le jus de betterave Beet it organic (James White Drinks Ltd).

En mg l-1, les concentrations observées sont, en moyenne, les suivantes:

Nitrate NO3-

4400

Nitrite NO2-

2.4

Somme des bétanines (pigments pourpres)

215

- Bétanine

83.7

- Isobétanine

131

Somme des bétaxanthines (pigments jaunes)

14.6

Somme des flavonoïdes

72.7

Somme des acides phénoliques

248.2

Produits de dégradation de la bétanine:

- 17-décarboxy-isobétanine

 

22.6

- Néobétanine (pigment jaune/orange)

5617

Le taux faible de nitrite témoigne de l’absence de pullulation bactérienne dans le jus de betterave étudié [The nitrite levels were relatively low, indicating that little or no bacterial denitrification had occurred during processing and storage].

Hormis les nitrates NO3-, les composés phytochimiques les plus abondants dans les flacons de jus de betterave sont, de loin, les produits de dégradation de la bétanine, la dégradation enregistrée semblant consécutive aux méthodes de préparation thermique [The most abundant compounds in the beetroot juice were betanin degradation products formed, presumably, by thermal processing techniques]. La bétanine est un pigment de couleur rouge appartenant à la classe des bétalaïnes.

La composition nutritionnelle du jus de betterave est dominée par la présence de glucides à la concentration de 224 g l-1. La grande majorité des glucides, soit 90 %, sont sous forme de sucrose, à la concentration de 175 g l-1. Le glucose et le fructose sont en concentration moindre, respectivement: 21 et 22 g l-1.

▪ 2) Chez 16 sujets sains (6 hommes et 10 femmes; âge moyen 27 ans), les auteurs étudient les réponses glycémique et insulinémique dans les deux heures et demie qui suivent:

- soit l’ingestion de 225 ml du jus de betterave étudié [BEET], apportant

- 50 g de glucides, dont 393 g de sucrose, 4.7 g de glucose et 4.9 g de fructose

- et 990 mg de nitrate NO3-.

- soit, à titre de témoin, l’ingestion

- de 225 ml d’une boisson contenant les mêmes quantités de glucides que dans le jus de betterave et la même répartition entre sucrose, glucose et fructose, mais sans nitrate, nitrite, ou composé phytochimique [MCON (matched control beverage)],

-  ou de 225 ml d’une boisson contenant seulement 50 g de glucose [GLUC].

L’augmentation de la glycémie qui fait suite aux ingestions est significativement moins marquée au cours des 30 premières minutes avec le jus de betterave [BEET] qu’avec la boisson contrôle [MCON]. Elle est également significativement moins marquée au cours des 45 premières minutes avec le jus de betterave [BEET] qu’avec la boisson glucosée [GLUC] [Analysis of the area under curve (AUC) by segment (sAUC) revealed a significantly lower glycaemic response for BEET compared with MCON in the 0-30 min segment (P˂0.05) […] In the 0-60 min segment BEET remained significantly lower than GLUC (P˂0.05)].

De même, la réponse insulinique est significativement moins marquée au cours des 60 premières minutes avec le jus de betterave [BEET] qu’avec la boisson contrôle [MCON] [Results revealed a significant lowering of the postprandial insulin response in the early phase (0-60 min) (P˂0.05) in the BEET treatment compared with MCON].

Bref, le jus de betterave [BEET] apporte les mêmes quantités des divers glucides que la boisson contrôle [MCON]. Mais le jus de betterave contient des nitrates, des nitrites et des composés phytochimiques, alors que la boisson contrôle n’en contient pas. La réponse glycémique et la réponse insulinémique sont significativement moins marquées après l’ingestion de jus de betterave qu’après l’ingestion de la boisson contrôle.

Les auteurs en déduisent que cet effet du jus de betterave sur la glycémie et l’insulinémie du sujet sain peut être dû à la présence de nitrates, bien qu’on ne puisse pas non plus, il est vrai, éliminer un rôle des bétalaïnes ou de polyphénols comme les acides phénoliques et les flavonoïdes [Betalains, polyphenols and dietary nitrate found in the beetroot juice may each contribute to the observed differences in the postprandial insulin concentration].

Commentaire du blog

Pour distinguer dans cet effet réducteur de l’hyperglycémie et de l’hyperinsulinémie post-prandiales les rôles respectifs joués par les ions nitrate NO3- et les autres composés phytochimiques du jus de betterave, il aurait peut-être été judicieux de comparer les effets

- du jus de betterave (par exemple Beet it organic (James White Drinks Ltd)).

- et du même jus de betterave, après déplétion seule en nitrate [Cf. rubrique du 23 septembre 2014].

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Nitrates et sportif d’endurance de haut niveau

Jones, A.M. (2014) Influence of dietary nitrate on the physiological determinants of exercise performance: a critical review. Applied Physiology, Nutrition and Metabolism 39, 1019-1028

(voir l'abstract ici)

Dans un précédent article, l’auteur britannique [Université d’Exeter, Royaume-Uni] présentait un travail synthétique consacré à l’effet de la supplémentation en nitrate sur la performance physique (Cf. rubrique du 10 octobre 2014). Dans une revue de physiologie canadienne, il présente un nouveau travail sur le sujet.

Comme il le disait, certaines études ne réussissent pas à mettre en évidence un effet bénéfique de la supplémentation en nitrate sur la performance sportive lorsque l’athlète d’endurance est fortement entraîné. L’auteur se penche maintenant plus précisément sur la question.

