Les nitrites volatils des «poppers»

McCabe, A., McCann, B. and Kelly, P. (2012) Pop goes the O2: a case of popper-induced methaemoglobinaemia. BMJ Case Reports; doi:10.1136:bcr-2012-007176

(voir l'abstract ici)

Les auteurs irlandais rapportent le cas d’un homme âgé de 39 ans adressé aux urgences hospitalières en raison d’une chute dans le cadre d’une forte intoxication alcoolique.

Agité, le patient se plaint de céphalées. Il est apyrétique (36°7). Sa tension artérielle est normale (135/87). L’alcoolisme est connu pour être ancien.

On note deux faits inattendus:

- Les lèvres du patient sont cyanosées [He had blue discoloration to his lips]

- Alors qu’il est sous oxygénothérapie, sa saturation en oxygène n’est que de 86% [His oxygen saturation was 86%, despite being administered 100% oxygen through a non-rebreather mask].

Aucune obstruction des voies aériennes n’est observée. Le scanner crânien ne détecte aucune lésion cérébrale aiguë.

La cyanose et la faible saturation en oxygène sont expliquées par les gaz du sang artériel. Il existe, en effet, une élévation du taux de méthémoglobine. Celui-ci est évalué à 14%.

A titre thérapeutique, les médecins ajoutent à l’oxygénothérapie l’administration de 10 ml de bleu de méthylène à 1%.

L’évolution est régressive. Comme les gaz du sang vérifiés ultérieurement permettent de le vérifier, le taux de méthémoglobine redevient normal: 0.8%.

Interrogé à distance de son épisode ébrieux, le patient reconnaît avoir utilisé illégalement, la nuit antérieure, des «poppers», ainsi d’ailleurs que, précédemment, de la cocaïne [This time, he admitted to use illegal poppers the night before and use of cocaine in the past].

Les auteurs rappellent que le taux normal de méthémoglobine est compris entre 0 et 2%.

La méthémoglobinémie est rarement consécutive à des anomalies congénitales de l’hémoglobine. Chez l’adulte, elle est généralement acquise et secondaire à l’effet oxydant de substances exogènes tels divers anesthésiques locaux (lignocaïne, prilocaïne), la dapsone, les sulfonamides ou la phénacétine [In a acute presentation, methaemoglobinaemia is generally acquired, secondary to the oxidising effects of exogenous substances including local anaesthetic agents (lignocaine, prilocaine), dapsone, sulphonamides and phenacetin].

Les principaux agents à usage récréatif en cause dans l’apparition des méthémoglobinémies de l’adulte sont

- les nitrites volatils présents dans les «poppers»,

- ainsi que la cocaïne, lorsque celle-ci est frelatée, du fait de l’adjonction d’anesthésiques locaux ou de phénacétine

[The primary recreational agents which cause methaemoglobinaemia are volatile nitrite (poppers) and cocaine which have been adulterated with agents such as local anaesthetics or phenacetin].

On sait que, depuis les années 1970, les nitrites volatils (notamment les nitrites d’isopropyle, d’isobutyle, de butyle et d’amyle) sont utilisés de manière croissante dans un but récréatif, du fait de leurs effets vasodilatateurs. Ils sont connus dans le public sous le nom de «poppers». Comme ils induisent un relâchement du sphincter anal, ils ont tendance à être spécialement utilisés dans le milieu homosexuel [In particular, their use is prevalent among men who have sex with men as they act as anal sphincter relaxant and heighten sexual experiences].

Le bleu de méthylène, ou chlorure de méthylthioninium, s’administre par voie intraveineuse, en une durée de 5 minutes, à la dose de 1 à 2 mg kg-1. Comme donneur d’électrons, le chlorure de méthylthioninium réduit efficacement le Fe3+ de la méthémoglobine en Fe2+ de l’hémoglobine. L’amélioration clinique survient habituellement en moins d’une heure. Dans les cas sévères, l’administration de bleu de méthylène doit cependant être répétée.

Commentaire du blog

Rappelons que dans les tout premiers mois de l’existence, l’activité de la méthémoglobine-réductase est limitée, environ deux fois plus faible que celle de l’adulte. Le nourrisson est ainsi tout particulièrement exposé au risque de méthémoglobinémie induite par les nitrites. Chez le nourrisson, une méthémoglobinémie peut apparaître après l’ingestion d’un biberon préparé avec une eau de puits riche en nitrite NO2-, c’est-à-dire après l’ingestion d’une eau de puits contenant à la fois des ions nitrate NO3- et une très forte pullulation bactérienne [>106 germes ml-1].

Par contre, jamais une seule méthémoglobinémie du nourrisson, même bénigne, n’a pu être scientifiquement attribuée à l’ingestion d’un biberon préparé avec une eau d’adduction publique, quelle qu’ait pu être, par ailleurs, sa concentration en nitrate. L’eau d’adduction publique est, en effet, toujours bactériologiquement contrôlée [<102 germes ml-1]. Les nitrates du biberon ne peuvent, alors, être transformés en nitrite (Cf. rubriques du 7, 11 et 14 mai 2010).

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