NO, nitrates et nitrites présents sur la Terre primitive

Ducluzeau, A.-L., van Lis, R., Duval, S., Schoepp-Cothenet, B., Russell, M.J. and Nitschke, W. (2009) Was nitric oxide the first deep electron sink? Trends in Biochemical Sciences 34, 9-15.

(voir l'abstract ici)

La Terre primitive était très différente de la Terre que nous connaissons aujourd’hui. Pendant les quelque 800 millions d’années, de – 4600 Ma à – 3800 Ma, que dure l’éon Hadéen, toute vie y est strictement absente. Les océans et l’atmosphère se forment à – 4300 Ma. A cette époque, l’atmosphère ne comporte que très peu, ou ne comporte pas du tout, d’oxygène O2.

Les auteurs de l’article (Laboratoire de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines de Marseille (France) et «Planetary Science and Life Detection» de Pasadena en Californie, USA) proposent, à propos de l’apparition du NO, des ions nitrate et des ions nitrite sur cette Terre, une théorie intéressante.

Tandis que, dépourvue d’oxygène, l’atmosphère contient alors, essentiellement, du gaz carbonique CO2 et de l’azote N2, une multitude de décharges électriques de haut voltage consécutives aux éclairs volcaniques, aux éclairs d’orage et aux impacts de météorites sont à l’origine de la production d’oxyde nitrique NO, conformément aux réactions suivantes: CO2 → O + CO; N2 + O → NO + N; N + CO2 → NO + CO. Les gaz volcaniques à haute température dégagés par les volcans ont des conséquences identiques.

En présence de vapeur d’eau, et sous l’influence de la lumière et des rayons ultraviolets, les radicaux NO se transforment en radicaux nitroxyle HNO. Ceux-ci se déversent dans l’océan primitif, où il sont convertis en ions nitrate NO3- et nitrite NO2- (produits les uns et les autres dans un rapport de 4:1), et en oxyde nitreux N2O, ce dernier retournant dans l’atmosphère.

Selon les auteurs, l’accumulation dans l’océan primitif de l’Hadéen de ces oxydes d’azote jusqu’à des concentrations micromolaires, et même jusqu’à des concentrations supérieures, a pu se faire en environ un million d’années, ce qui, à l’échelle du temps géologique, n’est à peine plus long qu’un «battement de paupières».

Ainsi, au début de l’éon suivant, l’Archéen, qui, de – 3800 à – 2500 Ma, dure 1300 millions d’années et au cours duquel la vie apparaît, un oxydant puissant est déjà présent. Il s’agit, non de l’oxygène O2, mais du NO, avec ses dérivés que sont les ions nitrate et nitrite. Avant même l’apparition de la vie, alors que l’évolution est prête à s’enclencher, les radicaux NO et les ions nitrate et nitrite sont disponibles. Lorsque les êtres vivants apparaissent, ces radicaux et ces ions se comportent en accepteurs d’électrons. Le premier être vivant à en bénéficier sera, sans doute, l’ancêtre commun universel qui précéda la divergence entre Bactéries et Archées.

Sur cette Terre, selon la théorie de ces auteurs, la dénitrification dissimilatoire a précédé la respiration aérobie.

Commentaire du blog

Selon la théorie des auteurs, les radicaux NO, les ions nitrate et les ions nitrite comptaient donc déjà, avant même l’apparition de l’oxygène O2 atmosphérique, parmi les constituants du milieu d’où émergèrent, en début d’Archéen, la vie cellulaire et les premiers êtres vivants. Dans l’échelle des temps géologiques, nous sommes actuellement au sein de l’éon phanérozoïque, à l’ère cénozoïque, à l’époque de l’Holocène, soit plus de 3000 millions d’années plus tard. Entourés par la vie, nous faisons nous-mêmes partie du monde vivant. Nous faisons la constatation que ces radicaux NO, ces ions nitrate et ces ions nitrite jouent un rôle crucial en biologie. Au vu de ce travail, ne pourrait-on imaginer que le fait ne soit nullement récent et qu’en réalité leur rôle biologique ait été important depuis le début, tout au long de l’évolution?  

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