Eaux de puits en Indonésie et risque de méthémoglobinémie

Sadler, R., Maetam, B., Edokpolo, B., Connell, D., Yu, J., Stewart, D., Park, M.-J., Gray, D. and Laksono, B. (2016) Health risk assessment for exposure to nitrate in drinking water from village wells in Semarang, Indonesia. Environmental Pollution 216, 738-745

(voir l'abstract ici)

Les auteurs australiens [Griffith University, Nathan et Southbank, Australie] et indonésien [Semarang, Indonésie] mesurent en avril 2014 les teneurs en nitrate NO3- de l’eau de 52 puits indonésiens, situés dans la région de Semarang, dans la partie centrale de l’île de Java [Indonésie].

Ils confrontent les résultats obtenus avec les règles administratives en cours. En fonction des instances décisionnelles, les valeurs maximales édictées pour les nitrates NO3- de l’eau de boisson par différentes organisations nationales ou internationales sont les suivantes:

Organisation

Référence

Description

Nitrate NO3- mg l-1

Organisation Mondiale de la Santé (OMS

WHO, 2011

Valeur guide

50

Australian Drinking Water Guideline (NHMRC)

National Health and Medical Research Council, 2016

Recommended Acceptance Level

100

United States Environmental Protection Agency (USEPA)

USEPA, 2015

Teneur maximale autorisée

46

Union européenne (UE)

Conseil de l’Union européenne, 1998

Standard de l’eau de boisson

50

Health Canada (HC)

HC, 2014

Valeur guide

45

Nouvelle-Zélande (NZ)

Ministry of Health, 2008

Teneur maximale autorisée sur une courte période

50

L’Indonésie n’a pas fixé de limite réglementaire particulière pour les nitrates dans l’eau de boisson. Elle utilise la valeur guide édictée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Dans cette étude, les teneurs en nitrate des eaux de puits analysées s’échelonnent entre 0.01 et 84 mg NO3- l-1, avec une moyenne de 20 mg NO3- l-1. Seuls 2 échantillons ont une teneur en nitrate NO3- excédant la valeur guide de 50 mg NO3- l-1, fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour prévenir la méthémoglobinémie du nourrisson [Concentrations of nitrate levels in drinking water from wells had a range of 0.01-84 mg/L, a mean of 20 mg/L and a median of 14 mg/L[…] Only two of the 52 samples exceeded the World Health Organisation guideline values of 50 mg/L for infant methemoglobinemia].

Les auteurs en concluent que, dans l’ensemble, dans cette région centrale de l’île de Java, la teneur en nitrate NO3- des eaux de puits ne fait courir aux nourrissons qu’un faible risque de méthémoglobinémie, le risque pouvant cependant être majoré avec certains puits [These indicated a low risk of infant methemoglobinemia for the whole population, but some risk for the sensitive portion of the population].

Commentaire du blog

On voit que l’erreur est mondiale.

Les uns après les autres, l’Organisation Mondiale de la Santé, les Etats-Unis, le Canada, l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ont fixé une teneur maximale de nitrate dans l’eau de boisson de manière à prévenir le risque de méthémoglobinémie du nourrisson, sans tenir compte de l’origine de l’eau de boisson.

Aucun risque de méthémoglobinémie du nourrisson n’existe, en réalité, avec l’eau d’adduction publique, quelle que soit sa teneur en nitrate NO3-. L’eau d’adduction publique est, en effet, toujours bactériologiquement contrôlée. Elle contient toujours moins de 102 germes ml-1. Dans de telles conditions, la population bactérienne étant inférieure à 106 germes ml-1, les nitrates NO3- contenus dans le biberon ne peuvent pas être transformés en nitrite NO2-. Le risque de méthémoglobinémie du nourrisson est nul.

Il peut en aller différemment lorsque le biberon du nourrisson est préparé avec une eau de puits.

- Si, bactériologiquement, l’eau de puits est relativement correcte (nombre de germes < 106 germes ml-1), quelle qu’en soit la teneur en nitrate NO3- l’enfant ne court aucun risque de méthémoglobinémie.

- Si, par contre, l’eau de puits, «sordide», est l’objet d’une forte contamination bactériologique (nombre de germes > 106 germes ml-1), les ions nitrate NO3- du biberon, même en faible concentration, peuvent alors être transformés dans le biberon en ions nitrite NO2-. Ingérant ces ions nitrite NO2-, le nourrisson se trouve exposé au risque méthémoglobinémique.

Sous l’influence des directives administratives, les auteurs australiens et indonésien n’ont pas intégré ces notions scientifiques de base. On regrette qu’ils n’aient pas procédé dans les eaux de puits analysées à des mesures simultanées de l’importance des populations bactériennes, ainsi qu’à des mesures des concentrations en nitrite NO2-. Seules ces mesures complémentaires leur auraient permis d’évaluer précisément le risque de méthémoglobinémie que les eaux des 52 puits analysés font réellement courir aux nourrissons indonésiens.

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