Nitrate, nitrite, colostrum et lait maternel

Hord, N.G., Ghannam, J.S., Garg, H.K., Berens, P.D. and Bryan, N.S. (2010) Nitrate and nitrite content of human, formula, bovine, and soy milks: Implications for dietary nitrite and nitrate recommendations. Breastfeeding Medicine 6, 393-399

(voir l'abstract ici)

Les auteurs américains [Etats du Michigan et du Texas] mesurent les teneurs en nitrate NO3- et en nitrite NO2- dans le lait maternel, le lait de vache, les aliments lactés diététiques (ALD) pour nourrissons et le lait de soja.

Les teneurs moyennes en nitrates NO3- sont: 1.9 mg NO3- l-1 dans le colostrum (jours 1 à 3 du post-partum), 5.2 mg NO3- l-1 dans le lait maternel en période de transition (jours 3 à 7 du post-partum), 3.1 mg NO3- l-1 dans le lait maternel en période de maturité (au-delà du jour 7 de post-partum), 1.6 à 2.3 mg NO3- l-1 dans le lait de vache, 0.2 à 2.6 mg NO3- l-1 dans divers aliments lactés diététiques (ALD) pour nourrissons, 3.4 à 35 mg NO3- l-1 dans le lait de soja.

Les teneurs moyennes en nitrites NO2- sont: 0.8 mg NO2- l-1 dans le colostrum, 0.01 mg NO2- l-1 dans le lait maternel en périodes de transition et de maturité, 0.002 à 0.003 mg NO2- l-1 dans le lait de vache, <0.001 mg NO2- l-1 dans les aliments lactés diététiques (ALD) pour nourrissons, 0.04 et 0.13 mg NO2- l-1 dans le lait de soja.

Chez un nourrisson de 15 livres, soit 6.8 kg, qui ingère 750 ml de lait par jour, on constate qu’avec le lait maternel en phase mature, le lait de vache, les aliments lactés diététiques (ALD) pour nourrissons et le lait de soja, les apports quotidiens en nitrates sont respectivement de 0.34, 1.74, 0.36 (ou 0.91) et 3.84 mg NO3- kg-1;  les apports quotidiens en nitrite NO2- sont respectivement de 0.012, 0.0013, 0.0003 et 0.004 mg NO2- kg-1. Chez un bébé de 7 livres, soit 3.2 kg, âgé de moins de 3 jours, consommant 100 ml par jour de colostrum, les apports quotidiens en nitrite NO2- sont de 0.025 mg NO2- kg-1.

Les auteurs font remarquer que les apports alimentaires en nitrates et en nitrites commencent dès les premières heures de la vie [Humans are adapted to receive dietary nitrite and nitrate from birth]; et, parmi les produits laitiers proposés aux nourrissons, le colostrum est le plus riche en ions nitrite NO2- [It is this precious colostrum that contains the highest amount of nitrite of any of the milk products tested].

Ils émettent une hypothèse. On sait qu’à la naissance l’organisme ne possède pas les bactéries commensales permettant la réduction des ions nitrate en nitrite. Dans les premiers jours de la vie, alors que les bactéries buccales et intestinales sont ou inexistantes ou encore fort peu nombreuses, et que, par voie de conséquence, la circulation entérosalivaire des nitrates n’est pas fonctionnelle, l’organisme a la possibilité de s’approvisionner directement en nitrite grâce au colostrum. Plus tard, la réduction bactérienne nitrate-nitrite étant assurée, les apports en nitrate venant des laits autres que le colostrum deviendront suffisants pour mettre en action la voie nitrate-nitrite-NO [We hypothesize that human milk provides a dietary source for nitrite prior to the establishment of lingual and gastrointestinal microbiota. Once the microbiota are established, these commensal organisms are capable of reducing dietary nitrate, via enterosalivary circulation, to nitrite and support gastrointestinal, immune, and cardiovascular health].

Poussant leur raisonnement assez loin, ils émettent l’hypothèse selon laquelle la très faible concentration en nitrite NO2- des aliments lactés diététiques (ALD) actuellement destinés aux bébés pourrait s’avérer préjudiciable pour leur santé. Selon les auteurs, ce faible apport en nitrite NO2- pourrait favoriser la survenue d’entérocolites ulcéro-nécrosantes, d’infections, de malabsorptions; elle pourrait, même, être à l’origine d’une accentuation des risques de santé plus tard, à l’âge adulte [We believe that the absence of nitrite – recently proposed as a nutrient – in baby formulas may contribute to many of the health disparities in formula-fed babies, including necrotizing enterocolitis, infections, poor nutrient absorption, and even increased heath risks later in life].

Commentaire du blog

Lors des quinze premiers jours du post-partum, on constate avec intérêt que, dans le colostrum et le lait maternel, les taux de nitrates évoluent sans lien véritable avec les taux de nitrites. Comme l’envisagent Iizuka et coll. (1997), il est possible que le réflexe de succion soit à l’origine d’une production locale de monoxyde d’azote. La raison du non-parallélisme entre les évolutions des taux de nitrate et de nitrite reste, malgré tout, à déterminer.

Certes séduisante, l’hypothèse des auteurs n’apparaît pas vraiment convaincante. 1) Les ions nitrate étant absorbés dans l’estomac et la partie haute de l’intestin grêle, les bactéries intestinales coliques n’interviennent pas dans le mécanisme de la circulation entérosalivaire. 2) En 1980, Eisenbrand et coll. ont montré que la concentration salivaire en nitrite est nulle, ou quasi nulle, chez le nourrisson, avant l’âge de 6 mois. Au contraire, éphémère, le pic de la concentration des nitrites dans le colostrum est éphémère, ne se prolongeant pas plus de 2 à 3 jours.

L’hypothèse des auteurs n’emporterait la conviction que si, après la naissance, le temps des apports importants en nitrites se superposait avec le temps pendant lequel le cycle entérosalivaire des nitrates reste inopérant. La différence observée est de taille: 3 jours – 6 mois. L’hypothèse apparaît peu crédible.  

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