Cardiotoxicité de la doxorubicine et supplémentation orale en nitrate

Xi, L., Zhu, S.-G., Hobbs, D.C. and Kukreja, R.C. (2011) Identification of protein targets underlying dietary nitrate-induced protection against doxorubicin cardiotoxicity. Journal of Cellular and Molecular Medicine 15, 2512-2524

(voir l'abstract ici)

Connue sous les noms commerciaux d’AdriblastineR [laboratoire Pfizer], de CaelyxR [laboratoire Schering-Plough] et de MyocetR [Zeneus Pharma], la doxorubicine est un agent antinéoplasique de la famille des anthracyclines destiné au traitement de divers cancers, par exemple, à celui du cancer du sein, des sarcomes osseux, de la maladie de Hodgkin ou des lymphomes non hodgkiniens.

Efficace, l’agent antinéoplasique n’est pas dénué d’effets secondaires. On connaît sa cardiotoxicité. Il peut être responsable d’un allongement de l’espace QT et de troubles du rythme cardiaque.

Le dexrazoxane, commercialisé sous le nom de CardioxaneR [laboratoire Iprad], est actuellement proposé à titre préventif. Administré par voie intraveineuse une demi-heure avant la perfusion de doxorubicine, il en limite la cardiotoxicité. L’efficacité du dexrazoxane est, cependant, souvent incomplète. Il est lui-même, semble-t-il, à l’origine d’effets secondaires, notamment de neutropénies et de thrombopénies.

En 2008 et 2009, l’équipe de la Division de Cardiologie de la «Virginia Commonwealth University» [Richmond, Virginie, USA] a déjà fait état de travaux montrant, chez la souris, l’effet protecteur d’une administration orale chronique de nitrate à l’égard de la dysfonction contractile cardiaque induite par la doxorubicine [Zhu et al., 2008; Chen et al., 2009].

Dans cette nouvelle étude, les auteurs fournissent à des souris adultes un régime riche en nitrates pendant les sept jours qui précèdent une injection intrapéritonéale de doxorubicine, à la dose de 15 mg/kg. Pendant ces sept jours, les souris reçoivent une eau contenant 730 mg NO3- l-1 sous forme de nitrate de sodium. L’eau nitratée leur est également fournie durant les cinq jours qui suivent l’injection.

Les cœurs des animaux sont, ensuite, prélevés. Les tissus cardiaques sont soumis à une analyse protéomique, avec électrophorèse bidimensionnelle [2D-DIGE] et spectrométrie de masse.

36 protéines cardiaques apparaissent surexprimées [upregulated] par la doxorubicine. 32 d’entre elles, soit 89%, voient leur surexpression complètement annulée [completely reversed] par la supplémentation orale en nitrate.

19 protéines cardiaques apparaissent, au contraire, sous-exprimées [downregulated] par la doxorubicine. 9 d’entre elles, soit 47%, voient  leur sous-expression complètement annulée [fully normalized] par la supplémentation orale en nitrate.

Les auteurs attirent aussi l’attention sur la peroxiredoxine 5 [Prx5]. Présente dans la mitochondrie, cette peroxydase serait, en effet, connue pour un effet protecteur à l’égard de la cytotoxicité du peroxyde d’hydrogène H2O2 [Banmeyer et al., 2005]. A cet égard, il est intéressant de noter que, dans cette étude, la supplémentation orale en nitrate contribue à en accentuer l’expression.

Les apports quotidiens en nitrate reçus par les souris de l’étude auraient pour équivalent, chez l’homme, des apports quotidiens de 14.6 mg NO3- kg-1. De telles doses équivaudraient à quatre fois la Dose Journalière Admissible [DJA] de l’OMS, fixée à 3.7 mg NO3- kg-1 j-1.

En définitive, il serait concevable qu’à l’avenir la supplémentation orale en nitrate bénéficie d’une application clinique supplémentaire. Ne pourrait-on imaginer qu’à l’avenir une telle supplémentation orale en nitrate concoure à réduire les troubles cardiaques, la souffrance corporelle et la charge financière des patients sous doxorubicine? [It is conceivable that oral nitrate supplementation may have greater potential for clinical application in reducing toxicity, bodily suffering and financial burden of the thousands of cancer patients receiving doxorubicin].

Commentaire du blog

Ce travail expérimental chez la souris est préliminaire. Des études cliniques chez l’homme seraient les bienvenues.

Le paradigme s’est inversé [N.S.Bryan, 2010].On voit qu’au fil des vingt dernières années, l’ion nitrate est passé d’agent toxique à agent bénéfique…et peut-être même, maintenant, d’agent toxique à agent détoxifiant.

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