Nitrate, nitrite, nouveau-né, nourrisson

Jones, J.J., Hopper, A.O., Power, G.G. and Blood, A.B. (2015) Dietary intake and bio-activation of nitrite and nitrate in newborn infants. Pediatric Research 77, 173-181

(voir l'abstract ici)

Le blog “Nitrates et santé – le blog des nitrates” a déjà présenté deux travaux de cette équipe californienne, l’un consacré aux teneurs en nitrate et nitrite dans la salive du nourrisson (rubrique du 14 octobre 2012), l’autre aux teneurs en nitrate et nitrite dans le lait maternel (rubrique du 16 août 2013).

Présentant une revue générale consacrée à la biologie des nitrates et des nitrites, les auteurs américains [Service de néonatologie et Centre de biologie périnatale, Université de Loma Linda, Californie, USA] veulent mettre l’accent sur les différences distinguant à ce sujet les adultes des nourrissons [This review will summarize our current knowledge regarding the bioactivity of nitrate and nitrite in adults and will outline known differences in infants].

Un tableau les résume:


Régime

Les teneurs en nitrate NO3- du lait maternel et du lait en boîte sont faibles. Ainsi, l’ingestion des nitrates est moins importante chez le nourrisson (~0.12 mg kg-1 j-1) que chez l’adulte (entre 0.7 et 3.0 mg kg-1 j-1).


Salive


Chez le nourrisson comme chez l’adulte, la concentration salivaire en nitrate est ~10 fois plus élevée que la concentration plasmatique. La production de salive est cependant moins importante chez le nouveau-né.


Réduction des ions nitrate dans la cavité buccale


La réduction des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- dans la cavité buccale par la flore bactérienne est ~10 fois moins prononcée chez le nouveau-né que chez l’adulte.


Estomac


L’ion nitrite NO2- est réduit par protonation en oxyde nitrique NO dans l’estomac de l’adulte (pH 1-3). Le pH relativement élevé (pH 3-6) de l’estomac du nouveau-né diminue, chez lui, la production de NO à partir des ions nitrite NO2- déglutis.


Sang/Tissu


Les ions nitrite NO2- circulants peuvent être réduits en oxyde nitrique NO dans des conditions hypoxiques. Le taux circulant de nitrite NO2- est cependant significativement plus faible chez le nourrisson que chez l’adulte.


Rein


Chez l’adulte, les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- sont réabsorbés par le tubule rénal. On ignore s’il en est de même chez le nouveau-né.


Ainsi dans les premières semaines de la vie, les teneurs en nitrate et nitrite restent modestes pour plusieurs raisons:

- l’ingestion de nitrate et de nitrite est faible, les concentrations en nitrate et en nitrite du lait maternel et du lait en poudre étant, elles-mêmes, fort réduites.

- la réduction dans la cavité buccale des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2-, physiologiquement actifs, est peu prononcée.

- la transformation dans l’estomac des ions nitrite NO2- en oxyde nitrique NO est peu importante.

[In the early weeks of life nitrate and nitrite levels remain low for several reasons. There is limited ingestion of nitrate and nitrite because their concentrations are low in milk and formula. There is little reduction of nitrate to the physiologically active nitrite by oral bacteria. Finally, there is little generation of NO in the newborn stomach because the pH is high].

Regrettant cette situation, les auteurs se demandent s’il ne serait pas intéressant de fournir au nouveau-né une supplémentation en nitrite NO2-. Une telle supplémentation en nitrite le protégerait des infections intestinales, tout en le faisant bénéficier des avantages de l’oxyde nitrique NO. Il convient cependant, ajoutent-ils, d’être prudent et de bien peser le pour et le contre avant de franchir le pas [In the newborn period there arises the prospect of protecting the gastro-intestinal tract from bacterial invasion by supplementation with nitrite, thereby increasing NO bioactivity and its protective actions. However, careful investigation must be done weighing the risks against the benefits before supplementation with nitrite can be undertaken safely in newborn infants].

Commentaire du blog

L’article n’est pas toujours très clair: les auteurs parlent tantôt du nouveau-né, tantôt du nourrisson.

Sans fournir ici de chiffre, ils avancent que la sécrétion salivaire est moins importante chez le nouveau-né que chez l’adulte. Dans un travail précédent paru en 2012 (rubrique du 14 octobre 2012), l’équipe californienne donnait ses chiffres, correspondant aux 90 secondes du recueil salivaire: 39 ± 8 μl chez le nourrisson; 143 ±  15 μl chez l’adulte. Si elle n’est pas rapportée au poids, la production salivaire apparaît a priori plus faible chez le nourrisson que chez l’adulte. Mais, rapportée au poids, il en va différemment. Pour un nourrisson de 5 kg, un nourrisson de 10 kg et un adulte de 70 kg, les sécrétions salivaires pendant les 90 secondes du recueil sont respectivement de 7.8, 3.9 et 2.0 μl kg-1.

Les auteurs expliquent aussi que le pH gastrique du nouveau-né est relativement élevé (pH: 3 à 6). La notion n’est exacte qu’au moment de la naissance et au cours des premières heures qui suivent. A ce moment très particulier et éphémère de l’existence, l’estomac contient du liquide amniotique. Six heures plus tard environ, le liquide amniotique a été digéré. Le pH de l’estomac du nouveau-né devient alors égal à celui de l’adulte, et le reste définitivement.

Ces rectificatifs étant formulés, il n’en reste pas moins que, chez le nouveau-né et le nourrisson, la transformation des nitrates en nitrites dans la cavité buccale est insignifiante. En 1980, Eisenbrand et coll. montraient qu’avant l’âge de six mois, la concentration salivaire des nitrites est nulle, ou quasi nulle. Le cycle entérosalivaire des nitrates ne devient fonctionnel qu’après l’âge de six mois.

En fin d’article, une idée saugrenue traverse l’esprit des auteurs: éventuellement, celle de contrecarrer la nature et d’apporter au nourrisson une supplémentation en nitrite NO2-. Une telle idée doit être formellement abandonnée. On sait que, chez le nourrisson âgé de 15 jours, l’ingestion de 330 mg de nitrite NO2-, provenant d’un jus de carotte laissé à température ambiante, est en mesure de provoquer une méthémoglobinémie cliniquement perceptible, avec un taux de méthémoglobine de 60 % (Keating et coll., 1973).

Il est préférable de respecter la sagesse de la nature. 

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