Effet anti-inflammatoire des nitrates alimentaires

Jädert, C., Petersson, J., Massena, S., Ahl, D., Grazenspart, L., Holm, L., Lundberg, J.O. and Phillipson, M. (2012) Decreased leukocyte recruitment by inorganic nitrate and nitrite in microvascular inflammation and NSAID-induced intestinal injury. Free Radical Biology and Medicine 52, 683-692

(voir l'abstract ici)

Le recrutement des polynucléaires circulants en direction des sites concernés constitue un évènement clé du phénomène inflammatoire. L’interaction entre le polynucléaire neutrophile et la cellule endothéliale est alors assurée par des molécules d’adhésion.

On sait que l’oxyde nitrique NO, généré par la NO synthase endothéliale [eNOS], exerce un effet anti-inflammatoire, en partie parce qu’il contribue à diminuer ce recrutement leucocytaire.

Chez le mammifère, qu’ils soient d’origine endogène ou exogène, les ions nitrite NO2- et nitrate NO3- se comportent comme des précurseurs de NO. Il était donc tout à fait logique, comme le font ici les auteurs de cet article [Karolinska Institute, Stockholm, Suède] de vérifier si, chez la souris, des injections intraveineuses de nitrite NO2-, ou des apports alimentaires supplémentaires en nitrate NO3-, sont à même d’exercer des effets sur le recrutement leucocytaire, dans le cadre d’une inflammation microvasculaire comme dans celui d’une agression tissulaire iléale induite par les anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS].

Chez la souris mâle, les auteurs étudient l’interaction cellulaire leucocyte-cellule endothéliale en examinant, en microscopie intravitale, les veinules crémastériennes postcapillaires.

Par rapport aux animaux témoins, une perfusion préalable de 1.3 mg kg-1 de nitrite NO2-, sous forme de bolus, diminue notablement l’adhésion et la migration leucocytaires, 60 et 90 minutes après l’induction d’une inflammation par la MIP 2 [Macrophage Inflammatory Protein 2]. Cette perfusion préalable de nitrite les réduit de 50 à 70 %.

De même, l’ingestion préalable de nitrate NO3- pendant 7 jours diminue le recrutement leucocytaire. Dans cette seconde expérience, les souris consomment, préalablement à l’induction de l’inflammation par le MIP 2, une eau de boisson enrichie en nitrate, contenant 850 mg NO3- l-1. La dose correspond approximativement à celle, pour l’homme, de légumes riches en nitrate […which resembles a high intake of nitrate-containing vegetables in humans]. Il se trouve que, dans ce cas, l’adhésion leucocytaire n’est pas réellement modifiée. La migration leucocytaire s’en trouve, par contre, réduite de 70%.

Chez la souris, dans une autre expérience présentée par les auteurs, l’ingestion de nitrate pendant 7 jours, par l’intermédiaire d’une eau de boisson contenant 850 mg NO3- l-1, précède une étude du tissu iléal après administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien, le diclofénac [VoltarèneR]. Les auteurs observent que l’augmentation du taux de myéloperoxydase [MPO], témoin de l’infiltration leucocytaire du tissu iléal induite par le diclofénac, est notablement réduite par l’ingestion préalable de nitrate. En moyenne, le taux intra-iléal de myéloperoxydase est de 3 μg/g chez les animaux témoins, de 0.5 μg/g chez les animaux ayant bénéficié de l’apport alimentaire en nitrate.

De manière à savoir si cette diminution de la migration leucocytaire chez la souris ayant reçu les nitrates alimentaires retentit sur sa réponse immunitaire antibactérienne, les auteurs injectent sur le dos de dix souris, par voie sous-cutanée, 106 bactéries bioluminescentes [Staphylococcus aureus]. Grâce à une imagerie en bioluminescence [IVIS], la clearance bactérienne est ensuite étudiée 0.75, 2.5, 5, 12 et 24 heures plus tard, puis toutes les 24 heures pendant 14 jours. Tous les animaux sont en mesure de combattre efficacement l’infection expérimentale en moins de 14 jours. Aucune différence n’est observée, à cet égard, entre les animaux témoins (n=5) et ceux qui ont préalablement ingéré les nitrates alimentaires (n=5) [All animals were able to completely clear the infection within a 2-week period and there was no difference in the ability to fight the infection between the groups].

Ces données amènent à penser qu’ingérés pendant plusieurs jours à dose relativement élevée, les nitrates alimentaires sont en mesure de réduire l’importance de certains phénomènes inflammatoires endogènes sans que cette action anti-inflammatoire ne se traduise, en fait, par une augmentation du risque infectieux [These data indicate that nitrate-induced suppression of the immune system could be useful for endogenous inflammatory processes without unwanted side effects such as increased risk for infections].

Commentaire du blog

Il est vraisemblable que les prochaines années verront d’autres études porter sur ce sujet. A supposer qu’elles viennent confirmer l’action anti-inflammatoire des nitrates alimentaires, resteront-elles alors cantonnées dans le domaine de l’expérimentation animale ou mettront-elles, également, en évidence des effets anti-inflammatoires cliniquement perceptibles chez l’homme?

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