Plusieurs raisons expliquent que, sur la performance sportive, la supplémentation en nitrate s’avère moins efficace chez l’athlète hautement entraîné que chez le sujet moins entraîné [There are many reasons why nitrate supplementation should not be effective, or should be considerably less effective, in highly trained athletes compared with their recreational conterparts].

1) On sait que les ions nitrite NO2- sont réduits en oxyde nitrique NO

- en condition d’hypoxie

- et/ou en cas de diminution d’activité de la NO synthase.

L’entraînement physique provoque à la fois

- une augmentation significative de la capillarité musculaire

- et une augmentation de l’activité de la NO synthase.

2) Les nitrates amélioreraient davantage les fonctions métaboliques et vasculaires des fibres musculaires de type II que celles des fibres musculaires de type I. Or il semble bien que les athlètes d’endurance hautement entraînés aient de plus fortes proportions de fibres musculaires de type I.

3) L’entraînement sportif active la voie de la NO synthase. De ce fait, il élève les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2-. Les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- à jeun sont connues pour être plus élevées chez l’athlète bien entraîné que chez le sujet moins physiquement actif.

En raison d’une dépense quotidienne d’énergie majorée, on peut aussi supposer que l’athlète hautement entraîné consomme de plus grandes quantités de nitrates alimentaires [Assuming the consumption of a mixed diet, the large daily energy expenditure of athletes likely results in a greater consumption of dietary nitrate].

Ainsi, en raison d’une synthèse endogène et d’une ingestion en nitrate toutes deux accrues, les réserves en nitrate et nitrite de l’athlète fortement entraîné sont plus que suffisantes. Dès lors, on peut supposer que des apports supplémentaires en nitrate s’avèrent superflus [Greater endogenous production of nitrite alongside greater consumption of dietary nitrate may mean that athletes have sufficient nitrate and nitrite stores such that additional intake may not be effective]

***

Au total,

▪ chez l’athlète hautement entraîné, il est vraisemblable que la supplémentation en nitrate la moins efficace se produit lorsque l’effort est:

- de longue durée (supérieure à 30 à 40 minutes)

- et d’intensité relativement faible.

Dans ce cas, l’activité de la NO synthase n’est pas altérée, les muscles squelettiques restent bien oxygénés.

▪ chez l’athlète hautement entraîné, il est vraisemblable la supplémentation en nitrate la plus efficace se produit, au contraire, lorsque l’effort:

- est de forte intensité

- et concerne des fibres musculaires de type II.

A cet égard, il est intéressant de constater que la supplémentation en nitrate apparaît plus efficace dans des sports faisant intervenir les membres supérieurs comme l’aviron et le kayak (Cf. rubrique du 1er octobre 2014) que dans des sports qui ne les font pas intervenir, tels la course et le cyclisme [In this regard, it is interesting that nitrate supplementation appears to be more effective in exercise modalities in which the arms are utilised, such as rowing and kayaking than in cycling and running].

***

L’auteur fait également deux remarques:

1) Chez l’athlète de haut niveau, l’amélioration exercée par une supplémentation en nitrate sur la performance sportive d’endurance semble ne pas dépasser, dans l’ensemble, un facteur de 0.5 à 1 %. Bien que faible, une telle amélioration n’est pas négligeable pour l’athlète de compétition. Vu la précision relative des mesures, elle est cependant difficile à authentifier [It should also be emphasised that any possible performance benefits of nitrate supplementation in élite athletes are likely to be no larger than 0.5%-1.0%. While this would be of considerable importance to athletes in competition, this is well within the measurement error of laboratory and field-based exercise performance tests, making it difficult to ascertain benefit should it exist].

2) Les craintes sanitaires suscitées autrefois par les nitrates alimentaires appartiennent au passé. Les travaux scientifiques modernes montrent, à l’inverse, que les nitrates alimentaires sont bénéfiques pour la santé générale de la population, plus particulièrement pour sa santé cardiovasculaire [Historically, nitrate and nitrite have been considered to be potentially harmful to human health but recent evidence has countermanded this and instead indicates that nitrate promotes cardiovascular health].

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Nitrate et agrégation plaquettaire

Apostoli, G.L., Solomon, A., Smallwood, M.J., Winyard, P.G. and Emerson, M. (2014) Role of inorganic nitrate ad nitrite in driving nitric oxide-cGMP- mediated inhibition of platelet aggregation in vitro and in vivo. Journal of Thrombosis and Haemostasis 12, 1-10

(voir l'abstract ici)

L’activation plaquettaire est sous la dépendance de stimulations biologiques diverses, positives et négatives. Les stimulations positives proviennent du collagène sous-endothélial, de la thrombine générée par la cascade de coagulation, de l’ADP et du thromboxane A2 d’origine plaquettaire. A l’inverse, d’autres régulateurs agissent négativement sur les plaquettes, les deux principaux d’entre eux étant la prostacycline et l’oxyde nitrique, d’origine endothéliale.

A la suite d’un déséquilibre entre les stimuli plaquettaires positifs et négatifs peuvent apparaître différents troubles thrombotiques, tel l’infarctus du myocarde [An imbalance between positive and negative platelet stimuli contributes to the pathogenesis of thrombotic disorders such as myocardial infarction].

