Nitrates alimentaires, effets bénéfiques et griefs

Bondonno, C.P., Croft, K.D. and Hodgson, J.M. (2015) Dietary nitrate, nitric oxide and cardiovascular health. Critical Reviews in Food Science and Nutrition. Sous presse.

(voir l'abstract ici)

Dans le “Critical Reviews in Food Science and Nutrition”, les auteurs australiens [Perth, Australie-Occidentale] présentent une revue consacrée aux effets bénéfiques des nitrates et à leurs effets délétères éventuels.

Le plan adopté est le suivant:


 

- Introduction

- 1) Oxyde nitrique

- Perspective historique: du «NOxious» au «NOtable»

- Les isoformes des NO synthases

- Les deux voies métaboliques menant à l’oxyde nitrique NO

Voie de la L-arginine et de la NO synthase

Voie nitrate-nitrite-oxyde nitrique

- Destin métabolique de l’oxyde nitrique

- Mesure de la biodisponibilité en oxyde nitrique

- 2) Santé cardiovasculaire et fonction vasculaire

- Vue générale et importance

- Structure et fonction endothéliales

- Effets vasculaires de l’oxyde nitrique

Tonus vasculaire et vasodilatation

Propriétés antithrombotiques, antiathérogéniques et antiprolifératives

- 3) Nitrates alimentaires et fonction vasculaire

- Sources alimentaires

- Effets bénéfiques sur la santé vasculaire

Démonstration épidémiologique et biomarqueurs des apports en nitrate

Tension artérielle

Fonction endothéliale

Lésions d’ischémie reperfusion

Rigidité artérielle

Fonction plaquettaire

Amélioration des performances lors de l’exercice physique

- 4) Effets délétères éventuels des apports importants en nitrate [Potential for detrimental effects of high nitrate intake]

- Conclusion

 

Dans leur chapitre consacré aux effets délétères éventuels des apports importants en nitrate [Potential fo detrimental effects of high nitrate intake],  les auteurs australiens commencent par montrer une certaine perplexité devant les opinions contradictoires émises dans la littérature sur le sujet [There are conflicting opinions in the literature about the toxicity of nitrate and nitrite in food and water].

Au cours des dix dernières années, comme le rapporte le chapitre précédent: «Nitrates alimentaires et fonction vasculaire», de nombreux effets bénéfiques des nitrates alimentaires ont été décrits, mais, disent-ils, sous la plume de certains chercheurs on trouve encore l’expression de craintes persistantes à l’égard d’une toxicité éventuelle [In the last decade numerous health benefits have been ascribed to nitrate and nitrite as detailed above, but there is lingering concern among some researchers about their potential toxicity].

▪ Le risque d’apparition de la méthémoglobinémie chez le nourrisson a été initialement décrit par Comly en 1945 avec des biberons préparés avec une eau de puits riche en nitrate. En fait, ajoutent les auteurs australiens, la forte teneur en nitrate de l’eau de puits était alors due à une contamination fécale [The high nitrate content of the water was due to faecal contamination]. On s’aperçut plus tard, continuent-ils, que la méthémoglobinémie infantile n’était pas alors due aux nitrates mais plutôt aux bactéries présentes dans l’eau de puits servant à la préparation du biberon [It has since been argued that nitrate per se was not the cause but rather faecal bacteria present in the well water].

Les auteurs australiens gardent une certaine méfiance à l’égard des nitrates présents dans l’eau de boisson. Bien que les nitrates ne soient pas en eux-mêmes toxiques, font-ils observer, une teneur élevée en nitrate dans l’eau de boisson pourrait constituer un marqueur de contamination par des bactéries d’origine fécale [A high nitrate level in drinking water may therefore be a marker of contamination rather than being toxic itself].

