N° 600: Déficit alimentaire en nitrate chez la souris. Conséquences mortelles

Pour sa six-centième rubrique, le blog «Nitrates et santé – Le blog des nitrates» présente un travail original. Si l’habitude est d’étudier les effets sur l’organisme des supplémentations en nitrate ou en nitrite, elle n’est pas, du moins jusqu’à présent, de s’enquérir de l’inverse, c’est-à-dire des conséquences sur l’organisme d’un déficit alimentaire en nitrate et en nitrite. Les résultats de l’étude expérimentale ci-dessous retiennent l’attention.

Kina-Tanada, M., Sakanashi, M., Tanimoto, A., Kaname, T., Matsuzaki, T., Noguchi, K., Uchida, T., Nakasone, J., Kozuka, C., Ishida, M., Kubota, H., Taira, Y., Totsuka, Y., Kina, S.-I., Sunakawa, H., Omura, J., Satoh, K., Shimokawa, H., Yanagihara, N., Maeda, S., Ohya, Y., Matsushita, M., Masuzaki, H., Arasaki, A. and Tsutsui, M. (2017) Long-term dietary nitrite and nitrate deficiency causes the metabolic syndrome, endothelial dysfunction and cardiovascular death in mice. Diabetologia 60, 1138-1151

(voir l'abstract ici)

Associant obésité viscérale, dyslipidémie, tendance hypertensive, intolérance au glucose et résistance à l’insuline, le syndrome métabolique est fréquent dans nos pays industrialisés. On estime qu’aux États-Unis par exemple, il concerne 23% de la population adulte de plus de 20 ans [23% of the adult population (≥20 years of age) in the USA suffered from the metabolic syndrome in 2009-2010].

Il est associé à une augmentation du risque de survenue de l’infarctus du myocarde et des complications vasculaires cérébrales; d’où un accroissement de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité globale. Il est également associé à une augmentation du risque d’apparition du diabète de type 2 ainsi qu’à celle du risque d’apparition de diverses affections rénales et hépatiques. Bien qu’à son origine on ait tendance à incriminer un apport nutritionnel excessif, un manque d’exercice physique, une susceptibilité génétique, ou encore une avancée en âge, son mécanisme d’apparition n’est pas encore parfaitement élucidé.

Les auteurs japonais [Okinawa et Kagoshima, Japon] présentent une étude expérimentale effectuée sur des souris de type sauvage âgées de 6 semaines. Répartis de façon randomisée en deux lots, les animaux reçoivent une alimentation identique en glucides, protéines, graisses et L-arginine. Cependant,

- les animaux du lot RD («regular diet»), ou lot placebo, reçoivent, avec leur régime, une alimentation dont les teneurs en nitrate NO3- et nitrite NO2- sont habituelles (la teneur moyenne en nitrate de l’alimentation est de 40 mg NO3- kg-1 de nourriture),

- les animaux du lot LND («low nitrite-nitrate diet») reçoivent, par contre, une alimentation dont les teneurs en nitrate NO3- et nitrite NO2- sont quasi nulles (les teneurs moyennes en nitrate et en nitrite de l’alimentation solide sont l’une et l’autre inférieures à 0.3 mg NO3- kg-1 de nourriture; les teneurs moyennes en nitrate et en nitrite de l’eau de boisson sont, respectivement, inférieures à 0.62 µg NO3- l-1 et 0.46 µg NO2- l-1).

▪ Après 3 mois de suivi, on constate que les apports quantitatifs tant en nourriture solide qu’en eau de boisson sont identiques dans les deux groupes. Ceci étant, à 3 mois, par comparaison avec les souris du lot RD, on observe chez les souris du lot LND, et de manière statistiquement significative, une augmentation de l’adiposité viscérale, une tendance à la dyslipidémie et une tendance à l’intolérance au glucose [Three months of the LND did not affect food or water intake in wild type C57BL/6J mice compared with a regular diet (RD). However, in comparison with the RD, 3 months of the LND significantly elicited visceral adiposity, dyslipidaemia and glucose intolerance].

▪ Après 8 mois de suivi, les souris du groupe LND sont l’objet d’une augmentation significative du poids corporel et de la tension artérielle, ainsi que d’une accentuation de la résistance à l’insuline et d’une diminution de la relaxation endothélium-dépendante à l’acétylcholine [Eighteen months of LND significantly provoked increased body weight, hypertension, insulin resistance, and impaired endothelium-dependent relaxations to acetylcholine].

▪ Après 22 mois de suivi, on observe un important taux de mortalité chez les souris du groupe LND, du fait d’affections cardiovasculaires, en particuler d’infarctus du myocarde [22 months of the LND significantly led to death mainly due to cardiovascular disease, including acute myocardial infarction]. Alors qu’après 22 mois d’un régime apportant des quantités habituelles de nitrate NO3- et de nitrite NO2- le taux de mortalité est de 0%, après 22 mois d’un régime sans nitrate NO3- ni nitrite NO2-, le taux de mortalité chez les souris est de 32%. A titre de contre-expérience, la co-administration chez les souris du groupe LND de nitrate de sodium NaNO3 contrecarre l’évolution défavorable [Co-treatment with sodium nitrate improved the reduced survival].

Ainsi, par cette étude expérimentale, les auteurs japonais apportent la démonstration que, chez la souris, un déficit alimentaire de longue durée en ions nitrate NO3- et nitrite NO2- favorise l’apparition d’un syndrome métabolique et d’une dysfonction endothéliale, potentiellement létaux. Ils soulignent l’importance du rôle préventif des nitrates et des nitrites alimentaires vis-à-vis du syndrome métabolique et de ses complications vasculaires [In summary, we were able to demonstrate that long-term dietary nitrite/nitrate deficiency gave rise to the metabolic syndrome, endothelial dysfonction and eventually cardiovascular death in mice, indicating a novel pathogenic role of the exogenous NO production system in the metabolic syndrome and its vascular complications].

Commentaire du blog

L’ion nitrate NO3- d’origine alimentaire a longtemps été considéré, à tort, comme un «poison». Bien qu’anciennes et dépassées, les normes administratives à son égard, édictées entre les années 1960 et 1980, sont toujours en cours.

Alors que l’organisme n’a nullement à craindre un «excès» d’apport alimentaire en nitrate, il a, tout au contraire, à redouter une diminution de biodisponibilité en oxyde nitrique NO. La diminution de biodisponibilité en oxyde nitrique peut provenir

- soit d’une diminution de la synthèse endogène en NO et en nitrate NO3- par la voie de la NO synthase endothéliale,

- soit d’une diminution de l’apport alimentaire en nitrate NO3-,

- soit de la conjonction des deux.

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