Les nitrates alimentaires: nouvelle arme contre l’hypertension artérielle pulmonaire

Baliga, R.S., Milsom, A.B., Ghosh, S.M., Trinder, S.L., MacAllister, R.J., Ahluwalia, A. and Hobbs, A.J. (2012) Dietary nitrate ameliorates pulmonary hypertension: cytoprotective role for endothelial nitric oxide synthase and xanthine oxidoreductase. Circulation 125, 2922-2932.

( voir l'abstract ici)

Maladie multifactorielle d’évolution progressive, l’hypertension artérielle pulmonaire se caractérise par une élévation anormale de la  pression sanguine au niveau des artères pulmonaires, d’où résulte une tendance à l’insuffisance ventriculaire droite.

Par le biais d’une réduction d’activité de la guanylate cyclase soluble (sGC) et d’un déficit de production de guanosine-3’,5’-monophosphate (cGMP), un déficit en oxyde nitrique NO dans la circulation cardio-pulmonaire joue un rôle pathogène. Des traitements palliant le déficit comme des inhalations d’oxyde nitrique NO [Cf. rubrique du 25 janvier 2012], des activateurs de la guanylate cyclase soluble (sGC) ou des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (le sildénafil [ViagraR] notamment), font preuve, dans l’affection, d’une efficacité reconnue [Therapeutic approaches that supplement NO-dependent signaling, including NO inhalation, sGC activators and PDEi, are clinically effective in patients with the disease].

On sait que les nitrates NO3- et nitrites NO2- alimentaires sont une importante source d’oxyde nitrique NO, l’activité de la voie métabolique Nitrate-Nitrite-NO étant optimale en condition d’hypoxie et d’acidose. On a maintenant tendance à considérer que ce sont les nitrates contenus dans les fruits et légumes qui sont à l’origine de leurs effets cardioprotecteurs [Recently, it has emerged that the NO metabolites, nitrite (NO2-) and nitrate (NO3-), can be chemically reduced in vivo to biologically active NO, a phenomenon that occurs optimally under conditions of hypoxia and acidosis […] Indeed, ingestion of inorganic nitrate may underlie the cardioprotective phenotype of a diet rich in fruits and vegetables].

Il est donc logique de chercher à vérifier, comme le font dans cette étude les auteurs britanniques [William Harvey Research Institute de Londres], si, dans la mesure où ils contribuent à augmenter les concentrations plasmatiques en nitrite NO2-, les apports alimentaires en nitrate NO3- peuvent exercer, chez la souris, un effet préventif à l’égard de l’hypertension artérielle pulmonaire expérimentale, à l’égard tout spécialement de l’hypertension artérielle pulmonaire expérimentale induite par l’hypoxie.

Parmi les souris soumises dans cette expérience à l’hypoxie (10% d’O2), certaines reçoivent une eau de boisson non additionnée de nitrite ou de nitrate (souris «témoins»); d’autres reçoivent une eau de boisson additionnée:

- soit de nitrite, à la concentration de 27 mg NO2- l-1,

- soit de nitrate, aux concentrations de 930 et  2790 mg NO3- l-1.

L’étude dure 3 semaines. Pendant les 3 semaines, les souris dont l’eau de boisson a été modifiée reçoivent ainsi, selon le groupe auquel elles appartiennent, en moyenne et respectivement, 4.3 mg de NO2- par kg et par jour, 155 mg et 431 mg de NO3- par kg et par jour.

Chez les souris «témoins», après 3 semaines d’hypoxie, la pression systolique du ventricule droit est augmentée. Elle passe, en moyenne, de 21 à 38 mm Hg.

Chez les souris soumises, conjointement à l’hypoxie, à un apport de nitrite (27 mg NO2- l-1) ou de nitrate (930 mg NO3- l-1 et 2790 mg NO3- l-1), la pression systolique du ventricule droit est trouvée, à la fin des 3 semaines, moins élevée qu’elle ne l’est chez les souris «témoins». Elle est, en moyenne et respectivement, de 30, 33 et 25 mm Hg.