L’oxyde nitrique NO endogène provenant de l’action enzymatique de la NO synthase endothéliale présente dans l’endothélium vasculaire est connu pour réguler négativement la fonction plaquettaire in vivo. Toutefois, bien que du NO soit présent dans les plaquettes, l’expression d’une NO synthase dite «endothéliale» (eNOS) dans les plaquettes n’a pu être réellement démontrée [Endogenous NO derived from endothelial NOS (eNOS) in the vascular endothelium acts as a critical negative regulator of platelet function in vivo […]. However, the intrinsic expression of eNOS in platelets remains contentious], de sorte que l’origine du NO intraplaquettaire reste obscure [There is, however, considerable evidence that platelets generate NO, so that the source of endogenous NO in platelets is unclear].

On sait que pour l’organisme, les nitrates et nitrites d’origine alimentaire sont également une source d’oxyde nitrique NO. Le rôle de ces nitrates et nitrites d’origine alimentaire vis-à-vis de la fonction plaquettaire mérite d’être exploré.

Les auteurs britanniques [Université d’Exeter, U.K.] étudient, in vitro ainsi qu’in vivo chez la souris, les liens dans les plaquettes entre l’oxyde nitrique NO et le guanosine monophosphate cyclique [cGMP].

Avec des méthodes assez complexes, ils parviennent à diverses constatations:

▪ De manière transitoire et à partir du NO, les plaquettes sont en mesure de générer le guanosine monophosphate cyclique [cGMP], le NO présent dans les plaquettes semblant cependant indépendant d’une NO synthase intra-plaquettaire [Platelets generate transient, endogenous cGMP signals downstream of NO that are primary independent of NOS].

▪ L’inhibiteur de la phosphodiesterase 5 [PDE5] connu sous le nom de sildénafil (ou ViagraR) inhibe, chez l’homme, l’agrégation plaquettaire in vitro [The phosphodiesterase 5 (PDE5) inhibitor sildenafil inhibited human platelet aggregation in vitro].

▪ L’ion nitrite peut générer de manière transitoire  dans les plaquettes l’apparition d’oxyde nitrique NO et de guanosine monophosphate cyclique [cGMP] [Furthermore, nitrite can generate transient NO-cGMP signals in  platelets].

▪ Chez la souris manquant de la NO synthase endothéliale, l’administration de nitrate NO3- d’origine exogène donne lieu à des teneurs plasmatiques en nitrite NO2- relativement élevées; d’où un retentissement négatif sur la fonction plaquettaire [The absence of eNOS leads to enhanced plasma nitrite levels following nitrate administration in vivo, which negatively impacts on platelet function].

Les auteurs britanniques font, dès lors, deux conclusions:

▪ En cas de déficience en NO synthase endothéliale, les nitrates alimentaires pourraient effectivement exercer un effet antiplaquettaire.

▪ En cas de dysfonction endothéliale, ils pourraient potentiellement réduire l’hyperactivité plaquettaire.

[Our data suggest that inorganic nitrate exerts an antiplatelet effect during eNOS deficiency, and, potentially, that dietary nitrate may reduce platelet hyperactivity during endothelial dysfonction].

L’impact bénéfique sur la santé cardiovasculaire en général des supplémentations alimentaires en nitrate NO3- s’appuie sur des bases scientifiques de plus en plus fournies. Les auteurs terminent par le souhait que l’intérêt de ces supplémentations en nitrate NO3- dans la prévention primaire des affections cardiovasculaires d’origine plaquettaire soit davantage exploré [Our study, combined with growing literature concerning the impact of dietary nitrate on cardiovascular health, suggests that the potential use of dietary nitrate  supplementation in the primary prevention of platelet-driven cardiovascular events should be further explored].

Commentaire du blog

Les auteurs britanniques écrivent que l’oxyde nitrique présent dans les plaquettes ne provient apparemment pas de l’activité enzymatique d’une NO synthase dite «endothéliale» (eNOS) intraplaquettaire.

Si le fait se vérifiait, on en déduirait que, sur ce point, les plaquettes diffèrent du globule rouge. Des auteurs allemands [Cortese-Krott et Kelm] ont récemment décrit en condition normoxique une production d’oxyde nitrique NO dans le globule rouge, sous l’influence d’une NO synthase dite «endothéliale» (eNOS) intra-érythrocytaire. Les auteurs parlent à ce sujet d’une fonction «érythrocrine» du globule rouge. La synthèse intra-érythrocytaire d’oxyde nitrique NO diminuerait lors des pathologies cardiovasculaires ou coronariennes (rubrique du 19 avril 2014).

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Nitrite de sodium chez le rat et fonction érectile

Un, O., Yilmaz, D., Bayatli, N., Kaya, E. and Gur, S. (2014) L-arginine and tetrahydrobiopterin, but not sodium nitrite partially restored erectile dysfuntion in aged rats. The Aging Male 17, 248-255

(voir l'abstract ici)

La dysfonction érectile fait partie des troubles liés à l’âge. Selon une étude, la «Massachusetts Male Aging Study», réalisée en 1994 dans l’Etat du Massachusetts [USA], 34% des hommes entre 40 et 70 ans souffrent de dysfonction érectile modérée ou complète. Après l’âge de 70 ans, 15% des hommes ont, par contre, une dysfonction érectile complète [The Massachusetts Male Aging Study: 34.5 % of men aged 40-70 years old have moderate-to-complete erectile dysfunction, and 15 % of men aged 70 years old have complete erectile dysfuntion].

