L’ion nitrite comparé à Cendrillon

Castiglione, N., Rinaldo, S., Giardina, G., Stelitano, V. and Cutruzzola, F., (2012) Nitrite and nitrite reductases: from molecular mechanisms to significance in human health and disease. Antioxidants and Redox Signaling 17, 684-716

(voir l'abstract ici)

Cet article de synthèse, qui  fait le point sur l’ion nitrite et les nitrite-réductases, est rédigé par des scientifiques italiens du Département de Biochimie de l’Université La Sapienza de Rome.

Agrémenté de 2 tableaux et de 13 figures, il s’appuie sur 382 références bibliographiques.

Dans l’introduction, de façon imagée, les auteurs qualifient l’ion nitrite de «molécule Cendrillon» [«Cinderella molecule»]. Chez l’eucaryote (c’est-à-dire l’organisme dont le noyau des cellules est séparé du cytoplasme par une membrane), on a longtemps cru, du moins durant de nombreuses années, que l’ion nitrite n’était qu’un produit final du métabolisme endogène de l’oxyde nitrique et qu’il était, de ce fait, dénué de toute importance physiologique. Depuis une dizaine d’années, l’on sait qu’en réalité, il en va tout autrement. L’ion nitrite est, lui-même, à l’origine de l’oxyde nitrique NO [In eukaryotes, […] for years nitrite has been considered physiologically irrelevant and a simple end product of endogenous NO metabolism; only in the last decade the relevance of nitrite as a source of NO has emerged].

Le premier chapitre est consacré aux nitrite-réductases bactériennes et à leur rôle. Ces enzymes aident la bactérie à survivre en l’absence d’oxygène, lorsque, du moins, l’environnement est riche en nitrite [The ability to reduce nitrite can therefore confer to these species a selective advantage in the host-pathogen arms race in order to survive in an oxygen-limited and nitrite-rich environment]. Trois exemples sont fournis, ceux des Neisseria, du Mycobacterium tuberculosis, du Pseudomonas aeruginosa.

Le deuxième chapitre est consacré à l’ion nitrite et aux phénomènes de réduction de cet ion chez le mammifère.

Chez le rat Wistar, on a, par exemple, pu mesurer les concentrations en nitrite NO2- dans divers tissus. Par ordre croissant, en moyenne et respectivement, les concentrations des nitrites dans le plasma, les poumons, le foie, le rein, le globule rouge, le cœur, le cerveau et l’aorte sont de 13, 20, 21, 28, 31, 35, 77 et 1035 μg NO2- l-1 (selon Bryan et al. 2004). Chez l’homme, la concentration plasmatique moyenne en nitrite est comprise entre 0.5 et 27.6 μg NO2- l-1.

La réduction de l’ion nitrite en NO peut se faire sans l’intervention enzymatique d’une nitrite-réductase, en condition acide. La voie est dite «abiotique». C’est ce qui se produit dans l’estomac humain [This abiotic pathway is responsible for the production of NO in the gastric milieu of humans]. Il se produit aussi lorsque des conditions ischémiques font baisser le pH local au-dessous de 5.5.

Dans l’organisme, en condition hypoxique, selon une voie dite «biotique», plusieurs protéines sont capables de faire office de nitrite-réductase, notamment la désoxyhémoglobine dans le globule rouge, la myoglobine dans le muscle strié et le cœur, la xanthine oxydoréductase, laquelle semble intervenir tout particulièrement à titre protecteur en cas d’infarctus du myocarde et en cas d’ischémie-reperfusion [The xanthine oxidase-catalysed reduction of nitrite to NO […] has been proposed to be a major source of NO in tissues and to exert a protective role during myocardial infarction and ischemia-reperfusion].

Le troisième chapitre est consacré au rôle physiologique de l’ion nitrite.

Les auteurs insistent sur la vasodilatation. Elle a lieu par l’intermédiaire de l’oxyde nitrique NO. Celui-ci stimule la guanylate cyclase soluble (sGC), ce qui contribue à augmenter les taux de GMP cyclique (cGMP), à activer une protéine kinase cGMP dépendante et à provoquer ainsi une relaxation de la musculature lisse vasculaire.

Ils insistent aussi sur la cytoprotection assurée par l’ion nitrite à l’égard des lésions d’ischémie-reperfusion. L’ion nitrite se comporte dans ces conditions comme une réserve endocrine de NO [The finding that nitrite may act as endocrine reservoir of NO has prompted many studies…].

Il se pourrait aussi, indépendamment, cette fois, de toute transformation en NO, que l’ion nitrite joue un rôle anti-inflammatoire. L’effet ferait suite à une nitrosation [Nitrite-mediated nitrosation may protect tissues against inflammation].

Le quatrième chapitre est consacré à l’intérêt thérapeutique de l’ion nitrite. Les perspectives sont nombreuses. L’ion nitrite pourrait trouver sa place en cardiologie, dans les traitements de l’ischémie-reperfusion, de la drépanocytose, de l’hypertension artérielle pulmonaire, de l’association hypertension-athérosclérose-diabète. Il pourrait exercer une action anti-inflammatoire au cours d’affections comme les colites ou les inflammations microvasculaires de l’hypercholestérolémie. Par son action anti-infectieuse, il pourrait enfin être utile, sous forme acidifiée, dans le traitement des infections pulmonaires de la mucoviscidose, voire même dans la désinfection des lentilles de contact [This strategy could find an application in disinfection of contact lenses…].

Commentaire du blog

La comparaison avec la célèbre héroïne du conte de Perrault qu’est Cendrillon s’applique tout aussi bien à l’ion nitrate NO3-.

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