Nitrates et bactéries intestinales

Tiso, M. and Schechter, A.N. (2015) Nitrate reduction to nitrite, nitric oxide and ammonia by gut bacteria under physiological conditions. PLoS One, DOI:10.1371/journal.pone.0119712

(voir le texte entier ici)

Les auteurs américains [Laboratoire de Médecine Moléculaire, National Institutes of Health, Bethesda, Maryland] effectuent une évaluation quantitative de la formation in vitro

- de nitrite NO2-,

- d’oxyde nitrique NO

- et d’ammonium NH4+

dans des cultures bactériennes d’Escherichia coli, de Lactobacillus et de Bifidobacterium, lorsque celles-ci sont soumises à différentes concentrations de nitrate de sodium NaNO3 et à différents niveaux d’oxygénation.

Apparition d’ions nitrite NO2- et d’ions ammonium NH4+

▪ Cultures d’Escherichia coli et de Lactobacillus plantarum

Lorsque, très faible (2 % d’O2), la concentration en oxygène in vitro est comparable à celle qui caractérise in vivo l’intérieur du tractus gastro-intestinal, la mise en contact de la culture bactérienne avec des nitrates, à des concentrations supérieurs à 62 mg NO3- l-1, sous forme de nitrate de sodium, se traduit par l’apparition à la fois d’ions nitrite NO2- et d’ions ammonium NH4+. Ils s’accumulent dans le milieu de culture.

L’étude des courbes des concentrations en fonction du temps suggère que l’ion nitrate NO3- est converti d’abord en ion nitrite NO2-, puis, dans un deuxième temps, en ion ammonium NH4[Time-course curves suggest that nitrate is first converted to nitrite and subsequently to ammonia].

▪ Cultures de Lactobacillus rhamnosus, de Lactobacillus acidophilus et de Bifidobacterium longum infantis

Contrairement à celles d’Escherichia coli et de Lactobacillus plantarum, les cultures de Lactobacillus rhamnosus, de Lactobacillus acidophilus et de Bifidobacterium longum infantis ne donnent lieu, en présence de nitrate, qu’à des productions mineures de nitrite et d’ammonium.

Apparition d’oxyde nitrique NO

▪ Cultures de Lactobacillus plantarum, Lactobacillus rhamnosus,  Lactobacillus acidophilus et  Bifidobacterium longum infantis

Aux cultures de bactéries lactiques l’adjonction d’ions nitrite NO2- donne lieu à l’apparition d’oxyde nitrique NO sous forme de gaz, indépendamment de tout apport éventuel et concomitant d’ions nitrate. Après avoir mesuré les concentrations d’acide lactique, les auteurs concluent que la production d’acide lactique par les bactéries lactiques provoque, in vitro, une acidification du milieu suffisante pour que l’ion l’ion nitrite NO2- se convertisse en oxyde nitrique NO [We concluded that lactic acid bacteria production of lactic acid causes sufficient medium acidification to induce the chemical nitrite conversion to NO […]].

▪ Cultures d’Escherichia coli

Par contre, aux cultures d’Escherichia coli l’adjonction d’ions nitrite NO2- donne lieu à l’apparition d’oxyde nitrique NO, même à pH neutre, autour de 6.5. Le processus est considéré comme de nature enzymatique [[…] Instead this process in E. coli is enzymatic and occurs around pH 6.5].

Les auteurs rappellent que les ions nitrate NO3- d’origine alimentaire sont encore décrits, par certains, comme de possibles éléments toxiques alors que les preuves de leurs effets bénéfiques, tant cardiovasculaires qu’immuns et gastro-intestinaux, par l’intermédiaire de leur transformation en oxyde nitrique NO, ne font que s’accumuler [Dietary nitrate and nitrite are still pictured as possible toxic substances in many studies despite the mounting evidence that NO production from these ions has important beneficial implications for cardiovascular, immune and gastrointestinal functions]. Le champ d’investigation est large et les auteurs concluent que la véritable signification biologique de la conversion des nitrates alimentaires dans la lumière intestinale reste à élucider [The biological significance of the conversion of dietary nitrates at the intestinal lumen remains to be elucidated].

Commentaire du blog

En s’appuyant sur un travail ancien, celui de Bartholomew et Hill (1984), les auteurs américains croient pouvoir écrire qu’environ un tiers des nitrates alimentaires ingérés parviennent dans le gros intestin [In healthy individuals dietary nitrate is usually well absorbed in the upper intestinal tract, however a considerable fraction of the daily nitrate intake (about 1/3) was found to reach the lower intestine while only 1% of it is recovered in the feces (Bartholomew and Hill, 1984)].

En réalité, l’étude fort intéressante des auteurs anglais [B. and H.] a été effectuée à partir de liquides d’iléostomie prélevés chez des sujets ayant subi une colectomie. De façon très ingénieuse, elle a, au contraire, montré que ce sont moins de 2% des nitrates ingérés qui parviennent au gros intestin [[…] We were able to assay nitrate and nitrite in ileostomy fluid taken from the ileostomy bag (25 patients) or directly from the stoma (ten patients). In none of these patients did the daily loss of nitrate plus nitrite in ileostomy fluid exceed 2 mg (or 2 % of the estimated daily intake of nitrate). In fluid taken directly from the stoma, the proportion of nitrate already reduced to nitrite was lower than that in fluid taken from the ileostomy bag].

L’absence quasi complète dans la lumière colique de nitrates d’origine directement alimentaire est importante à considérer. Ainsi, en pratique, chez le nourrisson âgé de moins de 6 mois, les nitrates du biberon ne peuvent être transformés directement en nitrites dans le gros intestin. De ce fait après une ingestion nitratée, quelles que soient les doses de nitrate ingérées, le nourrisson reste à l’abri du risque méthémoglobinémique.

Par contre, si le biberon est bactériologiquement contaminé (˃ 106 germes ml-1), les nitrates présents dans le biberon peuvent, en partie ou en totalité, être transformés en nitrite. Ingérant alors directement des nitrites, le nourrisson est exposé au risque méthémoglobinémique.

Des travaux, certes anciens (Witter et coll., 1979; Thayer et coll., 1982), ont montré l’existence, chez le rat, d’un passage direct des nitrates du plasma vers le côlon. Il ne serait pas impossible que, chez l’homme, à l’instar des ions potassium et bicarbonate, les ions nitrate NO3- soient l’objet, à partir du plasma, d’une sécrétion active colique. Après avoir disparu de l’intestin grêle, les nitrates réapparaîtraient dans la lumière colique, après un passage par la circulation sanguine. De nouvelles études sur le sujet seraient les bienvenues.

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