On sait qu’en cas de dysfonction érectile, l’activité de la NO synthase et la biodisponibilité en oxyde nitrique NO sont, l’une et l’autre, diminuées [Aging is associated with erectile dysfonction, in which nitric oxide synthase (NOS) activity and NO bioavailability are reduced due to deficiencies of NOS cofactor (tetrahydrobiopterin, BH4) and substrate (L-arginine)].

Les auteurs [Faculté de Pharmacie d’Ankara, Turquie] cherchent à savoir si une supplémentation alimentaire prolongée en nitrite de sodium [NaNO2] améliore la dysfonction érectile du sujet âgé.

Leur étude porte sur 18 rats mâles Wistar distribués en trois groupes:

- 6 rats jeunes, âgés de 3 mois

- 6 rats âgés de 24 mois

- 6 rats âgés, recevant, en outre, pendant 12 semaines une supplémentation alimentaire en nitrite NO2-, leur eau de boisson contenant 33 mg de nitrite NO2- l-1, sous forme de nitrite de sodium [NaNO2].

La fonction érectile est mesurée in vivo. Le nerf caverneux est soumis à l’action d’un stimulateur à impulsion «carrée». Enregistrées en continu, la pression artérielle moyenne et  la pression intracaverneuse peuvent être comparées l’une à l’autre [The mean arterial pressure (MAP) and intracavernosal pressure (ICP) were continuously measured, and the cavernous nerve was stimulated (2.5, 5 and 7.5 V, 15 Hz, 30s train duration) with a square-pulse stimulator].

La pression artérielle moyenne est identique dans les trois groupes.

Quand la stimulation est de 2.5 ou de 5 V, la pression intracaverneuse n’est pas modifiée. Par contre, quand elle est de 7.5 V, la pression intracaverneuse, et par voie de conséquence le rapport pression intracaverneuse/pression artérielle moyenne (ICP/MAP), sont diminués chez le rat âgé, sans que la supplémentation en nitrite NO2- pendant 12 semaines n’exerce d’effet correcteur [While MAP values were not altered in groups, ICP/MAP and total ICP values by stimulation of cavernous nerve at 7.5 V levels were decreased in aged rats as compared to young rats, which was not reversed by the treatment. There was no alteration at 2.5 and 5 V levels among groups (p >0.05)].

Commentaire du blog

Dans cette étude expérimentale menée chez le rat, dont les conclusions sont négatives, les apports en nitrite NO2- sont peu prolongés et quantitativement modestes. Par comparaison, citons l’importante étude de H.I. Shuval et N. Gruener (1977), qui a pu montrer, chez le rat, les effets bénéfiques des ions nitrite NO2- sur les artères coronaires. Dans cette étude israélienne de référence, l’exposition à l’ion nitrite NO2- durait 18 mois, et, selon les groupes, l’eau de boisson contenait entre 133 et 2000 mg NO2- l-1 (soit 4 à 60 fois plus de nitrite que dans cette étude turque) [Shuval, H.I. and Gruener, N. (1977) Health effects of nitrate in water. Report EPA-600/1-77-030 US. Environmental Protection Agency, Cincinnati, Ohio, USA].

On attend donc, sur le sujet, d’autres études expérimentales, s’appuyant sur des consommations en nitrite plus importantes, peut-être aussi plus prolongées.

Rappelons que divers travaux effectués chez l’homme sont en faveur d’un lien positif entre une pratique physique ou sportive régulière et la qualité érectile [Parmi les plus récents: Janiszewski, P.M. et coll., 2009; Agostini, L.C. et coll., 2011; Kalka, D. et coll., 2013]. Sous l’effet des efforts physiques, l’activité de la NO synthase est stimulée. On pourrait imaginer qu’une stimulation régulière de l’activité de la NO synthase soit ainsi à l’origine du maintien de la qualité érectile.

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Nitrates alimentaires et adénocarcinome œsophagien

Iijima, K. and Shimosegawa, T. (2014) Involvement of luminal nitric oxide in the pathogenesis of the gastroesophageal reflux disease spectrum. Journal of Gastroenterology and Hepatology 29, 898-905

(voir l'abstract ici)

Les auteurs japonais [Service de gastro-entérologie, Université du Tohoku, Sendai] partent d’un double constat:

- Au cours des trois dernières décennies, spécialement dans les pays occidentaux, l’incidence de l’adénocarcinome œsophagien a fortement progressé [Since the 1980s, numerous studies have shown that the incidence of esophageal adenocarcinoma has been increasing rapidly in many western countries]

- Parallèlement, la consommation mondiale d’engrais azotés a été multipliée par 20 [In terms of a mass survey, a 20-fold increase in use of chemical nitrogenous fertilizers…].

Sans remettre en cause les facteurs étiologiques classiques de l’adénocarcinome œsophagien, le tabac, l’alcool et le reflux gastro-œsophagien, [… in addition to conventionally recognized causative factors], les auteurs se demandent si les nitrates alimentaires ne pourraient pas également jouer, à son égard, un rôle favorisant, facilitant la survenue intermédiaire d’une œsophagite érosive puis d’un œsophage de Barrett [In this review, we have outlined the influence of nitric oxide NO, particularly NO derived exogenously from dietary nitrate, on each stage of the gastroesophageal reflux disease [GERD]-related disease spectrum].

