Nitrate des eaux de puits et sensation de bien-être

Zeman, C., Beltz, L., Linda, M., Maddux, J., Depken, D., Orr, J. and Theran, P. (2011) New questions and insights into nitrate/nitrite and human health effects: a retrospective cohort study of private well users’ immunological and wellness status. Journal of Environmental Health 74, 8 – 18

(voir l'abstract ici)

Les auteurs américains [Etat de l’Iowa, USA] présentent une étude de cohorte rétrospective. Les sujets participant à l’étude sont au nombre de 150. Leur âge est compris entre 1 et 60 ans. On dénombre 42% de sujets de sexe masculin, 58% de sexe féminin. Leur particularité est de tous consommer une eau de puits privé.

Les concentrations en nitrate NO3- dans les eaux de puits utilisées sont, en moyenne, de 17.3 mg NO3- l-1. Elles sont considérées comme faibles quand elles sont inférieures à 4.43 mg NO3- l-1, moyennes quand elles sont comprises entre 4.43 et 22.15 mg NO3- l-1 et élevées quand elles sont comprises entre 22.15 et 46.5 mg NO3- l-1.

Les auteurs adressent aux sujets un questionnaire de 10 pages portant sur leur état de santé, par exemple sur leur éventuelle tendance diarrhéique et leur passé médical, et portant aussi sur leurs apports, actuels et passés, en nitrate [The interview involved answering a 10-page questionnaire consisting of a health status survey (including diarrheal disease history, general health history, medication history) and dietary nitrate intake/nitrate exposure history].

Chez 138 d’entre eux, ils vérifient, dans le sang, le taux de méthémoglobine.

Puis ils se proposent de vérifier s’il existe des corrélations entre les teneurs en nitrates des eaux de puits et les données cliniques et biologiques. Selon cette étude, les sujets dont la teneur en nitrate de l’eau de puits est élevée ont, statistiquement, un indice de masse corporelle plus élevée, un indice d’activité plus faible, une impression plus fréquente d’avoir une moins bonne santé et une impression plus fréquente de plus grande sensibilité aux maladies [Positive associations existed (bivariate fit) between higher nitrate exposure and body mass index, lower recreational activity, perceived poorer health, and perceptions of susceptibility to illness]. De même, ils se plaignent plus souvent de difficultés gastro-intestinales et de troubles osseux, musculaires et nerveux [Complaints of stomach/intestinal difficulties and bone, muscle, and nerve complaints were found with increasing nitrate exposure].

Le taux de méthémoglobine s’échelonne entre 0 et 1.65 %, avec une moyenne de 0.57 %. Selon l’étude, un lien statistique serait observé entre la quantité de nitrate ingérée et le taux de méthémoglobine [A directly proportionate relationship was seen between methemoglobin level in the blood and nitrate ingestion].

Les auteurs sont conscients des faiblesses de leur travail, car il ne prend pas en compte, par exemple, l’ingestion de nitrate par l’intermédiaire des légumes [For example, it is known that a large portion of the nitrate exposure in an adult’s diet comes from vegetable consumption […] Our study in and of itself is not conclusive nor exhaustive about health factors related to nitrate ingestion].

Commentaire du blog

La qualité de ce travail est défectueuse. Les biais méthodologiques sont multiples.

1) Pour quelle raison avoir étudié les nitrates de l’eau de puits, et non les nitrates de l’eau d’adduction publique? 2) Comment être certain que, sur le long terme, les sujets ont exclusivement consommé l’eau de puits, à l’exclusion de toute eau d’adduction publique? 3) Pourquoi laisser entendre que certaines concentrations en nitrate des eaux de puits sont élevées? Dans la mesure où elles ne dépassent jamais 46.5 mg NO3- l-1, elles sont toujours inférieures à la limite réglementaire de 50 mg NO3- l-1, édictée en 1980 par le Conseil des Communautés européennes 4) Peut-on prétendre que les teneurs en nitrate des eaux de puits soient restées stables au fil des jours, des mois et des années? 5) Les auteurs reconnaissent qu’ils n’ont pas pris en compte les apports en nitrate provenant des légumes, ce qui est, bien sûr, regrettable puisque les légumes sont, dans leur ensemble, particulièrement riches en nitrate et fournissent 80 % des apports exogènes en nitrate. Mais, en outre, ils omettent de signaler l’existence de la voie de la L-arginine ou de la NO synthase, c’est-à-dire la synthèse endogène des nitrates, et de la prendre en compte. La synthèse endogène des nitrates est diminuée chez le fumeur, l’obèse, l’hypertendu et le diabétique, augmentée à l’occasion des activités physiques et sportives. 6) Comment attacher du crédit aux données fournies par un questionnaire de 10 pages aux questions si imprécises? Comment répondre correctement à des questions sur l’humeur, celle-ci étant, bien sûr, changeante? Quelle valeur scientifique accorder à des impressions d’être en bonne ou mauvaise santé, d’être plus ou moins sensible qu’autrui aux maladies? Comment peut-on réunir en un seul item tous les troubles osseux, musculaires et nerveux signalés par les sujets? 7) Quelle valeur attribuer aux calculs statistiques, quand les données brutes issues du questionnaire ne sont pas fournies? Pourquoi souligner, en le reprenant dans l’abstract, un lien statistique entre les ingestions en nitrate et le taux de méthémoglobine alors que ce dernier, toujours inférieur à 1.65 %, reste en permanence en-deçà de la limite supérieure de la normale, à savoir 2%?

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