Carpentier, A., Stragier, S., Bréjeon, C. and Poortmans, J.R. (2015) Nitrate supplementation, exercise, and kidney function: are there detrimental effects? Medicine and Science in Sports and Exercise 47, 1519-1522 (voir l'abstract ici)
Poortmans, J.R., Gualano, B. and Carpentier, A. (2015) Nitrate supplementation and human exercise performance: too much of a good thing? Current Opinion in Clinical Nutrition and Metabolic Care 18, 599-604 (voir l'abstract ici)
Gilchrist, M. and Benjamin, N. (2015) Potential benefit of inorganic nitrate in acute kidney injury and renal cell cancer. Medicine and Science in Sports and Exercise 47, 1543 (voir la référence ici)
Les auteurs belges [Université libre de Belgique, Bruxelles] présentent une étude effectuée chez 13 hommes jeunes, étudiants, âgés en moyenne de 22 ans.
Pendant 7 jours, les sujets reçoivent, chaque jour:
- soit un placebo
- soit une supplémentation de 276 mg de nitrate NO3-, sous forme de nitrate de potassium KNO3.
Le 7ème jour, ils effectuent, sur cyclo-ergomètre, un effort de 20 minutes à 85 % de la consommation maximale d’oxygène.
Des prélèvements veineux et urinaires sont effectués avant et après l’effort. Les auteurs mesurent les teneurs sériques et urinaires en albumine, en créatinine et en urée. La clearance de l’albumine sert d’évaluation indirecte de la perméabilité de la membrane glomérulaire. Les clearances de la créatinine et de l’urée servent au calcul du débit de filtration glomérulaire et à celui de la réabsorption tubulaire [Albumin clearance (Cl-Alb) is used as an indirect evaluation of glomerular membrane permeability, whereas creatinine clearance (Cl-Crn) and urea clearance (Cl-urea) are utilized as indirect calculation of glomerular filtration rates (GFR) and kidney tubular uptake].
Les résultats de l’étude sont négatifs. Avant et après l’effort, aucune différence n’est réellement observée entre les sujets qui reçoivent pendant 7 jours le placebo et ceux qui pendant 7 jours reçoivent la supplémentation en nitrate [These results mainly indicate that dietary nitrate supplementation over a week does not induce any specific kidney function modifications either at rest or during sustained submaximal exercise as compared wwith placebo].
Dans l’article, une phrase de l’introduction retient l’attention. Prenant en compte certaines publications, les auteurs écrivent que des consommations élevées en nitrate et en nitrite sont, chez l’homme, associées à un risque accru de carcinome rénal [Ward et coll., 2007] et à un risque accru d’insuffisance rénale aiguë [Mian, 2011] [Moreover, a few publications pointed out that nitrate and nitrite excess exposure is associated with increased risk of renal cell sarcoma (Ward et al., 2007) and acute kidney injury (Mian et al., 2011)].
Les premier et dernier auteurs de l’article reprennent d’ailleurs, mot pour mot, l’assertion dans un autre papier, qu’ils signent avec un auteur brésilien [Université de Sao Paulo] [Moreover, a few publications pointed out that nitrate and nitrite excess exposure is associated with an increased risk of renal cell carcinoma (Ward et al., 2007) and acute kidney injury (Mian et al., 2011)].
L’assertion fait réagir deux auteurs britanniques, Mark Gilchrist et Nigel Benjamin, qui rédigent une lettre à l’intention du rédacteur en chef de la revue Medicine and Science in Sports and Exercise.
1) A propos de l’affirmation concernant l’augmentation supposée du risque de carcinome rénal.
En réalité, les auteurs américains [Ward et coll.] cités en référence concluaient leur travail en disant qu’aucune augmentation du risque de carcinome rénal n’était liée aux apports alimentaires en nitrate. Par contre, chez les sujets à la fois forts consommateurs de nitrate et forts consommateurs de viande rouge le risque apparaissait majoré [There was no association of renal cell carcinoma with the average nitrate level and years using public supplies >5 and >10 mg/l nitrate-nitrogen (10+ years >5 mg/l odds ratio (OR) = 1.03, 95% confidence interval (CI) 0.66, 1.60). However, higher nitrate exposure was associated with an increased risk among subgroups with above the median red meat intake (10+ years >5 mg/l OR = 1.91, 95% CI 1.04-3.51) or below the median vitamin C intake (10+ years >5 mg/l OR = 1.90, 95% CI 1.01, 3.56), dietary factors that increase the endogenous formation of NOC].
Gilchrist et Benjamin font remarquer que la consommation de viande n’a aucune interférence avec le métabolisme des nitrates et leur circulation entérosalivare. De plus, une étude de 1998 a montré, à l’inverse, une importante diminution du risque de carcinome rénal chez des sujets soumis à de forts apports en nitrate NO3- par l’intermédiaire de fortes consommations en légumes verts et légumes crucifères [Yuan et coll., 1998] [Given that vegetables are the largest source of nitrate in the diet and what is known about the enterosalivary circulation of nitrate and nitrite, meat is an inappropriate proxy for nitrate and nitrite exposure. It is also noteworthy that where high nitrate intake would be obtained through consumption of green leafy and cruciferous vegetables, there is profound reduction in renal cell cancer].
2) A propos de l’affirmation concernant l’augmentation supposée du risque d’insuffisance rénale aiguë
En réalité, chez des enfants atteints d’insuffisance rénale aiguë, les auteurs américains [Mian et coll.] cités en référence avaient noté que l’excrétion rénale de nitrate NO3- était diminuée. Aucun travail, aucune publication n’a jamais montré que les apports en nitrate ou en nitrite aient, de quelque manière que ce soit, été associés à l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë [The referenced article by Mian’s group shows that in a pediatric population with acute kidney injury, urinary nitrate excretion is reduced. There are no published data to support the claim that nitrate or nitrite exposure is associated with acute kidney injury].
Commentaire du blog
En présence d’erreurs trop manifestes, des scientifiques réagissent. Voilà qui est réconfortant.