A l’appui de leur hypothèse, ils avancent une série d’arguments:

1) A l’occasion de la circulation entérosalivaire des nitrates, la très riche flore bactérienne située à la face dorsale de la langue transforme les nitrates salivaires en nitrites salivaires. Déglutis, les nitrites salivaires rencontrent le site gastrique acide. En présence de vitamine C, ceux-ci sont alors très rapidement transformés en oxyde nitrique NO. La concentration intraluminale d’oxyde nitrique NO est maximale en regard du cardia et de la jonction gastro-œsophagienne. En cas de reflux gastro-œsophagien, le site préférentiel de formation d’oxyde nitrique NO peut alors s’étendre jusqu’à la partie distale de l’œsophage [Since this reaction between nitrite and ascorbic acid is very rapid at an acidic pH, the intraluminal concentration of NO generated by the reaction is maximal at the gastroesophageal junction and cardia, where the nitrite in saliva first encounters gastric acid […]. Furthermore, because NO is generated at the site where saliva nitrite first encounters gastric acid, the site of luminal NO generation could shift to the distal esophagus in cases with gastroesophageal reflux].

2) Comme l’ont montré plusieurs de leurs travaux [Cf. en particulier la rubrique du 9 mars 2010], l’oxyde nitrique NO diffuse alors vers l’épithélium adjacent à des taux cytotoxiques. Agissant en synergie avec le reflux d’acide et de pepsine, il altère la fonction de barrière épithéliale. Parvenant dans le tissu sous-épithélial, réagissant avec un autre radical, le radical superoxyde O2-, il forme un oxydant puissant, l’ion peroxynitrite ONOO-. S’ensuivent une exacerbation de l’inflammation tissulaire, une accélération de la transformation colonnaire de l’œsophage [propre à l’œsophage de Barrett] et une formation locale de dérivés N-nitrosés [Since then, we have carried out a series of experiments to demonstrate that NO diffuses into the adjacent epithelium at cytotoxic levels. This diffusion results in disruption of the epithelial barrier function, exacerbation of inflammation, acceleration of columnar transformation in the esophagus (Barrett’s esophagus) […] and the shifting of carcinogenic N-nitroso compound formation from the luminal to epithelial compartment].

Commentaire du blog

La démonstration par les auteurs du rôle, chez le rat, de l’oxyde nitrique NO dans la transformation colonnaire de l’œsophage suscite des réserves [rubrique du 9 mars 2010].

Chez l’animal, les N-nitrosamines ne deviennent réactifs, endommagent l’ADN et créent des mutations qu’à forte dose et qu’après une activation métabolique, qui nécessite un passage hépatique. La présence accrue de composés N-nitrosés, dits carcinogènes, dans le tissu œsophagien lui-même ne constitue pas un argument.

Surtout, comme le signalent les auteurs [Thus far, epidemiological studies have not shown an association of nitrate intake with esophageal adenocarcinoma], les études épidémiologiques jusqu’ici à la disposition du monde scientifique n’ont pas montré de lien chez l'homme entre les apports alimentaires en nitrate NO3- et l’incidence de l’adénocarcinome œsophagien [rubriques du 05 12 2010 et du 17 03 2013]. Cette négativité épidémiologique suffit à elle seule à rendre discutable l’hypothèse envisagée.

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Chocolat noir, NO et artériopathie des membres inférieurs

Loffredo, L., Perri, L., Catasca, E., Pignatelli, P., Brancorsini, M., Nocella, C., De Falco, E., Bartimoccia, S., Frati, G., Carnevale, R. and Violi, F. (2014) Dark chocolate acutely improves walking autonomy in patients with peripheral artery disease. Journal of the American Heart Association; 3;e001072.

(voir l'abstract ici)

Les auteurs italiens [Sapienza University, Rome] ont précédemment montré que, sous forme de chocolat noir, l’ingestion par un fumeur de cacao est suivie, deux heures plus tard, d’une amélioration de la dilatation dépendante du flux sanguin (flow-mediated dilation ou FMD), cette amélioration étant liée à une augmentation de synthèse d’oxyde nitrique NO [rubrique du 2 novembre 2011].

Leur nouvelle étude concerne 20 patients [14 hommes, 6 femmes; âge moyen: 69 ans] atteints d’artériopathie des membres inférieurs. En cross over et simple aveugle, les patients ingèrent:

-soit 40 grammes de chocolat noir, contenant ≥ 85% de cacao,

- soit 40 grammes de chocolat au lait contenant ≤ 35 % de cacao.

Comme l’indique le tableau suivant, grâce à sa teneur en cacao, le chocolat noir est, en outre, nettement plus riche en polyphénols que le chocolat au lait:

Composés

Chocolat noir

Chocolat au lait

Valeur de P

Total des polyphénols, mg l-1 GAE

799

296

P <0.001

Epicatéchine μg ml-1

0.59

0.16

P <0.001

Catéchine μg ml-1

0.32

0.13

P <0.001

Epigallocatéchine-3-gallate μg ml-1

1.8

0.28

P <0.001

Avant l’ingestion, puis deux heures plus tard, un certain nombre de tests ou de mesures sont effectués. Deux heures plus tard, par comparaison avec l’ingestion de chocolat au lait, l’ingestion de chocolat noir augmente significativement:

- la dilatation flux-dépendante: de 2 à 6 % en moyenne (versus de 2 à 4 %),

- la distance maximale de marche: de 111 à 122 mètres en moyenne (versus de 116 à 109 mètres),

- le temps maximal de marche: de 125 à 142 secondes en moyenne (versus de 124 à 125 secondes),

- et la concentration sérique en NOx (nitrate NO3- + NO2-): de 11 à 17 μmol l-1 (versus de 12 à 13 μmol l-1.

