Nitrate et apnées «statique» et «dynamique»

Schiffer, T.A., Larsen, F.J., Lundberg, J.O., Weitzberg, E. and Lindhom, P. (2013) Effects of dietary inorganic nitrate on static and dynamic breath-holding in humans. Respiratory Physiology and Neurobiology 185, 339-348

(voir l'abstract ici)

Une étude récente, à la fois britannique et scandinave, a fait état, deux heures et demie après une supplémentation orale de 310 mg de nitrate NO3-, d’une augmentation du temps d’apnée maximale de 11% [rubrique du 8 septembre 2012].

Une nouvelle étude porte sur le même sujet.

Les auteurs [Karolinska Institute, Stockholm, Suède] procèdent à deux études randomisées, en double-aveugle et crossover contre placebo. Elles concernent 9 plongeurs en apnée, habitués à la compétition. Dans la première étude, l’apnée a lieu en situation de repos, dans la seconde, au cours d’un effort sur cyclo-ergomètre [50 watts et 60 rotations par minute], l’effort cherchant à simuler une nage subaquatique de faible allure [in order to simulate slow pace underwater swimming practiced in dynamic apnea competitions]. Dans la première, l’apnée est dite «statique», dans la seconde, «dynamique».

Avant les exercices d’apnée, les sujets ingèrent pendant 3 jours,

- soit 6.2 mg par jour de nitrate NO3- par kg de poids corporel (c’est-à-dire 734 mg par jour pour un sujet de 70 kg), sous forme de nitrate de potassium [KNO3], répartis en 3 doses dans la journée,

- soit un placebo, sous forme d’une dose équimolaire de chlorure de potassium [KCl].

La dose quotidienne de nitrate ingérée par les sujets recevant du nitrate de potassium correspond approximativement à celle qu’ils recevraient en consommant 200 à 300 grammes de légumes, tels les épinards et la betterave, riches en nitrate [The daily nitrate dose corresponded to the amount  normally found in 200-300g of a nitrate-rich vegetable such as spinach or beetroot].

Juste avant les exercices d’apnée, on mesure les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2-. Les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- sont 9 fois plus importantes en cas de supplémentation orale en nitrate qu’en cas de placebo: respectivement et en moyenne, 9.9 et 1.1 mg NO3- l-1. Les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- sont presque 2 fois plus importantes en cas de supplémentation orale en nitrate qu’en cas de placebo: respectivement et en moyenne 9.6 et 5.2 μg NO2- l-1.

Après 4 minutes d’apnée «statique», la saturation artérielle en oxygène [SaO2] est, en moyenne, plus faible chez les sujets recevant du nitrate, sous forme de nitrate de potassium, que chez ceux qui reçoivent le placebo: respectivement 77 et 80%.

De même, la durée maximale d’apnée «statique» est moins prolongée chez les premiers que chez les seconds: respectivement et en moyenne 5 minutes 29 secondes et 5 minutes 44 secondes. 

Par contre, en cas d’apnée «dynamique», c’est-à-dire en cas d’apnée accompagnée d’un effort physique sur cycloergomètre, aucune différence significative n’est enregistrée entre les sujets qui reçoivent du nitrate de potassium et les sujets qui reçoivent du placebo, du moins en ce qui concerne la saturation artérielle en oxygène et la durée maximale d’apnée [During cycling ergometry nitrate had no effect on SaO2 […] or maximum apnea duration].

Ces résultats ne sont pas conformes aux hypothèses de départ des auteurs. A posteriori, ceux-ci cherchent, malgré tout, à trouver une explication à l’effet négatif que les apports en nitrates semblent exercer, dans leur étude, sur l’apnée «statique». Ils émettent l’idée que la vasodilatation microcirculatoire induite par l’oxyde nitrique NO provenant de la voie Nitrate-nitrite-NO puisse accentuer le débit circulatoire périphérique, ce qui aurait pour effet de favoriser la désaturation artérielle en oxygène.

Commentaire du blog

Les rubriques du 31 octobre et du 1er décembre 2012 ont déjà fait état de deux résultats divergents. Ces résultats concernaient des performances physiques, sur cyclo-ergomètre, après ingestion ou unique ou multiple d’environ 500 mg de nitrate NO3-.

En voici un troisième exemple.

On voit que le retentissement de l’ion nitrate sur les différents volets de la performance physique et sportive mérite encore de nombreuses études. Le sujet est complexe. La vérité ne se dévoilera et se dessinera pleinement qu’après toute une série de confrontations d’idées et de résultats.

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