OMS, vérité scientifique, acceptabilité sociale

Bourre, J.-M., Buson, C. et L’hirondel, J.-L. (2011) Nitrates, nitrites, oxyde nitrique (NO): nouvelles perspectives pour la santé? Médecine et Nutrition 47, 43-50.

(voir le résumé ici)

Les rubriques du 4 et du 21 avril 2011 ont déjà rendu compte du colloque «Nitrate – Nitrite – Oxyde nitrique. Nouvelles perspectives pour la santé», qui s’est tenu le 31 mars dernier dans les locaux de l’Association pour le Développement et l’Innovation en Cardiologie [Adicare], à l’hôpital de la Salpêtrière [Paris].

Dans cet article, paru dans un journal qui rassemble des communications de spécialistes de la nutrition, les auteurs français en font une présentation détaillée. En sept pages, les exposés des dix-huit orateurs américains, suédois, anglais, irlandais, hollandais et français sont analysés et résumés. Les auteurs de l’article en font une synthèse.

«La conclusion majeure de ce colloque est la suivante:», écrivent-ils, «les données historiques, l’expérimentation animale, l’expérimentation aiguë humaine et l’épidémiologie établissent aujourd’hui que la consommation de nitrates est non seulement inoffensive chez l’homme, mais bénéfique […]. Les nitrates doivent donc désormais être considérés comme des nutriments nécessaires à la santé humaine».

Un chapitre est intitulé: «Réfuter des décennies d’erreurs et de contre-vérités». Evoquant, par exemple, des notions méconnues ou occultées comme la faible population bactérienne intrabuccale du nourrisson, son acidité intragastrique identique à celle de l’adulte ou la forte synthèse endogène en nitrates du sportif et du Tibétain [Cf. rubrique du 30 10 2009], les auteurs précisent: «En pratique, les erreurs ou imprécisions sur la relation entre les nitrates et la santé ne sont pas l’apanage de la grande presse. Il arrive qu’on les décèle dans la littérature scientifique et médicale. Avec, par exemple, des conceptions erronées du métabolisme des nitrates, des imperfections méthodologiques, sans oublier quelques omissions volontaires ou involontaires

Les effets bénéfiques des nitrates étant maintenant tout à fait établis, les auteurs font part de leur étonnement: «Curieusement, depuis de très nombreuses années», disent-ils, «il existe une contradiction entre la norme de l’eau potable (fixée à 50 mg de nitrate par litre) et la consommation quotidienne de légumes qui en contiennent 10 à 100 fois plus, quelle que soit leur méthode de production. Or la consommation de légumes (qui apportent près de 80 % des nitrates ingérés dans un repas moyen) est systématiquement recommandée par les nutritionnistes, les instances sanitaires internationales et diverses structures gouvernementales pour la prévention de diverses pathologies. Pour les intervenants de ce colloque, les nitrates contribuent à cette prévention

John Fawell, membre du comité d’experts sur l’eau potable de l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS], était présent. «Le sujet étant sensible», le représentant de l’OMS «suggère que les résultats positifs des recherches en matière de nitrates, nitrites et NO soient présentés et expliqués non seulement dans des magazines très spécialisés, mais également dans des revues destinées à un public plus large, de manière à ce que l’information atteigne les relais d’opinion.» Ainsi, «pour préparer une correction des normes, le législateur et les structures de réglementation se retranchent sur l’acceptabilité sociale

Commentaire du blog

La position qu’exprime le représentant de l’OMS, John Fawell, lors de ce colloque de la Salpêtrière montre pourquoi et comment, malgré de spectaculaires avancées scientifiques, la situation réglementaire des nitrates alimentaire se trouve, en réalité, totalement bloquée.

Les autorités administratives des différents Etats européens, les autorités administratives de Bruxelles, les médias des presses écrite et audiovisuelle expliquent que les nitrates alimentaires ne peuvent être que néfastes pour la santé; en effet, font-ils remarquer, depuis plus de quarante ans les experts de l’Organisation Mondiale de la Santé préconisent, à leur égard, une concentration maximale dans l’eau de boisson. De leur côté, s’ils avouent, en petit comité, que leurs normes sur les nitrates sont obsolètes, les mêmes experts de l’Organisation Mondiale de la Santé ajoutent qu’il n’est pas question, pour eux, aujourd’hui de le reconnaître officiellement. La société a été trop fortement et trop longuement influencée par une information erronée. Elle ne serait pas prête, psychologiquement, à l’accepter.

De telles considérations étonneront peut-être ceux qui les liront. Pour l’OMS, tout se passe comme si,  en ce domaine, la vérité scientifique devait passer au deuxième plan.

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