[Compared to baseline, maximal walking distance and maximal walking time increased after dark chocolate intake (from 110.7 ± 64.5 to 122 ± 61.5 m, P <0.001, and from 124.8 ± 60.8 to 142.2 ± 62.0 seconds, P <0.001, respectively) but not after milk chocolate intake (from 115.8 ± 71.9 to 109.1 ± 65.1 m, P = 0.231, and from 124.5 ± 60.1 to 125.4 ± 64.1 seconds, P = 0.783, respectively) […]. Flow-mediated dilation and serum levels of nitrite/nitrate (NOx) significantly increased after dark chocolate intake (from 2.3 ± 2.2 % to 6.3 ± 2.7 %, P <0.001, and from 11.0 ± 5.8 to 17.3 ± 5.8 μmol l-1, P <0.001, respectively). No changes were observed after milk chocolate intake for flow-mediated dilation and serum levels of nitrite/nitrate (NOx) (from 2.3 ± 2.5 % to 3.6 ± 3.2 %, P = 0.064, and from 11.7 ± 7.8 to 13.1 ± 7.57 μmol l-1, P = 0.353, respectively)].

Selon les auteurs, dans la mesure où il apporte une grande quantité de polyphénols, le chocolat noir est à même d’augmenter significativement, par l’intermédiaire de ces polyphénols et deux heures après l’ingestion, la synthèse endogène d’oxyde nitrique NO, ce qui contribue à améliorer la distance maximale et le temps maximal de marche des patients atteints d’artériopathie des membres inférieurs.

[The novel finding of the present study is the improvement of maximal walking distance and maximal walking time after 2 hours by ingestion of dark but not milk chocolate in peripheral artery disease patients. The different effect of dark and milk chocolate on walking autonomy supports the hypothesis that polyphenol content may be responsible for this effect, because dark chocolate is richer in polyphenol compared to milk chocolate].

[Previous studies have shown that polyphenols inhibit NOX2-derived oxidative stress and, in turn, upregulate NO generation; this latter effect is likely to play a major role in the walking distance autonomy changes as it was independently associated with maximal walking distance increase by dark chocolate. These data may lead to speculation that the enhanced NO generation could be responsible for artery dilatation and eventually improve walking distance autonomy].

A la fin de leur article, les auteurs précisent que les données recueillies sont encore fragmentaires et qu’il serait prématuré de les utiliser en pratique clinique. Il conviendrait notamment que d’autres études sur le sujet portent sur un plus long terme [Further study, in fact, should be done to assess whether similar changes may be detected with long-term dark chocolate administration].

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Nitrates alimentaires, exercice, tests cognitifs

Thompson, K.G., Turner, L., Prichard, J., Dodd, F., Kennedy, D.O., Haskell, C., Blackwell, J.R. and Jones, A.M. (2014) Influence of dietary nitrate supplementation on physiological and cognitive responses to incremental cycle exercise. Respiratory Physiology and Neurobiology 193, 11-20

(voir l'abstract ici)

On sait que la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- augmente la tolérance à l’exercice. On ignore, par contre, si, à l’occasion de l’exercice physique, elle a un effet sur la fonction cognitive [Dietary inorganic nitrate supplementation causes physiological effects which may enhance exercise tolerance. However it is not known whether nitrate might alter cognitive function during exercise].

Les auteurs australien [Université de Canberra] et britanniques [Universités de Newcastle et d’Exeter] mènent une étude en double aveugle et crossover chez 16 hommes jeunes (âge moyen: 24 ans), en bonne santé, physiquement actifs. Une heure et quarante-cinq minutes avant l’exercice, les sujets ingèrent:

-soit 500 ml d’un jus de pomme, contenant des quantités négligeables de nitrate [groupe placebo],

- soit 500 ml d’un jus de betterave contenant 310 mg de nitrate NO3- [groupe nitrate].

D’intensité progressive, l’exercice sur cyclo-ergomètre comporte une succession de paliers de 20 minutes d’abord à 50 % VO2max, puis à 70 % VO2max, enfin à 90 % VO2max.

Des tests cognitifs sont effectués avant, pendant et après l’exercice. Ils comprennent:

- une reconnaissance d’information visuelle rapide. Des stimuli visuels apparaissent sur un écran à rythme soutenu. Le sujet doit appuyer sur un bouton aussi vite que possible dès qu’il observe un stimulus diffèrent.

- le test de Stroop. Des noms de couleur [ROUGE, JAUNE, VERT, BLEU] apparaissent sur un écran. Ils sont eux-mêmes de couleur concordante [couleur rouge pour le nom de couleur ROUGE, par exemple] ou de couleur discordante [couleur bleue, par exemple, pour le nom de couleur ROUGE] et sont présentés au hasard [Therefore the words presented were either «congruent» (name of colour and colour of ink the same) or «incongruent» (name of the colour and colour of ink different) and were presented randomly]. Le sujet doit les reconnaître tout en commettant le moins d’erreurs possible.

Par comparaison avec ceux qui ingèrent le placebo, chez les sujets qui ingèrent 310 mg de nitrate NO3- sous forme de jus de betterave,

- les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- apparaissent plus élevées:

- 30 minutes avant l’exercice: 10.2 μg NO2- l-1 en moyenne (vs 5.7 μg NO2- l-1 dans le groupe placebo)

- juste en fin d’exercice: 8.2 μg NO2- l-1 en moyenne (vs 6.1 μg NO2- l-1 dans le groupe placebo).

