Bain de bouche, brossage de langue, tension artérielle

Tribble, G.D., Angelov, N., Weltman, R., Wang, B.-H., Eswaran, S.V., Gay, I.C., Parthasarathy, K., Dao, D.-H.V., Richardson, K.N., Ismail, N.M., Sharina, I.G., Hyde, E.R., Ajami, N.J., Petrosino, J.F. and Bryan, N.S. (2019) Frequency of tongue cleaning impacts the human tongue microbiome composition and enterosalivary circulation of nitrate. Frontiers in Cellular and Infection Microbiology. doi:10.3389/fcimb.2019.00039

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Le rôle que joue la flore bactérienne buccale dans le cycle entéro-salivaire des nitrates, plus précisément dans la transformation des nitrates NO3- salivaires en nitrites NO2- salivaires, est reconnu. Mais les mécanismes exacts de la symbiose entre l’homme et ses microbes buccaux constituent un champ de recherche en grande partie inexploré [Although there is compelling evidence supporting the role of the tongue microbiome in the enterosalivary nitrate-nitrite-NO pathway, this remains a relatively unexplored area of human-microbial mutualism and many important questions must be addressed].

Les auteurs américains [Houston, Texas] étudient les effets respectifs d’un bain de bouche antiseptique et du brossage de la langue sur le microbiome buccal (la flore bactérienne buccale) et la tension artérielle systolique.

27 sujets, 10 hommes et 17 femmes, âgés de 20 à plus de 50 ans, en bonne santé, non hypertendus, indemnes de toute pathologie buccale, sont recrutés au sein de l’Ecole dentaire de Houston [Houston School of Dentistry].

Pendant l’étude, les sujets continuent, sans les modifier, leurs habitudes hygiéniques buccales. Les rythmes du brossage des dents et du brossage de la langue ne sont pas changés. Ainsi 13 sujets recourent au brossage de la langue une fois par jour, 10 autres y recourent deux fois par jour, voire davantage.

Pendant 7 jours, deux fois par jour, une fois le matin, une fois le soir, ils procèdent à un rinçage de bouche durant 30 secondes avec 15 ml d’un produit antiseptique contenant 0.12 % de gluconate de chlorhexidine. La tension artérielle systolique de repos est vérifiée à J0, J7, J10 et J14.

La réponse tensionnelle systolique à la chlorhexidine apparaît «bimodale» [bimodal response].

- Chez 9 sujets, on constate une augmentation de la tension artérielle systolique supérieure à 5 mm Hg.

- Chez 4 autres, on observe, au contraire, une baisse de la tension artérielle systolique supérieure à 5 mm Hg

[[…] 13 subjects had changes in blood pressure > 5mm Hg in response to chlorhexidine; 9 subjects had an increase in resting blood pressure after treatment with chlorhexidine, while four had a decrease].

Aucune habitude hygiénique buccale (rythme du brossage des dents, brosse à dent électrique ou manuelle, utilisation d’un fil dentaire, fréquence des visites chez le dentiste, etc.) ne semble retentir sur la réponse tensionnelle systolique à la chlorhexidine, son importance ou son type, sauf l’une d’entre elles: la fréquence du brossage de la langue [No significant correlation were found for any demographic or oral hygiene data, except for tongue cleaning frequency]. Ainsi:

- chez les sujets qui ne se brossent la langue qu’une fois par jour et chez ceux qui ne pratiquent pas de brossage de langue, les bains de bouche à la chlorhexidine ont tendance, après 7 jours d’application, à diminuer la tension artérielle systolique.

- et chez ceux qui se brossent la langue deux fois par jour, voire davantage, les bains de bouche à la chlorhexidine ont tendance, au contraire, après 7 jours d’application, à augmenter la tension artérielle systolique

 [Subjects who cleaned their tongue twice or more per day as part of their normal oral hygiene were more likely to have an increase in systolic blood pressure during use of chlorhexidine for 1 week. Subjects who did not clean their tongue on a daily basis were more likely to have a decrease in systolic blood pressure].

Chez 6 sujets, les auteurs se livrent à une expérience complémentaire. Après un seul rinçage pendant 30 secondes de la cavité buccale avec une solution contenant 2% de chlorhexidine, ils observent, lors de prélèvements bactériens effectués au tiers postérieur de de la langue toutes les heures pendant les huit heures suivantes:

- 1) d’abord, à la sixième heure, une diminution du nombre des unités formant colonies [UFC], lequel est divisé par 10, puis, dans un deuxième temps, entre la sixième et la huitième heures, une nouvelle augmentation des UFC. Elles deviennent alors aussi nombreuses qu’avant l’utilisation de la chlorhexidine,

- 2) et, également entre la sixième et la huitième heures, un enrichissement significatif en bactéries nitratoréductrices.

[Chlorhexidine caused a significant reduction in bacterial viability, but this effect was only a 10-fold reduction, detectable 6h after treatment. The dynamics of recovery from chlorhexidine exposure are notable, in that there was a rapid recovery in viable counts between 6 and 8h, which corresponded with a significant increase in nitrate reduction to nitrite in the tongue samples].

Commentaire du blog

• Si elles sont intéressantes, ces constatations ne sont pas toutes faciles à expliquer.

• Quoi qu’il en soit, on remarque que le travail n’a porté que sur un nombre restreint de sujets. Il conviendrait qu’à l’avenir d’autres études similaires soient effectuées sur un nombre plus important de participants, de manière à vérifier si ces premiers résultats se confirment.

• Il arrive que le brossage de la langue soit recommandé pour lutter contre l’halitose, ou mauvaise haleine. En fait, le grattage n’ôte que le biofilm situé à la surface de la langue, les bactéries se reconstituant rapidement. A l’égard du brossage de la langue, les dentistes et stomatologistes expriment habituellement une réelle réticence.

• Lors de leur expérience complémentaire chez 6 sujets, les auteurs texans ont effectué les prélèvements bactériens, non dans la partie antérieure de la face supérieure de la langue (où a lieu le brossage) mais à la partie postérieure. C’est effectivement sur ce site postérieur que se trouve la réserve bactérienne. Les glandes de Von Ebner déversent leur sécrétion au fond de sillons interpapillaires situés au tiers postérieur de la langue. Libérant des bicarbonates, elles contribuent ainsi à augmenter le pH local. Les bactéries nitratoréductrices et productrices de nitrite qui siègent en abondance dans ces sillons sont, de la sorte, protégées de toute acidification du milieu, même transitoire. N’étant pas acidifiés, les nitrites salivaires présents dans les sillons ne peuvent être transformés en oxyde nitrique NO et peroxynitrite. La sécurité des micro-organismes nitratoréducteurs qui y siègent ne peut être menacée. On comprend dès lors qu’ils réapparaissent dans la cavité buccale 6 à 8 heures après rinçage à la chlorhexidine.

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