Nitrates de l’eau de boisson et cancer de la vessie

Wang, W., Fan, Y., Xiong, G. and Wu, J. (2012) Nitrate in drinking water and bladder cancer: a meta-analysis. Journal of Huazhong University of Science and Technology (Medical Sciences) 32, 912-918

(voir l'abstract ici)

Les auteurs chinois [Wuhan, province du Hubei] présentent une méta-analyse consacrée aux liens éventuels entre les concentrations de l’eau de boisson en nitrate NO3- et le risque du cancer de la vessie.

Ils recensent, entre 1977 et 2007, un total de dix études épidémiologiques sur le sujet. Mais, après avoir passé les études cas-contrôles et les études de cohorte au crible de l’échelle de Newcastle-Ottawa [Wells et al., 2006], ils en éliminent cinq, les considérant comme entachées de failles méthodologiques. Finalement, pour leur analyse, ils ne retiennent que les cinq autres: Morales et al. (1993), Weyer et al. (2001), Ward et al (2003), Zeegers et al. (2006) et Chiu et al. (2007), en l’occurrence une étude de corrélation géographique, deux études cas-contrôles et deux études de cohorte.

Lorsque la teneur de l’eau de boisson en nitrate NO3- est intermédiaire [intermediate exposure], le risque relatif d’apparition du cancer de la vessie est globalement estimé à 1.13. Lorsque la teneur est haute [high exposure], il est globalement estimé à 1.27.

En définitive, dans leur ensemble, l’analyse de ces cinq études n’est pas concluante. Selon les auteurs chinois, aucune association réelle ne peut être détectée entre la concentration en nitrate de l’eau de boisson et le risque d’apparition du cancer de la vessie [Overall, the analysis of all the studies revealed no association between nitrate in drinking water and bladder cancer – It was found that there was no evidence to support the association between nitrate exposure in drinking water and development of bladder cancer].

Dans leur discussion, les auteurs attirent cependant l’attention sur les insuffisances des études retenues pour l’analyse. A leur avis, il convient de prendre du  recul.

Ils signalent la possibilité de facteurs parasites possibles [potential confounders], tels l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, l’exposition au tabac, les apports alimentaires en vitamines C et E, les apports en nitrate provenant de l’alimentation solide, etc. [The potential confounders of the relationship between bladder cancer and nitrate included age, gender, education, cigarette smoking […] dietary intakes of vitamin C/E, nitrate exposure from food and so on].

Ils signalent l’imprécision avec laquelle sont évalués les apports en nitrate lorsqu’ils proviennent de l’eau de boisson [One of the major problems with epidemiological studies on nitrate in drinking water is the relative inaccuracy of exposure assessment].

Ils rappellent, pour terminer, que la raison pour laquelle, il y a maintenant plusieurs décennies, les autorités sanitaires ont fixé une limite réglementaire de 45 (ou de 50) mg de nitrate par litre d’eau de boisson n’est aucunement le risque d’apparition des cancers en général, ou d’un cancer en particulier. La seule raison qui persiste est la crainte d’un risque aigu, celui de l’apparition d’une méthémoglobinéme, chez le nourrisson [OMS, 1985]. Les nitrates n’ont jamais été reconnus directement carcinogènes [So far, nitrate has not been deemed as a direct carcinogen for humans – The maximum contaminant level of nitrate is just a threshold of acute toxicity introduced for protection against methemoglobinemia to which infants were especially susceptible. However, as for the chronic poisonousness of nitrate, no generally-accepted limits in terms of its carcinogenicity has been proposed or introduced].

Commentaire du blog

Les apports exogènes en nitrate par l’intermédiaire de l’alimentation solide sont ici cités au sein d’une liste de possibles facteurs parasites (potential confounders). Rappelons qu’en fonction des études, dans les pays occidentaux les légumes sont à l’origine, à eux seuls, de 60 à plus de 80% des apports exogènes en nitrate. Les considérer comme de simples «potential confounders» est très discutable.

Comme il est habituel dans les articles de ce genre, la voie de la L-arginine, ou voie de la NO synthase est «oubliée». Les auteurs font abstraction de la synthèse endogène en nitrates, pourtant importante (quantitativement proche des apports exogènes en nitrate) et variable selon le mode de vie. On le sait, la synthèse endogène en nitrate est augmentée par l’activité physique et sportive, ou lors des séjours en altitude.

Contrairement aux craintes que les autorités sanitaires ont exprimées il y a cinquante ans et continuent d’exprimer, les fortes teneurs en nitrate de l’eau d’adduction publique ne font courir au nourrisson aucun risque de méthémoglobinémie, même bénigne, l’eau d’adduction publique, bactériologiquement contrôlée, ne contenant jamais plus de 102 germes ml-1. En réalité, le risque de méthémoglobinémie n’existe que lorsque l’on a la témérité, ou l’imprudence, de préparer un biberon avec une eau de puits «sordide», associant aux nitrates un nombre absolument considérable de bactéries (>106 germes ml-1) [Cf., par exemple, rubriques du 19 février et des 7, 11 et 14 mai 2010].]

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