Nitrates et sport: quelques questions

Weitzberg, E. and Lundberg, J.O. (2011) Dietary nitrate – a slow train coming. The Journal of Physiology 589, 5333-5334

Dans un court article du Journal of Physiology, commentant le travail de Vanhatalo et coll. [rubrique du 21 11 2011], les auteurs suédois [Karolinska Institute, Stockholm] nous livrent leurs intéressantes réflexions.

Le rôle des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- dans l’organisme est vital [vital role]. Il est surprenant de constater qu’encore aujourd’hui, pour le grand public, ils sont considérés comme des constituants, potentiellement dangereux, de notre nourriture et de notre eau de boisson, et qu’aux yeux des chercheurs, ils apparaissent souvent comme de simples produits d’oxydation inertes provenant de l’oxyde nitrique NO endogène [They are mostly known to the general public as potentially harmful constituents in our food and drinking water and among researchers as inert oxidation products of endogenous nitric oxide (NO)].

Comme la voie classique de la L-arginine-NO synthase, la voie d’origine alimentaire nitrate-nitrite-NO est productrice de NO. On peut donc envisager qu’elle lui soit complémentaire. Il existe, cependant, entre les deux voies, une différence de taille, que met en évidence le travail de Vanhatalo et coll. et qu’il convient de bien remarquer. Dans la deuxième voie, la réduction des nitrites en NO est fortement augmentée par l’hypoxie et l’acidose, alors que, tout au contraire, dans les mêmes conditions, les NO synthases de la première voie perdent leur activité [One major difference, highly relevant to the article under consideration here, is that nitrite reduction is greatly enhanced during hypoxia and low pH, when NO synthases perform poorly]. Le système de remplacement que constitue la voie d’origine alimentaire nitrate-nitrite-NO montre sa pleine utilité lorsque l’organisme a absolument besoin d’une bonne biodisponibilité en NO dans des conditions locales d’ischémie ou d’hypoxie [Therefore, it may serve as a back-up system to ensure NO bioactivity also during hypoxic/ischaemic conditions].

Certes, les travaux qui démontrent l’amélioration des performances physiques après supplémentation en nitrate ont eu un certain impact dans les communautés sportives. Toutefois, selon les auteurs, plusieurs questions restent en suspens:

1) Existe-t-il ou non une relation linéaire entre la dose de nitrate ingérée et l’importance de l’effet physiologique obtenu?

2) Après une supplémentation orale en nitrate longtemps répétée, l’effet favorable observé persiste-t-il ou, au contraire, finit-il par s’épuiser?

3) Après une supplémentation orale en nitrate longtemps répétée, des effets indésirables ou néfastes sont-ils ou non susceptibles d’apparaître?

4) Chez des athlètes professionnels, le recours à des sels de nitrate, au jus de betterave ou à d’autres légumes riches en nitrate, doit-il ou non être considéré comme un dopage? Si la réponse à cette question est affirmative, faut-il fixer, à l’intention du sportif professionnel, une limite maximale de concentration plasmatique en nitrate? Et laquelle?

Commentaire du blog

A la troisième question, il semble possible d’apporter une réponse rassurante. On sait, en effet, que les Tibétains ont, en permanence, dans leur plasma, des concentrations en nitrate NO3- neuf à dix fois supérieures à celles des sujets témoins vivant en plaine [rubrique du 30 octobre 2009] sans que la vie en altitude ne se traduise pour eux par un quelconque effet néfaste sur la santé, en particulier cardiovasculaire.

La quatrième série de questions vient effectivement à l’esprit. Si l’on devait en arriver à des mesures coercitives, il serait, en réalité, bien difficile, du moins en s’appuyant sur des bases scientifiques solides, de fixer une limite réglementaire pour la concentration plasmatique en nitrates. Lors d’une étude expérimentale comportant des perfusions intraveineuses de 6 930 mg de NO3-, sous forme de nitrate de sodium, chez douze adultes volontaires sains, les concentrations plasmatiques moyennes en nitrate n’ont-elles pas atteint 350 mg NO3- l-1 à la première heure, sans le moindre effet clinique secondaire [Ellen, G. et al., 1982]?

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