Jus de betterave chez le sportif et risque carcinogène

Berends, J.A., van den Berg, L.M.M., Guggeis, M.A., Henckens, N.F.T., Hossein, I.J., de Joode, M.E.J.R., Zamani, H., van Pelt, K.A.A.J., Beelen, N.A., Kuhnle, G.G., de Kok, T.M.C.M. and Van Breda, S.G.J. (2019) Consumption of nitrate-rich beetroot juice with or without vitamin C supplementation increases the excretion of urinary nitrate, nitrite, and N-nitroso compounds in humans. International Journal of Molecular Sciences, 20, 277; doi: 3390/IJMS20092277

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Les auteurs néerlandais [Département de toxicogénomique, Maastricht] et britannique [Université de Reading, Royaume-Uni] notent que la consommation de jus de betterave riche en nitrate donne lieu à un certain nombre d’effets bénéfiques chez le sportif, du fait de la transformation in vivo des ions nitrate NO3- en oxyde nitrique NO [Consumption of nitrate-rich beetroot juice by ahtletes induces a number of beneficial effects, which are linked to the formation of nitric oxide (NO) from nitrate]. Mais ils continuent à s’inquiéter d’un éventuel risque carcinogène.

Certes, disent-ils, jamais la responsabilité carcinogénique des composés N-nitrosés n’a pu être démontrée chez l’homme, mais elle a été signalée chez au moins 39 espèces animales [Although no causalities have been established yet in human studies, N-nitroso compounds [NOCs] have been found to be carcinogenic in at least 39 animal species].

Ils présentent une étude randomisée effectuée chez 29 volontaires sains (13 hommes et 16 femmes), d’âge compris entre 18 et 45 ans. L’étude dure 7 jours consécutifs. Elle permet de distinguer deux groupes:

- le groupe BRJ (16 sujets; 9 hommes, 7 femmes), ingérant une fois par jour pendant 7 jours 70 ml d’un jus de betterave apportant 400 mg de nitrate NO3-,

- et le groupe BRJ + Vit C (13 sujets; 4 hommes et 9 femmes), ingérant une fois par jour pendant 7 jours 70 ml d’un jus de betterave apportant, outre 400 mg de nitrate NO3-, 1000 mg de vitamine C.

Chez les 29 sujets, les auteurs mesurent les concentrations urinaires en nitrate NO3-, en nitrite NO2- et en composés N-nitrosés totaux apparents [Apparent total N-nitroso Compounds ou ATNC] à J1, J2 et J8.

L’augmentation des concentrations urinaires se produit comme suit, les résultats moyens étant exprimés en nmol/mmol de créatinine:

• Groupe BRJ

 

Jour 1 (de base)

Jour 2

Jour 8

Nitrate/créatinine

820

18110

19470

Nitrite/créatinine

2

15

17

ATNC/créatinine

6

72

123

• Groupe BRJ + Vit C

 

Jour 1 (de base)

Jour 2

Jour 8

Nitrate/créatinine

560

17610

18190

Nitrite/créatinine

6

0

25

ATNC/créatinine

3

16

81

Les auteurs néerlandais et britannique en déduisent qu’une supplémentation en jus de betterave riche en nitrate entraîne une augmentation de synthèse endogène des composés N-nitrosés, potentiellement cancérigènes. Les sportifs seraient ainsi, selon eux, bien avisés d’être prudents avant de faire appel, au long cours, à une telle supplémentation alimentaire par le jus de betterave.  Il faudrait maintenant des études complémentaires pour être, éventuellement et ultérieurement, pleinement rassuré [This is the first study that shows that beetroot juice supplementation leads to an increase in formation of potentially carcinogenic N-nitroso compounds. In order to protect athlete’s health, it is therefore important to be cautious with chronic use of beetroot juice to enhance sports performances and more research is needed to exclude possible long-term adverse health effects].

Commentaire du blog

• Les effets bénéfiques de l’ingestion de nitrate NO3- ne se limitent pas à l’amélioration des performances sportives. Ils sont nombreux et très importants. Cf. les pages RUBRIQUES PAR THEMES et RUBRIQUES PAR THEMES 2.

• Il ne suffit pas de relater qu’un article récapitulatif [Bogovski, P. et Bogovski, S. (1981)] a rapporté la mention d’un effet carcinogénique des composés N-nitrosés chez au moins 39 espèces animales. Il faut préciser à quelles doses et pour quelle durée. Or, chez le rat, on a montré que des administrations prolongées, tout au long de l’existence, de nitrosodiméthylamine [NDMA] ou de nitrosodiéthylamine [NDEA] sont dénuées de tout effet cancérigène, du moins tant que la dose utilisée reste inférieure à 0.01 mg kg-1 j-1 [Peto, R. et coll., 1984].

• Chez l’homme, jamais n’a pu être démontrée la responsabilité carcinogénique des composés N-nitrosés en général; et, jamais chez l’homme, plus spécifiquement, n’a été démontrée la responsabilité carcinogénique des composés N-nitrosés formés par voie endogène à partir des nitrates alimentaires.

• Si l’on s’attache aux chiffres, on observe, en effet, que, chez l’homme, selon Licht et Deen, 1988, à partir des nitrates NO3- alimentaires et par l’intermédiaire des nitrites NO2- formés dans la salive du fait de la circulation entérosalivaire, ce sont environ 0.02 nmol, soit 1.48 ng, de nitrosodiméthylamine [NDMA] qui, chaque jour, sont synthétisés au sein de l’estomac, dans les conditions physiologiques. Ainsi, si on compare les 10 μg kg-1 j-1 chez le rat aux 0.00148 μg j-1 chez l’homme, on voit que, pour un homme de 70 kg, le coefficient de sécurité pour la nitrosodiméthylamine [NDMA] est énorme. Il est d’environ 700/0.00148, soit d'environ 500000.

• Dénué de réels arguments scientifiques chiffrés, l’alarmisme des auteurs néerlandais et britannique à l’encontre de la consommation au long cours du jus de betterave riche en nitrates NO3- n’apparaît  pas justifié.

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