Une dose massive de nitrate de sodium

Joosen, D., Stolk, L. and Henry, R. (2014) A non-fatal intoxication with a high-dose sodium nitrate. BMJ Case Reports doi:10.1136/bcr-2014-20485

(voir l'abstract ici)

Les auteurs néerlandais [Centre Médical de l’Université de Maastricht] rapportent le cas tout à fait rare d’une intoxication par dose massive de nitrate de sodium.

Un sujet de 67 ans, pesant 90 kg, doit se soumettre à un test de tolérance orale au glucose, par ingestion de monohydrate de dextrose [The patient was supposed to have undergone an oral glucose tolerance test with dextrose monohydrate]. Par erreur, à la place, il ingère 200 ml d’une solution aqueuse contenant 75000 mg de nitrate de sodium [NaNO3]. Il ingère ainsi 833 mg NaNO3- kg-1.

Quatre heures après l’ingestion, il se présente au Service des Urgences.

Il est tout à fait conscient, alerte, n’est pas cyanosé, ne souffre d’aucun désordre clinique respiratoire. Par contre, il présente des symptômes digestifs:

- nausées

- vomissements abondants

- diarrhée.

Les données d’examen sont rassurantes:

- tension artérielle: 135/85 mm Hg

- rythme cardiaque: 90/mn

- absence d’hyperpéristaltisme abdominal

- saturation du sang artériel en oxygène: 93 %

- taux de méthémoglobine: 1.8 % (la normale étant inférieure à 3 %).

Revérifiés à la 7ème heure, les gaz du sang ainsi que le taux de méthémoglobine restent normaux. Se poursuivant vingt-quatre heures, la surveillance ne détecte rien de particulier [Repeated blood gas analysis including methaemoglobin level after 7 h remained normal and observation over 24 h was uneventful].

Les auteurs rappellent que le Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS et de la FAO [JECFA] a établi chez l’homme, en 1995, une dose journalière admissible [DJA] pour le nitrate de sodium. Il l’a fixée à 5 mg NaNO3 kg-1, correspondant pour l’ion nitrate à 3.7 mg NO3- kg-1 [The Joint Food and Agriculture Organization (FAO)/WHO Expert Committee on Food Additives have set an acceptable daily intake to a maximum of 3.7 mg nitrate ion (NO3-) or 5 mg sodium nitrate/kg bodyweight].

Ils s’étonnent de ne pas avoir vu apparaître de méthémoglobinémie chez leur patient. Ils se demandent si les importants vomissements dont il a été victime n’ont pas pu contribuer à diminuer les quantités de nitrate réellement ingérées, et donc à diminuer les quantités de nitrate transformées dans l’organisme en nitrite [The patient’s immediate and profuse vomiting may have prevented gastrointestinal absorption of large amounts of sodium nitrate and of the formed more toxic nitrite, since no serious effects like methaemoglobinaemia or hypotension occurred].

Commentaire du blog

En 1980, le Conseil des Communautés européennes a édicté une concentration maximale admissible [CMA] pour les nitrates dans les eaux destinées à la consommation humaine et, sans réelle base scientifique, l’a fixée à 50 mg NO3- l-1. La concentration en nitrate de la solution aqueuse ingérée par erreur par le patient néerlandais est de 54750/0.2 soit 273750 mg NO3- l-1. On voit qu’elle est plus de 5000 fois plus importante que la CMA officielle.

Sans le dire expressément, les auteurs laissent entendre que les troubles digestifs du patient, ses nausées, ses vomissements, la diarrhée, sont dus à ces 54750 mg de nitrate NO3- ingérés. L’implication est, certes, tout à fait possible. Mais il reste aussi envisageable qu’ils soient liés aux contre-ions, c’est-à-dire aux 20250 mg de sodium Na+ ingérés.

Il convient de répéter que, quelque importantes que puissent être les doses ingérées, jamais une ingestion de nitrate NO3- n’entraîne de méthémoglobinémie. Cette absence de méthémoglobinémie après ingestion de nitrate se vérifie d’ailleurs à tout âge, aussi bien chez le nourrisson âgé de moins de 6 mois que chez l’adulte.

Par contre, les ingestions de nitrite NO2- peuvent déclencher une méthémoglobinémie, le danger pesant alors tout particulièrement sur le nourrisson de moins de 6 mois, la méthémoglobine-réductase n’ayant pas encore atteint, à cet âge, sa pleine activité.

La dose orale de nitrate reçue par le sujet: 54750 mg de NO3- est la plus importante jusqu’ici relatée dans la littérature scientifique. Elle dépasse de loin le «record» précédent, qui était de 8120 mg NO3- [Ellen et coll., 1982].

This entry was posted in Griefs, Législation, Sources exogènes and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.