Nitrates après radiothérapie salivaire

Chen, C., Ren, F., Lu, T., Friis, T., He, T., Zhang, X. and Jian, Y. (2010) Involvement of salivary glands in regulating the human nitrate and nitrite levels. Archives of Oral Biology 55, 613-620.

(voir l'abstract ici)

Les ions nitrate NO3- sont connus pour être l’objet d’une circulation entéro-plasmatico-salivaire. Les glandes salivaires les extraient du plasma pour les faire passer activement, à plus forte concentration, dans leur produit de sécrétion, la salive. Avec 108 germes ml-1, la flore bactérienne buccale est suffisamment développée pour qu’une partie des ions nitrate NO3- salivaires soit alors transformée en ions nitrite NO2- salivaires.

Les auteurs (Université Sun Yat-sen, Guangzhou, Chine populaire; Kelvin Grove, Australie) étudient les répercussions de la radiothérapie sur la sécrétion salivaire active des ions nitrate.

Quinze patients (14 hommes, 1 femme), de 43 ans d’âge moyen, atteints de carcinome du nasopharynx [NPC] de stade III-IVb, reçoivent en guise de traitement 5 séances par semaine de radiothérapie locale pendant 6 semaines. L’irradiation englobe les glandes salivaires. Au terme des 30 séances, la dose totale atteint les soixante grays.

Les auteurs constatent que l’irradiation des glandes salivaires diminue nettement le flux salivaire total. Evalué, en moyenne, à 3.9 ml toutes les 10 minutes avant traitement, il est réduit, respectivement, après 10, 20 et 30 séances de radiothérapie, à 1.7, 1.3 et 1.1 ml toutes les 10 minutes. En d’autres termes, les 30 séances de radiothérapie font baisser la sécrétion salivaire de plus de 70%; elle passe de 560 à 160 ml par jour.

L’irradiation des glandes salivaires a également des répercussions sur la sécrétion active des ions nitrate, qui baisse progressivement. En moyenne, avant l’irradiation puis au terme des 30 séances, les taux salivaires en nitrates NO3- sont, respectivement, de 69 et 20 mg NO3- l-1, leurs taux sériques, respectivement, de 8.0 et 3.0 mg NO3- l-1. Après irradiation salivaire, les taux de nitrates salivaires et sériques diminuent donc, respectivement, de 71% et 64%.

L’évolution des taux salivaires en nitrites NO2- semble s’effectuer d’une façon relativement indépendante de celle des taux salivaires en nitrates. En effet, les taux salivaires en nitrites sont de 8 mg NO2- l-1 avant traitement, puis, respectivement, après 10, 20 et 30 séances de radiothérapie, de 26, 4 et 6 mg NO2- l-1.

Le flux salivaire en ions nitrate NO3- [flux salivaire total x concentration en ions nitrate] diminue ainsi de plus de 90% après l’irradiation des glandes salivaires. On aurait pu s’attendre à ce qu’un tel ralentissement du cycle entérosalivaire des nitrates se traduise par une élévation concomitante de leur taux sérique [We hypothesised that if active nitrate secretion was attenuated, either by complete salivary gland ablation or iatrogenically by radiation, there would be a corresponding rise in serum nitrate levels, however, this was not the case]. Le phénomène constaté est, en fait, inverse.

Comme la baisse des taux sériques en ions nitrate NO3- après irradiation salivaire n’est pas consécutive à une accentuation de leur excrétion urinaire, celle-ci diminuant, en réalité, de 52%, la raison exacte du phénomène enregistré reste à expliquer [The exact mechanism still remains unknown […], a mechanism which is worthy of further investigation].

On aurait pu s’attendre aussi à ce que l’irradiation de la cavité buccale ait des répercussions négatives sur la population bactérienne, et qu’en résultent une moindre réduction des nitrates en nitrites salivaires, voire même une disparition des nitrites salivaires. Tel n’est pas non plus le cas. Après les dix premières séances de traitement, les taux salivaires en nitrites augmentent même nettement.

On sait que la réduction bactérienne des nitrates en nitrites salivaires a lieu, pour une bonne part, dans les profonds sillons interpapillaires du tiers postérieur de la langue, où les bactéries abondent. La face dorsale de la langue n’ayant pas été particulièrement ciblée par la radiothérapie [The lingual dorsum is not the radiation target volume of NPC patients and the cumulative radiation dose to this area was kept to a minimum in our cohort], le nombre des bactéries y est, vraisemblablement, resté suffisamment important pour que la réduction des nitrates salivaires en nitrites salivaires continue à y être assurée.

Commentaire du blog

Dans cette étude, les fortes teneurs salivaires et sériques en nitrates, observées avant traitement, peuvent surprendre. Avant traitement, elles sont, ici, évaluées, en moyenne et respectivement, à 69 et 8 mg NO3- l-1, alors qu’habituellement, dans les autres études, chez le sujet sain à jeun, on les évalue autour de 5 à 9 et de 1 à 3 mg NO3- l-1. Le contexte inflammatoire lié au carcinome du nasopharynx pourrait être l’explication. L’inflammation de la sphère nasopharyngienne pourrait, par la voie de la NO synthase, avoir fortement stimulé la synthèse endogène des ions nitrate NO3-.

Après les trente séances de radiothérapie salivaire, et l’administration de 30 grays, le taux sérique en NO3- est évalué, en moyenne, chez les patients, à 3.0 mg l-1, ce qui fait qu’il revient à peu près à la normale. Outre son action anti-tumorale, la radiothérapie est connue pour exercer des effets anti-inflammatoires. On pourrait donc supposer, dans le même ordre d’idées, que la diminution du taux sérique en nitrate enregistrée après traitement par les auteurs ait été, en fait, consécutive à l’effet anti-inflammatoire des rayonnements ionisants.  

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