Nitrate et nitrite. Combien de vies humaines des consignes adaptées sauveraient-elles?

Bryan, N.S. and Ivy, J.L. (2015) Inorganic nitrite and nitrate: evidence to support consideration as dietary nutrients. Nutrition Research 35, 643-654

(voir l'abstract ici)

Les effets bénéfiques des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- d’origine alimentaire ne sont plus maintenant discutables. Dans leur majorité, ils sont consécutifs à la production d’oxyde nitrique NO. Indépendamment de l’autre voie, la synthèse endogène d’origine endothéliale, les ions nitrate NO3- et nitrite NO2- d’origine alimentaire participent à l’homéostasie en oxyde nitrique NO. [There are now indisputable health benefits of nitrite and nitrate derived from food sources or when administered in a clinical setting for specific diseases. Most of the published reports identify the production of nitric oxide (NO) as the mechanism of action for nitrite and nitrate. Basic science as well as clinical studies demonstrates that nitrite and/or nitrate can restore NO homeostasis as an endothelium-independent source of NO that may be redundant system for endogenous NO production].

Dans deux tableaux successifs, les auteurs américains [Houston et Austin, Texas, USA] comparent les doses de nitrite de sodium NaNO2 et de nitrate de sodium NaNO3 bénéfiques lors des expériences chez l’homme et l’animal à leurs doses maximales sans toxicité.

- Dans le premier tableau, les doses de nitrite NO2-, apportées par voie orale sous forme de nitrite de sodium NaNO2 et montrant leur effet bénéfique sur le système cardiovasculaire, s’échelonnent entre 0.12 et 0.47 mg NO2- kg-1 alors qu’une dose bien supérieure: 7.00 mg NO2- kg-1, apportée chez l’homme adulte en bonne santé sous forme de nitrite de sodium NaNO2, non plus par voie orale mais par voie intraveineuse, se révèle dénuée de toxicité.

- Dans le second tableau, les doses de nitrate NO3-, apportées par voie orale sous forme de nitrate de sodium NaNO3 et ayant montré leur effet bénéfique sur le système cardiovasculaire ou sur la performance physique et sportive, s’échelonnent entre 4.5 et 117 mg NO3- kg-1. Elles sont toutes dénuées de toxicité [Efficacious doses of nitrate without toxicity].

Les auteurs sont assez critiques à l’égard des études, encore publiées de nos jours, qui tentent à tout prix de mettre en évidence une carcinogénicité des ions nitrite et nitrate [Most recent epidemiologic evidence as well as review of a biologically plausible mechanism has refuted previous evidence of a causal relationship between nitrite and nitrate exposure and cancer formation]. Avec quelque retenue, il expriment, à leur égard, une réelle réserve: «Clearly, the epidemiological data are inconsistent at best, and recent review highlights the limitation of such studies and puts these types of studies in perspective».

Dans leur conclusion, les auteurs texans plaident pour de nouvelles règles nutritionnelles. Maintenant bien connues et délimitées, les doses alimentaires de nitrite et de nitrate capables d’améliorer la santé sont bien inférieures aux doses toxiques. Il devient souhaitable de revoir les recommandations sanitaires à leur égard [There are clear and delineated doses of both nitrite and nitrate that provide indisputable evidence of promoting health and even treating serious medical conditions. Fortunately, these doses fall well below toxic and fatal doses. This provides a sufficient range for the normal dietary guidelines to be established].

Au moment où le monde fait face à une contagion à grande échelle de maladies cardiaques, d’obésités, de syndromes métaboliques, affections liées à une moindre biodisponibilité en oxyde nitrique NO, il n’est plus possible d’ignorer les données fondamentales concernant les ions nitrite NO2- et nitrate NO3- d’origine alimentaire [ At a time when the globe is face with epidemics of heart disease, obesity, and metabolic syndrome, we can no longer ignore fundamental nutritional, biochemical, and physiological and clinical benefits of nutrients found in the most healthy and nutritious foods, nitrite and nitrate, especially because the etiology of the aforementioned diseases are based on poor diet and nutrition].

Selon les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS, 2013], dans le monde 8.2 millions de décès dans le monde sont, chaque année, consécutifs aux affections cancéreuses. Parmi les 5 principaux éléments d’origine alimentaire ou comportementale favorisant l’apparition des cancers, l’OMS note les apports faibles en légumes et en fruits […low fruit and vegetable intake]. Or, rappelons-le, une faible consommation de légumes diminue les apports alimentaires en nitrate.

Selon les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS, 2012], dans le monde 17.3 millions de décès sont dus chaque année aux maladies cardiovasculaires, ce qui représente 1/3 du total des décès. On sait qu’une réduction de la tension artérielle de seulement 5 mm Hg suffit à réduire les risques de maladie cérébrovasculaire et de maladie cardiaque ischémique: respectivement de 35 et 21 %. Il est bien établi, par ailleurs, qu’une supplémentation alimentaire en nitrite ou en nitrate est en mesure de réduire la tension artérielle des mêmes 5 mm Hg.

Ainsi si, pour les nitrites et les nitrates, les autorités sanitaires se décidaient à promouvoir de nouvelles consignes, adaptées aux nouvelles connaissances scientifiques, une très grande quantité de vies humaines seraient épargnées. Les auteurs américains estiment, dans le monde, à 6 millions par an le nombre de décès qui pourraient être ainsi évitées [There are now clear, indisputable blood pressure-lowering effects of dietary nitrite and nitrate by at least 5 mm Hg. By establishing dietary guidelines, perhaps 35% or roughly 6 million deaths could be prevented each year].

Pour eux, les bénéfices cardiovasculaires liés aux supplémentations en nitrite et nitrate dépassent largement les hypothétiques risques liés à la formation de N-nitrosamines [The benefits far outweigh the risks]. Ils illustrent leur concept à l’aide du schéma suivant:

Bénéfices cardiovasculaires                                      Grief cancérigène

Diminution de la pression artérielle                           Formation potentielle de N-nitrosamines

Amélioration de la fonction vasculaire

Amélioration des capacités lors de l’exercice

Amélioration de la fonction mitochondriale

Diminution du taux des triglycérides

Moins d’infarctus du myocarde

Moins d’accidents vasculaires cérébraux

En ce qui concerne les nitrites et les nitrates, nous sommes au début d’un nouveau champ d’investigation de biochimie nutritionnelle. Les auteurs appellent de leur vœu des études contrôlées au long cours. Celles-ci permettront de préciser les doses de nitrite et/ou de nitrate susceptibles, chez l’homme, de prévenir l’apparition des maladies chroniques et d’en freiner la progression [Furthermore, long-term controlled studies need to be conducted to establish set amounts of nitrite and/or nitrate consumption to determine if certain doses can actually have an effect on the onset and/or progression of chronic disease in humans].

Commentaire du blog

De nouvelles règles nutritionnelles à l’égard des ions nitrate NO3- d’origine alimentaire sont éminemment souhaitables.

Chez l’adulte et l’enfant âgé de plus de 6 mois, il conviendrait de remplacer

▪ les consignes actuelles imposant

des teneurs maximales dans l’eau de boisson, les légumes, la viande, le poisson

et une dose Journalière Admissible [DJA]

▪ par des consignes invitant, au contraire, la population mondiale à majorer nettement ses apports quotidiens.

Si ce changement radical était opéré, de nombreuses vies humaines seraient épargnées et prolongées. Combien exactement? Six millions par an, comme le disent les auteurs? Tout dépendra alors de la bonne observance des consignes…

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