- la tension artérielle systolique en fin d’exercice est significativement plus basse: en moyenne 112 vs 116 mm Hg.

- au palier des 50 % VO2max, une tendance à la réduction de la consommation en oxygène est constatée. Elle n’existe pas aux autres paliers [There was a trend for a reduced VO2 with nitrate compared to placebo at 50 % VO2peak but not at other exercise intensities or at rest].

- au palier des 90 % VO2max, le temps jusqu’à épuisement se trouve allongé de 16 %: 185 en moyenne vs 160 secondes.

Par contre, les performances cognitives s’avèrent identiques chez les sujets ayant ingéré le placebo et chez ceux qui ont ingéré 310 mg de nitrate NO3- [Compared to placebo, dietary nitrate did not improve cognitive performance].

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5 ans – 400 rubriques – Le désert de Nitrie

En cette deuxième quinzaine d’octobre, le blog «Nitrates et santé – Le blog des nitrates» fête à la fois

- ses 5 ans d’existence

- et la publication de ses 400 premières rubriques.

Il saisit l’occasion pour proposer à ses lecteurs de remonter jusqu’à la plus haute Antiquité en évoquant les heures fastes du fameux désert de Nitrie.

Dans l’Antiquité, la Nitrie était un lieu désertique de la Basse Egypte, situé dans la partie Ouest du delta du Nil, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de la ville d’Alexandrie. Aujourd’hui, la région a perdu son aspect désertique. Située à 15 kilomètres au sud de la ville actuelle de Damanhour, elle est, de nos jours, habitée et cultivée.

▪ Dans l’Antiquité, les Egyptiens exploitaient le nitre, c’est-à-dire le nitrate de potassium, qui se trouvait en abondance dans cette zone. Selon Hérodote (v. 484 – v. 425 av. J.-C.), le nitre servait aux embaumements. Après la phase initiale d’éviscération, les Egyptiens laissaient séjourner le corps du défunt dans le nitre (ou natrum) pendant une durée assez prolongée afin de le dessécher. Cette phase ne devait pas durer plus de soixante-dix jours. Ils procédaient ensuite à l’embaumement proprement dit. Celui-ci consistait à laver le corps avant de l’envelopper tout entier de bandes découpées dans un tissu de lin très fin, puis enduites de gomme (Histoires, Livre II, 86).

▪ Le désert de Nitrie est bien connu des historiens. Au cours des premiers siècles de notre ère, il fut également un haut lieu du monachisme égyptien.

La colonie monastique de Nitrie fut fondée vers 315 par Amoun, contemporain d’Antoine le Grand. Les cellules individuelles et les groupements semi-anachorétiques se multiplièrent rapidement. L’affluence des moines dans le désert de Nitrie fut telle que, vers 338, Amoun se sentit incité à procéder à une nouvelle fondation, en un lieu encore plus tranquille et solitaire, une vingtaine de kilomètres plus au sud-ouest: celle d’un groupe de cellules (kellia, kelyanommé: les Kellia.

Dans son Histoire Ecclésiastique (ch. II, 3), Rufin d’Aquilée évalue le nombre de moines vivant en 373 dans le désert de Nitrie à plus de 3000. Vingt ans plus tard, en 393, dans sa lettre à Lausus, grand chambellan de l’empereur Théodose II, le théologien grec Palladios d’Hélénopolis (v. 365 – 425) l’évalue à 5000 (Histoire lausiaque 7. 2). Une grande liberté était accordée à chacun dans ses pratiques purement personnelles de jeûne, d’abstinence, de prières privées. Dans ce désert vécurent ainsi, semble-t-il, le plus grand nombre de moines jamais rassemblés en un site de toute l’histoire du monachisme.

Connu pour l’importante œuvre ascétique et spirituelle léguée à la postérité, Evagre le Pontique (v. 345 – v. 400) s’initia vers 383 au monachisme dans les ermitages de Nitrie. Il  émigra deux ans plus tard vers les Kellia, pour une plus grande solitude.

A l’époque, la réputation des Pères du désert était immense. Elle s’étendait jusqu’en Occident. Les moines de Nitrie reçurent des visites d’hôtes de marque, comme celles de Jean Cassien, de Jérôme de Stridon (saint Jérôme, le docteur de l’Eglise) et de Paula aux alentours de 385, puis un peu plus tard, celle de Mélanie la Romaine, dite aussi Mélanie la Jeune, vers 417.

Au 5ème siècle, le monachisme de Nitrie souffrit de querelles doctrinales. Il disparut progressivement au profit de monastères voisins, notamment celui du désert de Scété. Ce dernier réussit à franchir les siècles. Il persiste jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, le monastère de Saint-Macaire, dans le désert de Scété (Wâdi el Natroum), au kilomètre 92 de la route allant du Caire à Alexandrie, compterait plus d’une centaine de moines.

Commentaire du blog

Le nitre, ou nitrate de potassium, que les Egyptiens de l’Antiquité utilisaient lors de la deuxième phase, après l’éviscération et avant l’embaumement proprement dit, avait sans doute un autre rôle que celui de dessécher les tissus. Depuis les travaux de Tanner et Evans (1933), nous savons que le nitrate de potassium en milieu acide exerce un puissant effet antibactérien. Retardant le développement bactérien, l’adjonction de nitrate et de nitrite diffère l’altération des tissus.

