Aspirine et nitrate alimentaire

McCarty, M.F. (2013) Dietary nitrate and reductive polyphenols may potentiate the vascular benefit and alleviate the ulcerative risk of low-dose aspirin. Medical Hypotheses 80, 186-190

(voir l'abstract ici)

Publiée par la société Elsevier, la revue “Medical Hypotheses” se considère elle-même comme un «forum». Elle permet à des auteurs de présenter leurs idées personnelles, en matière de médecine ou en matière de sciences apparentées.

L’auteur de l’article est directeur d’une entreprise américaine «Nutriguard Research», spécialisée dans la nutrition [Encinitias, Californie].

Il fait remarquer que l’administration d’aspirine à faible dose réduit significativement le risque thrombotique. Chez les sujets exposés, elle diminue les risques d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’ischémie cérébrale transitoire [Low-dose aspirine administration has been demonstrated to significantly and quite cost-effectively decrease risk for thrombotic episodes (MI, stroke, TIAs) in at-risk subjects]. L’effet est dû à une inhibition permanente de la cyclooxygénase plaquettaire, source elle-même de thromboxane, dont on sait l’action agrégante.

Il est possible que, prescrite pendant une période de 20 ans, l’administration d’aspirine à faible dose finisse également par diminuer de 20% la mortalité par cancer [Moreover, recent meta-analyses examining long-term health outcomes in subjects who participated in controlled trials of daily low-dose aspirin, have concluded that those randomized to receive aspirin were 20% less likely to have died from cancer in the 20 years following their trial entry].

Même à faible dose, la prescription d’aspirine a, cependant, des inconvénients. Elle peut notamment endommager la muqueuse gastroduodénale, et accentuer le risque d’hémorragie gastro-intestinale [However, oral aspirin, even in low doses, has a propensity to damage the gastroduodenal mucosa and increase risk for gastrointestinal bleeding].

Dans ce contexte, on pense à la prescription concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons, susceptibles d’atténuer le risque hémorragique. Cependant, les inhibiteurs de la pompe à protons ne sont pas non plus, eux-mêmes, dénués d’effets indésirables. On n’oserait affirmer que leur utilisation à grande échelle puisse être vraiment recommandée [However, proton pump inhibitors are not devoid of risks of their own, and it would be of questionable wisdom and practicality to put a high proportion of the adult population on these drugs].

On sait que l’impact de l’oxyde nitrique NO sur la muqueuse gastro-intestinale est similaire à celui des prostaglandines. Le NO provoque une vasodilatation de la microcirculation locale, et majore les capacités de résistance de la muqueuse gastrique aux agressions. Il stimule de même la production de mucus [Nitric oxide [NO] has an impact on the gastrointestinal mucosa similar to that of prostaglandins –it boots mucosal blood flow, stimulates mucus production […]].

Que ce soit de lui-même ou par l’intermédiaire des S-nitrosothiols, l’oxyde nitrique NO exerce, en outre, un effet anti-agrégant plaquettaire. L’effet fait intervenir, en partie et non en totalité, la guanosine monophosphate cyclique (cGMP) [It is well known that NO, either per se or as spontaneously generated S-nitrosothiols, exerts physiologicla anti-aggregatory and anti-adhesive effects that are partially though not wholly mediated by cGMP].

Via leur circulation entérosalivaire, les apports alimentaires en nitrate NO3- fournissent régulièrement des nitrites salivaires, et du NO intragastrique [Salivary nitrite is notably increased by a nitrate-rich diet, as a portion of absorbed nitrate is secreted in saliva and reduced to nitrite by commnensal oral bacteria]. Il se pourrait que la transformation dans l’estomac des nitrites en oxyde nitrique NO soit elle-même accentuée par la consommation d’un certain nombre de polyphénols à groupement catéchol, tels la catéchine, la quercétine, l’acide chlorogénique, l’acide caféique, l’oleuropéine, la cyanidine et les procyanidines, ces substances étant présentes dans le thé, le café, le cacao brut, le vin rouge, le jus de raisin, la pomme, l’olive et des baies diverses [Commonly occurring compounds with this property include (epi)catechin […], quercetin, chlorogenic acid, caffeic acid, oleuropein, cyanidin, and procyanidins, which are supplied by foods and drinks such as tea, coffee, raw cocoa, red wine, grapes, apples, berries, olives, and a host of others].

Dans ces conditions, aux yeux de l’auteur, lorsqu’un traitement au long cours par aspirine doit être prescrit, il apparaît logique de proposer qu’on lui associe désormais un régime riche en nitrate, ou encore un régimes riche, à la fois, en nitrate et en polyphénols [It is therefore straightforward to propose that low-dose aspirin regimens may be notably safer in individuals ingesting nitrate-rich diets – particularly if these diets are also rich in catechol-bearing polyphenols].

De telles supplémentations alimentaires auraient le double mérite de renforcer la sécurité vasculaire et de diminuer le risque d’ulcère digestif [Hence, diets rich in nitrate and reductive polyphenols have the potential to amplify the vascular-protective benefits of low-dose aspirin, while diminishing its pro-ulcerative risk].

L’auteur imagine la fabrication, à l’avenir, de gélules qui comprendraient à la fois du potassium de nitrate et un polyphénol, par exemple la quercitine. Les patients les ingéreraient au cours des repas, plusieurs fois par jour [One very simple way to implement this idea would to produce a capsule featuring both potassium nitrate and an appropriate polyphenol – such as quercitin – that could be taken with meals several times daily].

Commentaire du blog

En réalité, les effets indésirables des inhibiteurs de la pompe à protons, tel l’oméprazole (MopralR ou ZoltumR), sont généralement bénins et réversibles. Diarrhée, constipation, flatulences, douleurs abdominales, céphalées sont les troubles les plus fréquemment signalés.

Comme l’indique le nom de la revue dans laquelle l’article est publié, l’auteur ne fait que livrer ici une hypothèse. L’intérêt de la supplémentation alimentaire à base de nitrate lors du traitement par aspirine au long cours reste théorique. Il sera intéressant d’en vérifier le bien-fondé en pratique.

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