▪ L’évocation d’un risque carcinogène éventuel chez l’homme est ancienne. Après avoir signalé de la sorte quelques articles des années 1970 et 1980,  les auteurs avancent trois remarques:

- En 2003, une revue de toutes les études épidémiologiques effectuée par le Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS et de la FAO [JECFA] n’a détecté aucune augmentation réelle du risque de cancer liée à l’ingestion de nitrates alimentaires [A review of all studies in 2003 by the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) found no evidence of an increased risk of cancer with dietary nitrate consumption].

- Les régimes alimentaires riches en fruits et légumes qui apportent des quantités de nitrates nettement supérieures à la Dose Journalière Admissible [DJA] de l’OMS n’augmentent pas la mortalité par cancer [Indeed, a diet rich in fruit and vegetables, which far exceeds the WHO acceptable daily intake of nitrate, is not associated with an increase in deaths from cancer].

- Enfin, puisque les nitrates et les nitrites sont l’objet d’une synthèse endogène, il apparaît, de ce fait, bien peu vraisemblable que les nitrates d’origine exogène puissent eux-mêmes être toxiques [Since both nitrate and nitrite are formed endogenously, it seems unlikely that exogenous sources would be toxic].

Commentaire du blog

Les trois premiers chapitres de cet article consacré aux nitrates alimentaires: 1) Oxyde nitrique 2) Santé cardiovasculaire et fonction vasculaire 3) Nitrates alimentaires et fonction vasculaire contiennent trop de données pour être résumés dans le cadre de la rubrique. Ils constituent une bonne synthèse sur le sujet.

Le quatrième chapitre: 4) Effets délétères éventuels des apports importants en nitrate comporte des inexactitudes, qui méritent d’être relevées. Celles-ci concernent principalement le risque méthémoglobinémique.

Il est vrai que les eaux de puits à l’origine des méthémoglobinémies du nourrisson constatées après-guerre aux Etats-Unis et en Europe contenaient à la fois des nitrates et de fortes concentrations bactériennes, supérieures à 106 germes ml-1. Les ions nitrate NO3- étaient alors transformés dans le biberon par les bactéries en ions nitrite NO2-. Le nourrisson ingérait directement des nitrites: d’où la transformation dans les globules rouges d’une partie de l’hémoglobine en méthémoglobine, et ainsi l’apparition d’une méthémoglobinémie.

Mais il est inexact de dire:

- que la forte teneur en nitrate est due à une contamination fécale,

- ou que la teneur élevée en nitrate d’une eau de boisson peut être un marqueur de contamination bactérienne.

En réalité,

- les nitrates qui parviennent dans le tube digestif sont tous absorbés dans l’estomac et la partie haute de l’intestin grêle. Au terme du transit digestif, les selles ne contiennent plus aucune trace de nitrate [Tricker et coll., 1992],

- aucun lien statistique n’a jamais été relevé entre la teneur d’une eau de puits en nitrate et sa population bactérienne.

Ceci étant, on sera toujours extrêmement prudent lors de la préparation d’un biberon avec une eau de puits. Si elle est bactériologiquement contaminée, l’eau de puits peut être à l’origine d’une infection digestive potentiellement mortelle chez le nourrisson. Si, en outre, elle contient des nitrates, la possible transformation par les bactéries des nitrates en nitrite dans le biberon expose le nourrisson à une affection supplémentaire: la méthémoglobinémie.

L’erreur finale des auteurs australiens est de ne pas faire de différence entre l’eau de puits, qui peut être bactériologiquement contaminée et contenir, par exemple, plus de 106 germes ml-1, et l’eau d’adduction publique, qui est toujours bactériologiquement contrôlée et, de ce fait, contient toujours moins de 102 germes ml-1. Aucun risque de méthémoglobinémie du nourrisson n’existe avec l’eau d’adduction publique, quelle que puisse être par ailleurs sa teneur en nitrate. Les bactéries sont alors en trop faible nombre dans le biberon pour pouvoir y effectuer la transformation des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- [Cf. rubriques des 7, 11 et 14 mai 2010].

This entry was posted in Appréciation d'ensemble nitrate santé, Griefs and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.