N° 200: La triste fin de William Ellison

Pour sa 200ème rubrique, le blog Nitrates et Santé propose à ses lecteurs un récit historique, celui de la triste fin de William Ellison.

L’ion nitrate fut alors jugé devant les tribunaux. Comme on le verra, en ce milieu de dix-neuvième siècle, il fait déjà office de «bouc émissaire».

Anon. (1844) Death from an over-dose of nitrate of potass. Provincial Medical and Surgical Journal 8, 260-261

(Voir l'article entier ici)

Au temps de la reine Victoria et de sir Robert Peel, le Provincial Medical and Surgical Journal relate la triste histoire de William Ellison.

Originaire de Runcorn, ce manoeuvre de 60 ans vivait dans d’assez pauvres conditions [very indigent circumstances]. De robuste apparence, il était en relative bonne santé et ne souffrait, que d’un léger scorbut oculaire [a slight touch of scurvy […] which afffected his eyes]. Sur les conseils d’une femme, qui, dans un cas analogue, en avait vérifié l’efficacité, il se rendit chez le pharmacien [druggist] pour que celui-ci lui prépare une composition appropriée. Dans une bouteille d’eau de 426 ml [three-gill bottle], l’assistant ajouta ainsi 28.35 grammes de soufre [one ounce of sulphur], 56.7 grammes de salpêtre, ou nitrate de potassium [two ounces of saltpetre] et 14.17 grammes de crème de tartre (sel monopotassique d’acide tartrique KC4H5O6) [half an ounce of cream of tartar].

D’après ses voisins, l’un des matins suivants, l’homme dut se rendre plusieurs fois, en courant, aux cabinets. Par discrétion, aucun d’entre eux ne jugea bon d’intervenir. A 11 h 30, un gémissement se fit entendre. L’homme sortit des toilettes, en mauvais état [apparently very ill]. A 13 heures, il y retourna. Comme une demi-heure plus tard, il n’en était pas ressorti, les voisins se concertèrent et décidèrent d’aller voir. L’homme était accroupi dans un coin, décédé [crouched down in one corner quite dead].

Donnant son point de vue lors du jugement qui se tint en 1844 à Manchester, Mr John Rayner, chirurgien [surgeon] fit un rapprochement entre l’ingestion de la préparation pharmaceutique et le décès. L’homme avait avalé dix drachmes, soit 32.4 grammes, environ de salpêtre. Selon l’expert, la mort de William Ellison était due à une overdose de salpêtre, qui avait provoqué une inflammation des muqueuses gastrique et intestinale [which has produced inflammation of the mucous membrane of the stomach and bowels]. Le jury rendit son verdict: «Mort à la suite d’une overdose de salpêtre, prise imprudemment» [«died from an overdose of saltpetre incautiously taken»]. L’assistant du pharmacien eut droit à une réprimande pour avoir vendu au patient une préparation sans lui avoir préalablement fourni des informations sur les propriétés des ingrédients.

Commentaire du blog

Cet homme était prétendument atteint de scorbut à manifestations oculaires. Le diagnostic est douteux.

L’ingestion de 32.4 grammes de salpêtre, ou nitrate de potassium, correspond à l’ingestion de près de 20 grammes de nitrate NO3-. Une telle dose est absolument inhabituelle. Lors des études expérimentales, les doses les plus importantes qui aient pu être administrées par voie orale avoisinent les 8 grammes de nitrate. A douze volontaires âgés de 20 à 27 ans, Ellen et coll. (1982) donnèrent de 5.4 à 8.1 grammes de nitrate NO3-, par voie orale, sous forme de nitrate d’ammonium. Un sujet présenta un vomissement à la 20ème minute, un autre un épisode diarrhéique à la 7ème heure, les dix autres n’eurent aucun trouble.

Dans ces conditions, malgré la dose, il paraît peu vraisemblable que le nitrate de potassium soit réellement à l’origine des violents troubles digestifs de William Ellison.

Par contre, quand on sait que le syndrome neurodigestif aigu du sulfocarbonisme professionnel est constitué de vomissements, de gastralgies violentes, de diarrhée, de délire et de céphalées intenses, c’est bien la toxicité du soufre qu’il est légitime ici d’évoquer.

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