1994-2014: Nitrates et présupposés (3)

Habermeyer, M., Roth, A., Guth, S., Diel, P., Engel, K.-H., Epe, B., Fürst, P., Heinz, V., Humpf, H.-U., Joost, H.-G., Knorr, D., de Kok, T., Kulling, S., Lampen, A., Marko, D., Rechkemmer, G., Rietjens, I., Stadler, R.H., Vieths, S., Vogel, R., Steinberg, P. and Eisenbrand, G. (2015) Nitrate and nitrite in the diet: How to assess their benefit and risk for human health. Molecular Nutrition and Food Research 59, 106-128

(voir l'abstract ici)

[suite]

L’article de 2014, rédigé par 22 auteurs sous l’égide de Gerhard Eisenbrand, est présenté comme un travail de la Commission du Sénat (allemand) sur la Sécurité Alimentaire [SKLM] dans son ensemble. L’auteur principal (G.E.) présidait la Commission  en 2012.

Les points majeurs de l’argumentaire sont les suivants:

- 1) Dans un chapitre intitulé: «Effets bénéfiques des nitrates alimentaires» [Beneficial health effects of dietary nitrate from foods], les auteurs signalent les effets bénéfiques cardiovasculaires, parfaitement démontrés, des nitrates alimentaires [Consumption of fruits and vegetables, particularly of green leafy vegetables, appears to protect against coronary heart disease and ischemic stroke risk […]. Beetroot juice, known to often contain high nitrate levels, was found to exhibit blood pressure-lowering and vasoprotective effects […]. Nitrate ingestion with beetroot juice was also reported to prevent endothelial dysfunction subsequent to an acute ischemic insult in the human forearm and to attenuate ex vivo platelet aggregation].

- 2) En conclusion de leur chapitre intitulé: «Effets délétères éventuels des composés N-nitrosés» [Potentially detrimental heath effects of N-nitroso compounds], les auteurs notent que les nombreuses études épidémiologiques publiées au cours des quarante dernières années n’ont pas réussi à apporter la preuve recherchée. Il ne leur a pas été possible de démontrer que la transformation in vivo des nitrates alimentaires en composés N-nitrosés était suffisamment prononcée pour que le risque des cancers en général ou d’un cancer en particulier s’en trouve accru [In conclusion, the epidemiological evidence regarding the role of endogenous N-nitroso compounds formation for human risk is inconsistent].

- 3) En conséquence, afin de réussir à apporter la preuve tant recherchée, il convient désormais de mettre en œuvre des études plus élaborées [Obviously, there is a need for more elaborate studies […] in order to establish causality for the association]. A la recherche de populations à risque par exemple, de telles études pourraient prendre en compte des données comme l’âge, le sexe, le contexte génétique, l’état de santé, le rôle d’atteintes infectieuses ou inflammatoires [Such studies also need to consider individual differences such as age, gender, genetic background and heath status as well as the role of infections and inflammatory processes].

- 4) S’exprimant au nom de la Commission du Sénat sur la Sécurité Alimentaire [SKLM], les 22 auteurs concluent en 2014 de la manière suivante:

- Insuffisantes, les données dont disposent actuellement le monde scientifique ne permettent pas de se faire une idée exacte de leurs effets positifs et négatifs, notamment sur le long terme.

- De nouvelles études destinées à bien préciser les effets potentiellement négatifs et positifs des expositions aux nitrates et aux nitrites sont nécessaires.

[The SKLM is of the opinion that there is a need for further research addressing potentially negative and positive health effects associated with dietary nitrate and nitrite exposure. The available evidence is inadequate to be used as a basis for a comprehensive and reliable assessment of positive as well as negative health effects, especially regarding long-term effects].

Commentaire du blog

On constate avec étonnement qu’après avoir reconnu et admis l’existence des effets bénéfiques cardiovasculaires des nitrates alimentaires et leur importance, les auteurs expriment à nouveau, inchangés, les présupposés de 1994 sur la carcinogénicité des nitrates.

Comme vingt ans plus tôt, ils sont persuadés que les nitrates alimentaires sont cancérigènes. Certes les études épidémiologiques ne le confirment pas. Mais, à leurs yeux, si les études épidémiologiques ne le confirment pas, c’est qu’elles sont défaillantes.

A leurs yeux, tant que les études épidémiologiques n’auront pas démontré la carcinogénicité des nitrates, le doute subsistera et tant que le doute subsistera il conviendra d’envisager de nouvelles études.

Peut-on ajouter que la réalité des effets bénéfiques cardiovasculaires liés aux nitrates alimentaires est maintenant largement démontrée scientifiquement? Il suffit de consulter la page RUBRIQUES PAR THEMES de ce blog pour s’en convaincre. Or, dans leur conclusion, prenant curieusement leur distance avec les avancées de la science sur le sujet, les auteurs laissent entendre que le manque de preuve concerne tout autant les effets bénéfiques cardiovasculaires que les hypothétiques effets cancérigènes.

L’administration s’appuie sur ce genre de rapport, qui lui permet de verrouiller sa position, et de maintenir ses normes.

On peut s’interroger: La science réussira-t-elle un jour à ouvrir les yeux de ceux qui, au sein de l’administration, ont la responsabilité de fixer les normes?

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