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Apport en nitrate, condition vasculaire, centres de régulation bulbaire

Ferguson, S.K., Hirai, D.M., Copp, S.W., Holdsworth, C.T., Allen, J.D., Jones, A.M., Musch, T.I. and Poole, D.C. (2014) Dose dependent effects of nitrate supplementation on cardiovascular control and microvascular oxygenation dynamics in healthy rats. Nitric Oxide 39, 51-58

(voir l'abstract ici)

Une supplémentation alimentaire importante en nitrate NO3-, au rythme par exemple de 62 mg de NO3- par kg de poids corporel et par jour sous forme de jus de betterave, fait baisser la tension artérielle moyenne, tout en améliorant le flux sanguin et l’utilisation de l’oxygène dans le muscle squelettique. D'où une augmentation de la pression partielle d’oxygène microvasculaire [High dose nitrate (NO3-) supplementation via beetroot juice (BR, 1 mmol/kg/day) lowers mean arterial blood pressure (MAP) and improves skeletal muscle blood flow and O2 delivery/utilization matching thereby raising microvascular O2 pressure (PO2mv)].

Les auteurs américains et britanniques [Manhattan, Kansas, Etats-Unis; Durham et Exeter, Royaume-Uni] cherchent à connaître les conséquences de doses trois plus faibles de nitrate.

Lors d’une expérimentation animale, ils comparent ainsi trois groupes de rats mâles, de souche Sprague-Dawley, âgés de 3 à 4 mois, en bonne santé, distingués les uns des autres par la quantité de nitrate administrée. Pendant 5 jours, les animaux reçoivent à titre de boisson:

- soit seulement de l’eau du robinet sans nitrate (10 rats témoins), 

- soit du jus de betterave mélangé à de l’eau du robinet, la dose de nitrate reçue étant quantitativement faible: 19 mg NO3- kg de poids corporel-1 j-1 (12 rats),

-soit du jus de betterave mélangé à de l’eau du robinet, la dose de nitrate reçue étant quantitativement élevée: 62 mg NO3- kg de poids corporel-1 j-1 (6 rats).

A l’occasion d’un exercice submaximal sur tapis roulant, réglé à la vitesse de 20 mètres par minute, qui entraîne chez l’animal une consommation d’oxygène égale à 60 % de la consommation d’oxygène maximale, les auteurs mesurent la tension artérielle moyenne ainsi que le flux sanguin et la conductance des vaisseaux des muscles des pattes arrière. Ultérieurement, pendant les trois minutes que durent des contractions électriquement induites de la musculature cervicodorsale, ils mesurent la pression partielle d’oxygène microvasculaire [Mean arterial pressure […], blood flow (radiolabeled microspheres) and vascular conductance were measured during submaximal treadmill exercise (20 m/min, 5 % grade, equivalent to ~ 60 % of maximal O2 uptake). Subsequently, PO2mv (phosphorescence quenching) was measured at rest and during 180 s of electrically-induced twitch contractions (1 Hz, ~ 6 V) of the surgically-exposed spinotrapezius muscle].

Par rapport à celles des rats témoins, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2- des rats recevant une supplémentation en nitrate sont augmentées. Elles le sont nettement lorsque l’apport est de 62 mg NO3- kg-1 j-1, beaucoup plus modérément lorsque l’apport n’est que de 19 mg NO3- kg-1 j-1. Par contre, les tensions artérielles moyennes sont assez nettement diminuées, d’environ 10 mm de Hg., que l’apport soit de 19 ou de 62 mg NO3- kg-1 j-1.

Les résultats moyens sont les suivants:

 

Rats témoins

Apports durant 5 j de

19 mg NO3- kg-1 j-1

 

Apports durant 5 j de

62 mg NO3- kg-1 j-1

 

Taux plasmatique en nitrate NO3- (mg l-1)

1.2

1.8

8.0

Taux plasmatique en nitrite NO2- (μg l-1)

8

10

28

Tension artérielle moyenne (mm Hg)

137

127

125

Les rats qui reçoivent pendant 5 jours des quantités importantes de nitrate sont l’objet, dans les muscles étudiés, d’une augmentation du flux sanguin, de la conductance vasculaire et de la pression partielle d’oxygène microvasculaire. Par contre, ces modifications favorables de la vascularisation musculaire ne sont pas observées chez les rats recevant pendant les 5 jours les quantités relativement faibles de nitrate [These data demonstrate that while low dose NO3- supplementation lowers mean arterail pressure it does so in the absence of augmented muscle blood flow, vascular conductance and PO2mv, all of which are elevated at higher doses].

La région rostrale ventrolatérale du bulbe rachidien est connue pour une particulière sensibilité à l’influence de l’oxyde nitrique NO. Les auteurs se demandent en définitive si l’effet hypotensif observé chez les animaux n’ayant été soumis qu’à de faibles apports en nitrate ne pourrait pas s’expliquer, en réalité, par une action des ions nitrate, des ions nitrite et de l’oxyde nitrique sur les centres de contrôle centraux du système cardiovasculaire, notamment les centres bulbaires [Given the sensitivity of the rostral ventrolateral medulla to NO bioavailability, it seems logical to postulate an interaction between NO3-, NO2- and central cardiovascular control centers located in the brain (i.e. rostral ventrolateral medulla)].

Commentaire du blog

L’action indirecte des apports alimentaires en nitrate NO3- sur les centres de régulation bulbaire, qui fait intervenir l’oxyde nitrique NO, mérite, certes, d’être prise en considération. Il ne s’agit cependant que d’une hypothèse.

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