N°700, Nitrate, Nag Hammadi, évangiles apocryphes

La 700ème rubrique du blog «Nitrates et Santé – Le blog des nitrates» constitue l’occasion d’élargir les perspectives et d’aborder un lien, insoupçonné, peut-être étrange, entre l’ion nitrate NO3- et l’archéologie du vingtième siècle.

En décembre 1945, environ un an et demi avant la découverte dans le désert de Judée des fameux manuscrits de la mer Morte, se produisit un autre évènement archéologique d’une égale importance. En Haute-Egypte, à quelque 450 kilomètres au sud du Caire et 60 kilomètres au nord de Louxor et de la Vallée des Rois, des fellahs du petit village d’al-Qasr se rendaient vers le massif du Djebel el Tarif, lui-même situé à une vingtaine de kilomètres d’une ville nommée Nag Hammadi. Le massif descend à pic vers la vallée du Nil, héberge de nombreuses grottes, abrite d’anciens tombeaux. La région est connue pour contenir des vestiges de monastères fondés par saint Pacôme au quatrième siècle.

Le but des fellahs n’était nullement archéologique. Ils venaient simplement chercher du sabakh, un fertilisant nitraté présent dans les roches du massif, afin de le ramener dans des sacoches à dos de chameau. Soudain, entrés dans une grotte, ils aperçurent, dans un recoin, une ancienne jarre scellée, en terre cuite. Elle mesurait un mètre environ de hauteur, et était recouverte d’un bol en guise de couvercle.

Espérant trouver de l’or ou des bijoux, l’un des deux fellahs [son nom était Muhammad Ali] fracassa la jarre avec une pioche. S’en échappèrent en réalité, non de l’or, mais 12 cahiers, ou codices, de manuscrits sur papyrus, exceptionnellement bien conservés, la sécheresse bien connue du climat de Haute-Egypte en étant la cause. A l’exception du Codex XII, les codices avaient gardé leur reliure d’origine en cuir. Le cuir était fait soit de peau de chèvre, soit de peau de mouton. Les codices étaient constitués de feuillets écrits des deux côtés, pliés et reliés. Les pages avaient 23 à 30 centimètres de hauteur, 12 à 18 cm de largeur. Elles étaient écrites en onciale.

La moisson s’avéra extrêmement riche. L’ensemble comptait 1156 pages, réparties elles-mêmes en 52 traités. Il s’agissait de traductions coptes datant du milieu du 4ème siècle, tirées de textes plus anciens, rédigés sans doute lors des 2ème et 3ème siècles par des penseurs gnostiques.

Ces textes sont maintenant qualifiés d’«apocryphes». Ils sont le plus souvent placés sous l’autorité d’apôtres de Jésus, dépositaires, selon les auteurs, d’un enseignement secret. L’attribution était, en réalité, purement fictive. Citons:

-  l’Evangile selon Thomas,

- l’Evangile selon Philippe,

- l’Apocalypse de Paul,

- les Première et Deuxième Apocalypses de Jacques,

- la Lettre de Pierre à Philippe,

- les Actes de Pierre et des Douze Apôtres,

- et le Livre des Secrets de Jean.

Certains des traités sont influencés par la gnose d’origine juive, d’autres par la gnose d’origine grecque et le néo-platonisme. En tout état de cause, ils n’étaient, à l’époque, nullement destinés au grand public; ils s’adressaient à des initiés, qu’on jugeait capables d’entendre un enseignement ésotérique.

De nos jours, l’essentiel des apocryphes chrétiens sont présentés au lecteur français dans deux tomes de La Pléiade. On distingue d’ailleurs deux sources:

- les fonds des bibliothèques monastiques [mont Athos en Grèce, monastère Sainte-Catherine du Sinaï, monastère Blanc, près de Sohag, en Haute-Egypte],

- et les découvertes archéologiques qui se sont succédé à partir de la seconde moitié du 19ème siècle. La mise au jour, en 1945, de la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi, aujourd’hui conservée au musée copte du Caire, en constitue, sans doute, l’élément le plus marquant.

Certes, le lien entre les nitrates et la découverte des manuscrits de Nag Hammadi peut être considéré comme tenu. Mais, peut-on le faire remarquer ? si, en 1945, les paysans égyptiens d’al-Qasr n’avaient pas été attirés par les fertilisants nitratés des roches du Djebel el Tarif, la jarre en terre cuite et ses cinquante-deux traités gnostiques n’auraient pas, alors, été découverts. Tout un pan de l’histoire religieuse de l’Orient méditerranéen serait resté, plus longtemps, voire même à jamais, méconnu.

This entry was posted in Thèmes annexes and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.