Les nitrates vus par Sciences et Avenir

Ratel, H. (2011) Faut-il manger des nitrates? Sciences et Avenir 775, 51.

La revue «Sciences et Avenir» consacre le dossier de son numéro de septembre 2011 à «La vérité sur le bio». On y trouve un encadré d’une demi-page intitulé: «Faut-il manger des nitrates?»

L’encadré commence de cette manière: «Un refrain surprenant est siffloté par quelques-uns: le nitrate serait un nutriment. Et des soutiens la molécule n’en manque pas».

Les «soutiens» cités par le rédacteur de l’article sont le docteur Jean-Louis L’hirondel, «rhumatologue à Caen et auteur d’un livre sur la question», ainsi que Léon Guéguen et Gérard Pascal, «chercheurs de l’INRA». Ces auteurs affirment que «non seulement les nitrates ne sont pas toxiques, mais ils ont même des effets bénéfiques sur la santé humaine».

Ces auteurs admettent «la réduction [des nitrates] en nitrites, composés […] responsables de la méthémoglobinémie du nourrisson, une maladie rare». Mais, pour le reste, les nitrates alimentaires sont «bénéfiques par leurs effets bactériostatiques, bactéricides, antiacides et immunoprotecteurs dans la sphère orogastro-intestinale». Ils «interviennent aussi favorablement dans la prévention de l’hypertension artérielle et des troubles cardio-vasculaires».

Restant «réticents face à ces assertions», les partisans du bio sont «prêts à mettre de l’eau dans leur vin et à reconnaître la justesse de ces arguments». Ainsi, selon Claude Aubert, «il est possible que l’on ait exagéré la toxicité des nitrates dans l’alimentation».

Mais, en guise de conclusion, le dernier tiers de l’article de Sciences et Avenir offre aux lecteurs un virage à cent quatre-vingt degrés. L’article cite M. Katan [Institut des Sciences de la santé d’Amsterdam], qui a pu écrire, en 2009: «Tous les éléments plaidant pour une moindre nocivité du nitrate» restent «insuffisants pour desserrer les seuils autorisés de concentration de nitrates dans l’eau potable et dans la nourriture». Il cite aussi une étude publiée en mai 2011 sous le nom d’«European Nitrogen Assessment»,, qui, «sous la plume de 200 chercheurs européens», conclut que «dix millions d’Européens boivent une eau trop chargée en nitrates».

Commentaire du blog

Dès 1996, les docteurs Jean et Jean-Louis L’hirondel ont, en effet, publié un ouvrage consacré aux nitrates et à la santé: «L’hirondel, J. et L’hirondel, J.-L. (1996) Les Nitrates et l’Homme. Le mythe de leur toxicité. Editions de l’Institut de l’Environnement, Liffré, France, 142 p.». [Voir ici]

Quelques années plus tard, en 2001 et en 2004, ils en ont publié une version à la fois corrigée et augmentée, en langue anglaise et en langue française:

- «L’hirondel, J. and L’hirondel, J.-L. (2001) Nitrate and Man. Toxic, Harmless or Beneficial? CAB International. Wallingford. UK, 168 pp.» [Voir ici]

- «L’hirondel, J. et L’hirondel, J.-L. (2004) Les Nitrates et l’Homme. Toxiques, inoffensifs ou bénéfiques? Institut Scientifique et Technique de l’Environnement. Liffré. France. 256 p» [Voir ici]

En 2010, Léon Guéguen et Gérard Pascal ont rédigé un article fort remarqué: «Guéguen, L. et Pascal, G. (2010) Le point sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique. An update on the nutritional and health value of organic foods. Cahiers de nutrition et de diététique 45, 130-143» [Cf. rubrique du 28 mai 2010].

En employant le verbe «siffloter» dès la première phrase, l’auteur de l’encadré fait preuve d’une certaine désinvolture. Comme on peut aussi le regretter, son opinion donne l’impression d’être préétablie.

Le dernier tiers de l’encadré cherche à effacer de l’esprit du lecteur les nombreux effets bénéfiques que les deux premiers tiers viennent d’énoncer. Il ne comporte aucun argument scientifique. Il évoque «la plume de 200 chercheurs européens», faisant ainsi appel au procédé que Feinstein avait repéré pour le dénoncer en 1991, la «vote-them down approach» [Cf. rubrique du 21 septembre 2011].

La dernière phrase de l’encadré pourrait, enfin, laisser perplexe un lecteur attentif. Si «dix millions d’Européens boivent une eau trop chargée en nitrates» sans, on le sait, qu’il n’en résulte, jamais et nulle part, aucun retentissement négatif avéré, c’est que les normes ne doivent pas être scientifiquement justifiées. Il serait alors bon de les réviser.

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