Nitrate: la communauté scientifique prise deux fois à contre-pied

Lundberg, J.O., Gladwin, M.T. and Weitzberg, E. (2015) Strategies to increase nitric oxide signalling in cardiovascular disease. Nature Reviews Drug Discovery 14, 623-641

(voir l'abstract ici)

Ecrit par trois sommités scientifiques en la matière [Karolika Institute, Stockholm, Suède; Université de Pittsburgh, Pennsylvanie, USA] et consacré à la place de l’oxyde nitrique NO en physiologie et thérapeutique cardiovasculaires, l’article est réellement excellent.

Son plan est le suivant:

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1 La génération de NO

- Les NO synthases

- La voie métabolique Nitrate-Nitrite-NO

2 La signalisation physiologique du NO

3 La signalisation paracrine et endocrine du NO

4 Etat redox et résistance au NO

5 Protection cardiovasculaire apportée par le NO

6 Manières d’augmenter la signalisation du NO au cours des maladies cardiovasculaires

- Apport exogène de NO

- Inhalation de NO

- Médicaments hybrides

- Nitrite inorganique

- Nitrate inorganique

- Acides gras nitratés

- Augmentation de la synthèse endogène de NO

- L-arginine

- L-citrulline

- Tétrahydrobioptérine [BH4]

- Inhibition de l’arginase

- Inhibition des inhibiteurs des NO synthases

- Autres médicaments qui activent la NO synthase endothéliale [eNOS]

- Statines

- Corticostéroïdes

- Antagonistes de β-adrénocepteurs de seconde génération

- Prévention de la décomposition du NO

- Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et bloqueurs du récepteur AT1

- La famille des NOX

- Stimulation des voies métaboliques

- Inhibiteurs de la phosphodiestérase [PDE]

- Stimulateurs et activateurs de la guanylyl cyclase

- Augmentation des taux circulants d’oxyde nitrique provoquée par les régimes et l’exercice

- Polyphénols

- Ethanol

- Exercice

7 Résumé et perspectives d’avenir

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Il mériterait d’être lu dans sa totalité. Notre rubrique se contentera de rapporter les développements consacrés aux ions nitrate NO3-.

Les nitrates inorganiques NO3- sont présents chaque jour dans notre nourriture. Leur concentration est importante dans les légumes verts, la betterave et d’autres végétaux.

Le point de vue de la communauté scientifique à l’égard des ions nitrate NO3- est passé par trois phases successives:

1) Au cours des années 1970, on posa d’abord en postulat que les nitrates alimentaires étaient susceptibles de favoriser l’apparition de cancers, vu leur transformation métabolique en nitrosamines. Mais plus de 40 ans de recherche extensive n’ont pas permis de confirmer qu’il existait, chez l’homme, un quelconque lien entre les nitrates alimentaires et les cancers [In the 1970s, it was postulated that dietary nitrate would be carcinogenic owing to in vivo metabolism resulting in the formation of nitrosamines, a versatile class of carcinogens. However, despite extensive research over more than 40 years attempting to establish a link between dietary nitrate and cancer in humans, there is still no convincing evidence for this].

2) Au cours des années 1980, la façon de considérer les ions nitrate NO3- se modifia. La découverte de la voie métabolique L-arginine-NO apportait, en effet, la notion que les nitrates pouvaient être l’objet d’une synthèse endogène, après oxydation de l’oxyde nitrique NO. Mais comme on les pensait dépourvus de toute activité biologique, les nitrates NO3- et les nitrites NO2- furent alors conçus uniquement comme des marqueurs utiles de la formation de NO [In the 1980s, with the discovery of the L-arginine-nitric oxide (NO) pathway, interest in nitrate shifted, as it was found to be formed endogenously following NO oxidation. Nitrate and nitrite became useful markers of NO formation, but they were thought to have no bioactivity whatsoever].

3) Au cours des années 1990, la découverte d’une autre voie métabolique faite d’une réduction des nitrates en nitrites suivie d’une réduction des nitrites en NO fut une nouvelle surprise. Les équipes de recherche voulurent alors savoir si les nitrates alimentaires pouvaient avoir des effets «NO-like». Et effectivement, les études l’ont maintenant bien établi, un apport alimentaire en nitrates, tel qu’un régime normal en fournit, exerce de nombreux effets bénéfiques cardiovasculaires: par exemple une réduction de la tension artérielle, une augmentation de l’efficacité mitochondriale, une inhibition de l’agrégation plaquettaire, une amélioration de la fonction endothéliale et une mobilisation de cellules angiogéniques circulantes [Surprisingly, in the 1990s, a reverse pathway was discovered, in which nitrate was serially reduced in vivo to nitrite and finally back to NO. This triggered interest in studying whether dietary nitrate could have NO-like effects. Indeed, it has now been convincingly shown that nitrate, in amounts readily achievable in individuals with a normal diet, has multiple effects on the cardiovascular system, including a reduction in blood pressure, an increase in mitochondrial efficiency, inhibition of platelet aggregation, improvements in endothelial function and mobilization of circulating angiogenic cells].

Récemment, en 2015, une étude clinique de phase II a montré que, chez les patients hypertendus comme chez les sujets dont la tension artérielle est normale, un apport de nitrate sous forme de 250 ml par jour de jus de betterave fait baisser la tension artérielle systolique en moyenne de 8 mmHg, l’effet se prolongeant pendant les 4 semaines de l’expérience [Cf. rubrique du 1er février 2015].

Si toutes les études continuent à confirmer ainsi le rôle majeur des ions nitrates NO3-, le point de vue de nos contemporains le voyant comme un composant indésirable de l’alimentation est destiné à être, à la fin, abandonné. Il conviendra, au contraire, de préconiser à l’avenir une plus forte consommation d’aliments riches en nitrate [If nitrate turns out to be a major contributor, the current view of nitrate being an unwanted component of our diet will change and a richer intake of those specific food items that are naturally high in this anion may be advocated].

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