Calcium, nitrate, cancer du rectum

Chang, C.-C., Chen, C.-C., Wu, D.C. and Yang C.-Y. (2010) Nitrates in drinking water and the risk of death from rectal cancer: Does hardness in drinking water matter? Journal of Toxicology and Environmental Health, Part A, 73, 1337-1347.

(voir l'abstract ici)

En 1998, Yang et Chiu, de l’Université Médicale de Kaohsiung (Taiwan), constataient un lien entre le taux de calcium dans l’eau de boisson et l’incidence du cancer du rectum. La mortalité par cancer du rectum leur apparaissait plus importante à la suite d’une consommation d’eau de boisson pauvre en calcium, contenant moins de 22 mg par litre de calcium, qu’à la suite d’une consommation d’eau de boisson plus riche en calcium, contenant entre 22 et 40.8 mg par litre de calcium (odd ratio: 0.72), ou contenant plus de 40.9 mg par litre de calcium (odd ratio: 0.63).

Sept études ont, par ailleurs, cherché à vérifier l’existence éventuelle d’un lien entre le taux de nitrate dans l’eau de boisson et l’incidence du cancer du rectum: Geleperin et coll, 1976; Jensen, 1982; Morales Suarez-Varela et coll., 1995; Weyer et coll., 2001; Gulis et coll., 2002; De Roos et coll., 2003; McElroy et coll., 2008. Seule l’étude de Gulis et coll. (2002) a conclu à des liens positifs. L’étude de Weyer et coll. (2001) a, au contraire, conclu à des liens négatifs. Les cinq autres n’ont détecté aucun lien statistiquement significatif.

Une équipe de scientifiques de la même Université Médicale de Kaohsiung propose un nouveau travail. Ils cherchent à étudier, dans leur pays, les effets conjoints de ces teneurs en calcium et en nitrate dans l’eau de consommation sur la mortalité par cancer du rectum. Consultant le «Taiwan Bureau of Vital Statistics of the Taiwan Provincial Department of Health», ils recensent 1838 décès par cancer du rectum, entre 2003 et 2007, chez des sujets d’âge compris entre 50 et 69 ans, puis comparent ces patients à 1838 autres sujets d’un groupe contrôle, décédés d’autres affections. Consultant les données de la «Taiwan Water Supply Corporation», ils obtiennent des informations sur les teneurs moyennes annuelles en calcium et en nitrates des eaux fournies par les diverses municipalités de résidence en 1990.

Le rôle des faibles taux de calcium dans l’eau de boisson est, à nouveau, constaté: 46.9% des sujets du groupe des cancers du rectum versus 49.6% des sujets du groupe contrôle consommaient, en 1990, une eau de boisson dont la teneur en calcium était supérieure à 34.7 mg l-1.

Un rôle des teneurs en nitrate dans l’eau de boisson est également décrit. Si l’on compare les sujets dont la teneur en nitrates de l’eau de boisson en 1990, était inférieure à 1.68 mg NO3- l-1 à ceux dont la teneur en nitrates de l’eau de boisson, cette même année de 1990, était supérieure à 1.68 mg NO3- l-1, on observe que ces derniers développent, entre 2003 et 2007, une mortalité accrue par cancer du rectum (odd ratio: 1.15).

Conjugués, les deux phénomènes s’additionnent. Par comparaison avec la mortalité par cancer du rectum des sujets dont les teneurs en calcium et en nitrate de l’eau de boisson étaient, respectivement, en 1990, supérieure à 34.7 et inférieure à 1.68 mg l-1, la mortalité par cancer du rectum, entre 2003 et 2007, des sujets dont les teneurs en calcium et en nitrate de l’eau de boisson étaient, respectivement, en 1990, inférieure à 34.7 et supérieure à 1.68 mg l-1 est encore plus fortement accrue (odd ratio: 1.3).

L’étude comporte un certain nombre de limites méthodologiques, reconnues par les auteurs: 1) Les teneurs en nitrates de l’eau de consommation retenues pour l’analyse statistique sont uniquement celles de 1990. 2) Il est possible, ou vraisemblable, qu’entre 1990 et 2007 un pourcentage non négligeable de la population se soit déplacé d’une municipalité à une autre. 3) Il existe d’autres apports exogènes en nitrates; ils n’ont pas été pris en compte [There is unfortunately no information available for assessing the dietary nitrate sources from vegetables and meat for individual study subjects in this study]. 4) Le dépistage du cancer par le corps médical constitue un moyen de prévention tout à fait efficace de l’affection cancéreuse; l’étude n’a pas récolté d’information à ce sujet [Unfortunately, there is no information on the prevalence of screening utilization […] and therefore it could not be adjusted for directly in the analysis].

Commentaire du blog

La synthèse endogène des nitrates par la voie de la NO synthase, que l’on sait majorée par l’activité physique ou sportive, n’est pas évoquée.

Dans leur ensemble,  les teneurs en nitrate des eaux de consommation de Taiwan sont très basses. Près de 55% des eaux distribuées par les municipalités en 1990 ont des teneurs inférieures à 1.68 mg NO3- l-1. La concentration maximale admissible en nitrates des eaux de consommation, retenue, par exemple, depuis 1980, par le Conseil des Communautés européennes, est de 50 mg NO3- l-1. Il n'est pas sûr que la comparaison, dans cette étude, de sujets dont le taux de nitrates dans l’eau de consommation est inférieure à 1.68 mg NO3- l-1 à d’autres dont le taux de nitrates dans l’eau de consommation est supérieure à 1.68 mg NO3- l-1 soit des plus pertinentes.  

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