Nitrate et nitrite en anesthésiologie et médecine de soins intensifs

Weitzberg, E., Hezel, M. and Lundberg, J.O. (2010) Nitrate-nitrite-nitric oxide pathway. Implications for anesthesiology and intensive care. Anesthesiology 113, 1460-1475.

(voir l'abstract ici)

Rédigée par trois membres du Karolinska Institute de Stockholm (Suède), cette importante revue décrit successivement:

- le cycle de l’azote,

- la voie classique L-arginine-NO synthase-oxyde nitrique,

- les deux sources, endogène et exogène, en nitrates,

- la circulation entérosalivaire des nitrates,

- la formation d’oxyde nitrique dans l’estomac,

- les voies enzymatiques intervenant de la conversion de l’ion nitrite en oxyde nitrique,

- le rôle des ions nitrate et nitrite dans le système cardiovasculaire,

- le rôle des mitochondries, cibles de l’oxyde nitrique, dans la consommation d’oxygène,

- le rôle préventif de l’oxyde nitrique vis-à-vis de lésions d’ischémie reperfusion,

- les traitements faisant appel aux inhalations d’oxyde nitrique ou de nitrite,

- le rôle préventif de l’oxyde nitrique ou de l’ion nitrite vis-à-vis des rejets de greffe,

- les effets antimicrobiens des ions nitrite dans l’urine,

- la place de l’ion nitrate dans les effets favorables que les régimes riches en légumes et en fruits exercent sur les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2.

Publié dans la revue «Anesthesiology», journal de l’«American Society of Anesthesiologists», cet article a pour originalité de souligner les implications de ces nouvelles données scientifiques en anesthésiologie et médecine de soins intensifs.

On sait que, chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs, les incidences des ulcères gastriques et des complications bactériennes sont particulièrement élevées.

Après un apport alimentaire en nitrates, la voie nitrate-nitrite-NO mise en jeu comporte un cycle entérosalivaire des nitrates, une transformation des nitrates salivaires en nitrites salivaires sous l’effet des bactéries de la flore buccale, enfin, en milieu acide, une transformation des nitrites d’origine salivaire en NO. Dans l’estomac, l’oxyde nitrique NO joue un rôle doublement favorable. Régulant le flux sanguin muqueux et la production de mucus, il protège la muqueuse gastrique; il assure son intégrité. Bactéricide, il constitue une première ligne de défense à l’encontre des germes pathogènes ingérés.

Il se trouve que ces différentes étapes sont perturbées chez le patient hospitalisé en unité de soins intensifs.

Chez ce patient, les apports habituels en nitrates provenant principalement des légumes sont des plus réduits. Les alimentations de substitution, entérale et parentérale, ne comportent, par ailleurs, que de très faibles concentrations en nitrate et en nitrite. Le patient est, de la sorte, soumis à une véritable «privation» en nitrate et nitrite [A patient on full enteral or parenteral feeding is subjected to nitrate/nitrite starvation].

En outre, la production salivaire du patient intubé ou sédaté est affaiblie. Des traitements par antibiotiques à large spectre sont souvent prescrits. La réduction des nitrates salivaires en nitrites salivaires est entravée.

En raison de l’intubation ou de la sédation, la déglutition de la salive est difficile. Enfin, si elle a lieu, la prescription concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons élève le pH gastrique.

Chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs, la perturbation, à toutes ses étapes, de la voie nitrate-nitrite-NO mène à une forte diminution de la concentration gastrique en NO. La perturbation de la voie nitrate-nitrite-NO et la diminution de la concentration gastrique en NO qui en résulte peuvent expliquer, chez ces sujets, la forte incidence des ulcérations gastriques, la forte incidence des colonisations bactériennes intragastriques, peut-être même aussi l’incidence accrue des complications infectieuses à distance, notamment pulmonaires.

On le sait, la voie nitrate-nitrite-NO est également à l’origine d’effets cardiovasculaires favorables.

Un nombre important de patients hospitalisés en unité de soins intensifs souffrent déjà d’une morbidité préexistante faite d’athérosclérose, de syndrome métabolique, de diabète de type 2, affections marquées par une réduction d’activité de la NOS endothéliale (eNOS). Le jeûne préopératoire ne fait qu’accentuer le déficit en NO [In addition, preoperative fasting does not only reduce glycogen depots but also prevents the possibility to fuel the nitrate-nitrite-nitric oxide pathway]. En conséquence, il est légitime de se demander si, avant une intervention chirurgicale, l’administration de nitrate ou de nitrite, ou des deux, ne pourrait pas s’avérer bénéfique [It is of great interest to study whether preemptive administration of nitrate or nitrite, or perhaps a combination, could have beneficial effects].

En conclusion, les auteurs posent de fort intéressantes questions, auxquelles les recherches à venir seront invitées à répondre:

- Quelles sont les conséquences du jeûne préopératoire? [What are the consequences of preoperative fasting?]

- Le manque de nitrate et de nitrite dans les préparations entérales et parentérales est-il préjudiciable pour la santé? [Is the lack of nitrate and nitrite in our parenteral or enteral formulas harmful?]

- Que faut-il penser des faibles concentrations gastriques en oxyde nitrique chez les patients intubés en unité de soins intensifs ? [What is the relevance of low gastric nitric oxide concentrations in intubated ICU patients?]

- L’administration préopératoire de nitrate ou de nitrite ne pourrait-elle pas avoir des effets préventifs sur l’apparition peropératoire des lésions d’ischémie reperfusion? [Could preemptive administration of nitrate or nitrite ameliorate perioperative I/R injury?]. .

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