Nitrate, lait maternel et entérocolite nécrosante du prématuré

Yazji, I., Sodhi, C.P., Lee, E.K., Good, M., Egan, C.E., Afrazi, A., Neal, M.D., Jia, H., Lin, J., Ma, C., Branca, M.F., Prindle, T., Richardson, W.M., Ozolek, J., Billiar, T.R., Binion, D.G., Gladwin, M.T. and Hackam, D.J. (2013) Endothelial TLR4 activation impairs intestinal microcirculatory perfusion in necrotizing enterocolitis via eNOS-NO-nitrite signaling. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United Sates of America 110, 9451-9456

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Principale cause gastro-intestinale de mortalité chez le prématuré, l’entérocolite nécrosante est de fréquence croissante. Elle se caractérise par l’apparition sur l’intestin grêle et le gros intestin de multiples aires d’ischémie et de nécrose. Le lait maternel pourrait être le meilleur agent protecteur.

On a pu constater à l’occasion d’entérocolites nécrosantes expérimentales que les souris congénitalement déficientes en récepteur de type Toll 4 [TLR4] développent alors une moindre inflammation muqueuse et moins de lésions nécrotiques, laissant supposer que le récepteur TLR4 joue ainsi un rôle pathogénique à l’égard de l’affection.

Les auteurs américains [Children’s Hospital of Pittsburgh; University of Pittsburgh School of Medicine, Pittsburgh, Etats-Unis] conduisent une étude portant sur des souris manquant du récepteur TLR4 sur les cellules endothéliales. Ils confirment qu’il convient que ce récepteur TLR4 soit activé pour que, via une réduction d’expression de la NO synthase endothéliale [eNOS], la perfusion intestinale s’en trouve diminuée et qu’en résultent des lésions de nécrose intestinale [Using a unique mouse system in which we selectively deleted TLR4 from the endothelium, we now show that endothelial TLR4 activation is required for necrotizing enterocolitis development and that endothelial TLR4 activation impairs intestinal perfusion without effects on other organs and reduces eNOS expression via activation of myeloid differentiation primary response gene 88].

Lorsqu’elle est menée sur des souris déficientes en NO synthase endothéliale [eNOS-/- mice], l’expérience fait apparaître des lésions d’entérocolite nécrosante encore plus marquées [eNOS-deficient mice developed an extremely severe form of necrotizing enterocolitis].

Selon les auteurs, les concentrations de nitrate NO3- dans le lait maternel humain, dans le lait maternisé et dans le lait de souris sont, en moyenne et respectivement, de 2.5, 0.9 et 2.2 mg l-1. A des souris soumises à une entérocolite nécrosante expérimentale, ils administrent, dans un deuxième temps, par gavage quotidien:

- des solutions de nitrate de sodium NaNO3 contenant soit 3.1 mg soit 6.2 mg NO3- l-1,

- ou des solutions de nitrite de sodium NaNO2 contenant 0.5 mg NO2- l-1.

Ils observent que les lésions de l’iléon terminal sont alors moins importantes. La diminution du score de sévérité des lésions est plus nette lorsque la solution de nitrate de sodium contient 6.2 mg NO3- l-1 que lorsqu’elle contient 3.1 mg NO3- l-1; et la diminution est encore plus nette lorsqu’on fait appel à une solution de nitrite de sodium contenant 0.5 mg NO2- l-1. Dans ce dernier cas, l’administration d’un traceur fluorescent [tomato lectin], permet d’observer une nette amélioration concomitante de la microcirculation intestinale [Newborn mice were administered sodium nitrate at two concentrations […] and the degree of necrotizing enterocolitis were assessed. […] Administration of sodium nitrate within the formula significantly reduced necrotizing enterocolitis severity. Importantly, the administration of sodium nitrite – which is known to serve as a vasodilator upon conversion from nitrate – also significantly reduced the severity of necrotizing enterocolitis. The reduction in necrotizing enterocolitis severity after the administration of nitrite correlated with a marked improvement in the degree of perfusion of the intestinal microcirculation].

Ainsi, selon les auteurs américains, en cas d’entérocolite nécrosante du prématuré, il est possible, par la voie nitrate alimentaire-nitrite-oxyde nitrique, de restaurer la qualité de la vascularisation intestinale et ainsi d’atténuer la sévérité des lésions. Ils voient là une explication possible du rôle bénéfique du lait maternel [These findings demonstrate that nitrate-nitrite-NO signaling can restore intestinal perfusion and attenuate the severity of necrotizing enterocolitis and also provide mechanistic insights to explain the protective effects of breast milk in this devastating disease].

Commentaire du blog

Les constatations expérimentales des auteurs retiennent l’attention. Mais leurs déductions méritent discussion.

Chez le nourrisson né à terme comme chez le nourrisson prématuré, la voie nitrate alimentaire-nitrite-NO n’est pas encore fonctionnelle. Pendant les six premiers mois de la vie, la flore microbienne nitratoréductrice de la cavité buccale est absente, ou très faiblement développée. A cet âge, alors que la concentration salivaire en nitrate NO3- peut être élevée (pouvant par exemple atteindre 250 mg NO3- l-1), aucune transformation des nitrates salivaires en nitrites salivaires n’a lieu. La concentration salivaire en nitrite s’avère toujours nulle ou quasi nulle.

Pour cette raison, chez le prématuré, il semble difficile d’envisager que les nitrates provenant du lait maternel soient soumis à un cycle entérosalivaire complet, qui puisse les transformer finalement en oxyde nitrique NO vasodilatateur en regard de la vascularisation intestinale.

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