Activité enzymatique de la nitrate-réductase dans la cavité buccale

Ahmed, K., A., Nichols, A.L., Honavar, J., Dransfield, M.T., Matalon, S. and Patel, R.P. (2017) Measuring nitrate reductase activity from human and rodent tongues. Nitric Oxide 66, 62-70

(voir l'abstract ici)

La circulation entérosalivaire des nitrates, incluant une réduction dans la salive des nitrates en nitrites, est maintenant connue pour constituer un élément-clé de l’homéostasie, orale et systémique, en oxyde nitrique [The enterosalivary nitrate reduction system has emerged as a key player in oral and systemic NO-homeostasis].

On l’étudie d’habitude:

- soit en procédant à des apports alimentaires en nitrate,

- soit en procédant à une diminution du nombre des bactéries intrabuccales, après bain de bouche antiseptique.

Peu d’études ont porté directement, chez l’homme comme chez l’animal, sur l’activité enzymatique de la nitrate-réductase en milieu intrabuccal. C’est ce que se proposent de faire les auteurs américains [Birmingham, Université d’Alabama, Etats-Unis].

Leur technique consiste à effectuer des prélèvements par écouvillonnage à la surface de la langue, à les mettre en contact, à 37°C, avec des concentrations variables de nitrate de sodium Na NO3, puis à mesurer 40 minutes plus tard la formation de nitrite NO2-.

Ils font les observations suivantes:

1) Chez l’homme, conformément aux données déjà connues, la formation de nitrite NO2- est 3 à 4 fois plus importante lorsque le prélèvement est effectué au tiers postérieur de la langue que lorsqu’il est effectué à son tiers antérieur [We compared nitrate reductase activity from scrapes collected from the front third and back third of the tongue. […] Nitrite formation was 3-4 fold greater in posterior tongue scrapes consistent with previous studies showing that nitrate reductase activity is concentrated in the posterior compartment].

2) La différence enregistrée entre les tiers postérieur et antérieur de la langue reflète simplement le nombre des bactéries, plus important à l’arrière. La différence disparaît après égalisation quantitative des populations bactériennes [The difference is due to the number of bacteria, as no difference in nitrate-reduction was observed after normalizing to CFU].

3) Chez la souris, l’administration locale à la partie postérieure de la langue d’un agent antiseptique tel que la chlorhexidine diminue le nombre de bactéries au moment du prélèvement, mais celui-ci n’est plus diminué après 18 heures de culture, l’activité de la nitrate-réductase restant, par contre, inhibée à plus de 90%. A titre d’hypothèse, les auteurs envisagent que la chlorhexidine contribue électivement à diminuer le nombre de bactéries réductrices de nitrate, ou à les empêcher de croître en culture [The effects of chlorhexidine administration locally to the posterior tongue […] Interestingly, this decreased bacterial number at the time of collection, but did not affect bacterial number after 18h culturing. Despite the similar numbers, nitrate-reductase activity was inhibited by > 90% however. This suggests that nitrate-reductase expressing bacteria were less abundant and/or less able to grow in culture after chlorhexidine exposure compared to other bacteria].

4) Chez l’homme, l’usage du tabac retentit nettement sur l’activité de la nitrate-réductase intrabuccale. Chez le fumeur en effet, alors même que la population bactérienne est plus importante, l’activité de la nitrate-réductase est diminuée d’environ 70 %. Comparativement à ce qu’on observe chez le non-fumeur, l’activité de la nitrate-réductase intrabuccale rapportée au nombre de bactéries présentes est ainsi chez le fumeur diminuée d’environ 90 % [Nitrate reductase activity in smokers was decreased ~70 %, whereas bacterial number was higher. Nitrate reductase activity per CFU was almost 90 % lower in smokers compared to non-smokers].

5) Un phénomène analogue est constaté chez la souris après une exposition de 30 minutes au brome (600 ppm). Le nombre de bactéries intrabuccales n’est pas modifié, mais l’activité de la nitrate réductase intrabuccale est trouvée diminuée de plus de 70 % [Nitrate reductase activity was inhibited by > 70 %, despite similar levels of bacteria]

Les auteurs américains attirent ainsi particulièrement l’attention sur le cas du fumeur. Chez lui, une diminution d’activité de la nitrate-réductase intrabuccale pourrait constituer une explication, au moins partielle, de sa moindre biodisponibilité en oxyde nitrique NO [We present these data to […] speculate that lower nitrate reductase activity may underlie, in part, decreased NO-bioavailability in smokers].

Commentaire du blog

L’effet néfaste du tabac sur le métabolisme des nitrates passerait également par une action inhibitrice, de nature compétitive, de l’ion thiocyanate SCN- sur la sécrétion active des nitrates dans la salive [Cf. rubrique du 17 mars 2017].

Le tiers postérieur de la langue est le siège de profonds sillons interpapillaires au fond desquels les glandes de von Ebner libèrent une sécrétion bicarbonatée, protégeant les bactéries de l’acidification du milieu. D’où l’abondance des bactéries au fond des sillons [Cf. rubrique du 31 août 2010].

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