Ions nitrate NO3- versus nitrates dits organiques

Omar, S.A., Artime, E. and Webb, A.J. (2012) A comparison of organic and inorganic nitrates/nitrites. Nitric Oxide 26, 229-240

(voir l'abstract ici)

De nos jours, dans le milieu médical, le mot “nitrates” n’est quasiment utilisé que pour parler des nitrates «organiques», en l’occurrence du trinitrate de glycérol, [TrinitrineR] et de ses produits dérivés.

Dans le même milieu médical, de nos jours, le mot «nitrites» n’est employé, semble-t-il, que dans trois circonstances:

- assez souvent, en cas de  recherche diagnostique d’une infection des voies urinaires,

- beaucoup plus rarement, pour nommer l’antidote, le nitrite de sodium, auquel il est fait appel pour traiter l’intoxication au cyanure,

- enfin, dans un tout autre registre, pour parler d’un «poppers», le nitrite d’amyle.

Pourtant, les connaissances au sujet des nitrates et nitrites inorganiques s’accumulent. Les auteurs [King’s College London British Heart Foundation Centre, Royaume-Uni] se proposent ici de comparer les nitrates et nitrites inorganiques aux nitrates et nitrites organiques.

Bien que les uns et les autres voient leurs effets cardiovasculaires s’exercer par l’intermédiaire de la libération d’oxyde nitrique NO, ils se distinguent par d’importantes différences [Although both organic and inorganic nitrates/nitrites mediate their principal effects via nitric oxide, there are many important differences].

De structure complexe, les nitrates/nitrites organiques sont, à l’exception du nitrite d’éthyle, des produits de synthèse [With the exception of ethyl nitrite, they are all medicinally synthesised products]. A l’inverse, de structure ionique, les nitrates/nitrites inorganiques [NO3-/NO2-] sont l’objet, à la fois, d’une synthèse endogène et d’un apport exogène, alimentaire.

N’étant pas soumis à une circulation entérosalivaire, les nitrates organiques peuvent être à l’origine de vasodilatations aiguës [Organic nitrates have potent acute effect causing vasodilatation]. A l’inverse, les nitrates inorganiques [NO3-] empruntent la très particulière circulation entérosalivaire qui les fait passer du plasma vers la salive. Un tel circuit des ions nitrate [NO3-] d’origine alimentaire évite les brusques variations des taux plasmatiques en nitrite, et prolonge les effets obtenus.

L’utilisation chronique des nitrates organiques est limitée par l’apparition de phénomènes de dysfonction endothéliale et de tolérance. Le phénomène de tolérance aux nitrates organiques donne lieu à une diminution à la longue des effets pharmacologiques. Son mécanisme n’est pas encore complètement élucidé [The mechanism accounting for nitrate tolerance is a complex phenomenon which is not fully understood]. A l’inverse, les nitrates et les nitrites inorganiques [NO3-/NO2-] peuvent exercer des effets bénéfiques en cas de dysfonction endothéliale, sans donner lieu aux phénomènes de tolérance [Inorganic nitrate/nitrite may compensate for diminished endothelial function, and tolerance has not been reported].

L’utilisation chronique des nitrates organiques peut augmenter les lésions d’ischémie-reperfusion. A l’inverse, les nitrates/nitrites inorganiques [NO3-/NO2-] exercent, dans ce cadre, d’importants effets cytoprotecteurs [While inorganic nitrate/nitrite has important cytoprotective effects against ischaemia-reperfusion injury, continuous use of organic nitrates may increase injury].

A la suite des travaux de Magee et Barnes (1956), faisant état, chez le rat, d’une augmentation de fréquence du cancer du foie sous l’effet d’une nitrosamine, la diméthylnitrosamine, on a pu, à cette époque, craindre que les nitrates et nitrites inorganiques aient des effets cancérigènes similaires. En réalité, la crainte n’a pas été confirmée. Le Comité d’Experts sur les Additifs Alimentaires de l’OMS et de la FAO [JECFA], le "World Cancer Research Fund" [WCRF] au Royaume-Uni, l'"American Institute for Cancer Research" [AICR] aux Etats-Unis l’ont reconnu [The Joint FAO/WHO Expert Committe on Food Additives reviewed all the available evidence, but failed to establish a definitive link between nitrate intake and risk of developing cancer. Futhermore, the World Cancer Research Fund/American Institute of Cancer Research found no evidence linking ingestion of vegetables which are known to be high in nitrate with the development of cancer].

Il est vraisemblable qu’en matière thérapeutique les nitrates organiques continuent encore longtemps à avoir la prédominance. Mais à l’avenir, il se pourrait que la prise en considération de leurs limites thérapeutiques couplée à celle des nombreux effets bénéfiques des nitrates et nitrites inorganiques [NO3-/NO2-] amène à faire jouer également à ces derniers un rôle de choix en pratique clinique [Organic nitrates are likely to continue to dominate the therapeutic arena, however, the increasing recognition of their limitations, and ongoing discovery of beneficial effects and specific therapeutic advantages of inorganic nitrate/nitrite over organic compounds is likely to result in a greater role for inorganic nitrate/nitrite in the future].

En réalité, les nitrates et nitrites inorganiques [NO3-/NO2-] apportés par l’alimentation ont déjà acquis une place nullement négligeable en matière de prévention cardiovasculaire. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir des effets favorables en ce domaine des régimes riches en légumes, tels les régimes méditerranéen et japonais, ou encore des effets hypotenseurs constatés lors de l’étude DASH [Dietary Approaches to Stop Hypertension].

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