Chez les souris «témoins», les 3 semaines d’hypoxie augmentent nettement le pourcentage des artères pulmonaires muscularisées, qui passe de 18 à 76%. Chez les souris recevant pendant 3 semaines, conjointement à l’hypoxie, un apport de nitrite (27 mg NO2- l-1) ou de nitrate (930 mg NO3- l-1 et 2790 mg NO3- l-1), le pourcentage des artères pulmonaires muscularisées est moins augmenté. Il est évalué, respectivement, à 52, 48 et 38%.

Chez les souris «témoins», les 3 semaines d’hypoxie sont à l’origine d’un épaississement de la paroi des vaisseaux pulmonaires. L’épaisseur de la paroi vasculaire passe ainsi, en moyenne, de 3.8 à 7.7 microns. Chez les souris recevant pendant 3 semaines, conjointement à l’hypoxie, un apport de nitrite (27 mg NO2- l-1) ou de nitrate (930 mg NO3- l-1 et 2790 mg NO3- l-1), l’épaisseur des parois vasculaires pulmonaires est moins augmentée. Elle est évaluée, en moyenne et respectivement, à 6.2, 4.4 et 4.3 microns.

Comme cette étude le démontre, les apports alimentaires en nitrate, dans une moindre mesure les apports alimentaires en nitrite, ont un effet nettement favorable sur l’hypertension artérielle pulmonaire expérimentale.

Les auteurs observent que cet effet est moins prononcé chez les souris qui manquent de NO synthase endothéliale [eNOS] ou chez celles qui sont traitées par un inhibiteur de la xanthine oxydoréductase, tel l’allopurinol. On en déduit que, dans le mécanisme mis en jeu, ces deux enzymes, la NO synthase endothéliale [eNOS] et la xanthine oxydoréductase, interviennent d’une certaine manière, l’une et l’autre, dans la conversion de l’ion nitrite NO2- en NO.

En définitive, selon les auteurs britanniques, en matière d’hypertension artérielle pulmonaire, la supplémentation orale en nitrate et en nitrite trouve désormais sa place dans l’arsenal thérapeutique.

Reste cependant la question de la dose la plus appropriée en nitrate et nitrite alimentaire. Certes, les 155 mg et 431 mg de NO3- par kg et par jour, reçus par les souris de l’expérience, dépassent de beaucoup, lorsqu’ils sont rapportés au poids de l’être humain, les 1200 mg de NO3- prescrits, par exemple, dans la «DASH study» [Dietary Approaches to Stop Hypertension]. Mais, comme le font remarquer les auteurs britanniques, les concentrations plasmatiques en nitrite des animaux, vérifiées après 3 semaines d’apport en nitrite (27 mg NO2- l-1) ou 3 semaines d’apport en nitrate (930 mg NO3- l-1 et 2790 mg NO3- l-1), sont, en moyenne et respectivement, de 64, 70 et 85 μg NO2- l-1. Elles restent voisines de celles de l’homme après une ingestion de jus de betterave.

Considérant que les anions nitrate NO3- et nitrite NO2- ont, peut-être, une élimination plus rapide chez la souris que chez l’homme, les auteurs britanniques conseillent, finalement, à tous ceux qui seraient intéressés par la nouvelle approche thérapeutique de considérer davantage les concentrations plasmatiques en nitrite obtenues que les doses absolues de nitrate, ou de nitrite, ingérées [This difference between rodents and humans in terms of nitrite/nitrate handling may reflect a faster elimination of both anions in mice, resulting in comparatively lower plasma levels for any given dose consumed. It is therefore important to focus on achievable plasma nitrite levels, which correlate closely with hemodynamic activity, rather than absolute dose per se].

Commentaire du blog

La notion d’une élimination plus rapide chez la souris que chez l’homme des ions nitrate et nitrite n’a jamais, jusqu’ici, été rapportée. Le fait mériterait d’être vérifié.

L’étude expérimentale montre chez la souris, sous l’effet des nitrates ou des nitrites alimentaires, une diminution d’épaisseur des artères pulmonaires. Elle est à rapprocher de l’étude de Shuval et Gruener (1977), qui montrait, chez le rat, sous l’effet des nitrates ou des nitrites ingérés au long cours, une diminution d’épaisseur des artères coronaires [rubriques du 17 avril et du 25 octobre 2011].

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