Professionnels de la nutrition au Royaume-Uni : leur connaissance des nitrates


Shannon, O.M., Grisotto, G., Babateen, A., McGrattan, A., Brandt, K., Mathers, J.C. and Siervo, M. (2019) Knowledge and beliefs about dietary inorganic nitrate among UK-based nutrition professionals: development and application of the KINDS online questionnaire. BMJ Open 9:e030719.doi:10.1136/bmjopen-2019-030719


(voir le texte entier ici)


Pendant de nombreuses années, compte tenu de sa réduction partielle in vivo en ion nitrite NO2-, on a pensé que la consommation de l’ion nitrate NO3- avait pour effet indésirable d’augmenter les risques de l’apparition de certains cancers et, chez le nourrisson, de celle de la méthémoglobinémie. De telles notions ont jadis amené l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] à fixer pour cet ion nitrate NO3- une Dose Journalière Admissible [DJA]: 3.7 mg kg de poids corporel-1 . De même, l’administration a imposé une concentration maximale de nitrate dans l’eau de boisson: respectivement 44 et 50 mg NO3- l-1 aux États-Unis et en Europe [For many years, consumption of this compound alongside its reduction production nitrite, was believed to increase the risk of certain forms of cancer and methaemoglobinaemia. As a consequence, acceptable daily intake (ADI) values of O-3.7 mg/kg/day nitrate was established by WHO and the concentration of nitrate indrinking water was restricted to 50 mg/L in the European Union and 44 mg/L in the USA].


Les effets négatifs de la consommation de nitrate NO3- ont fini par être remis en cause par les travaux scientifiques. En 2010, l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] a déclaré qu’il n’y avait pas de réel argument pour affirmer que la consommation de nitrate exerçait des effets cancérigènes chez l’homme [In 2010, WHO declared that there is «inadequate evidence in humans for the carcinogenicity of nitrate in food»]. De même, le grief de la méthémoglobinémie du nourrisson liée à l’ingestion de nitrate est récusé.


On assiste à un véritable retournement de situation. Au lieu de considérer comme il y a quelques années la consommation de nitrate comme toxique pour l’homme, on tend maintenant à la considérer, à l’inverse, comme bénéfique. De nombreuses pistes de recherche sont ouvertes [Consequently, there has been a transition from viewing nitrate as a potential harmful to a potentially beneficial dietary component, with many researchers now exploring the possible health effects of dietary inorganic nitrate].


Les éléments clés qui expliquent le retournement de situation ont été la découverte d’une baisse de la tension artérielle et celle d’une amélioration de la fonction endothéliale après une supplémentation alimentaire quotidienne en nitrate NO3- comprise entre 250 et 750 mg. De même, avec ces doses s’observe, au moins chez le sportif modérément entraîné, une amélioration de ses performances physiques [Several investigations have demonstrated that dietary supplementation with inorganic nitrate, typically in doses between 4 and 12 mmol/day (~ 250-750 mg/day), can reduce blood pressure, improve endothelial function and, at least in recreationally active and moderately trained individuals, enhance exercise performance].


Les auteurs britanniques [Universités de Newcastle upon Tyne et de Nottingham, Royaume-Uni] cherchent à savoir dans quelle mesure, au Royaume-Uni, les nutritionnistes professionnels sont réellement conscients de ce spectaculaire revirement. Ayant recruté 125 professionnels britanniques de la nutrition, ils les soumettent à un questionnaire adapté, le «Knowledge of Inorganic Nitrate Dietary Survey» ou KINDS, comprenant 23 questions.


Les réponses à 10 d’entre elles, exprimées en pourcentage, sont les suivantes:


Questions

Réponses globales, en pourcentage

1) Avez-vous entendu parler des nitrates NO3-


Oui

71

Non

14

Ne sait pas

15

2) A votre avis, la consommation alimentaire de nitrates est-elle bénéfique ou dangereuse ?


Bénéfique

51

Dangereuse

9

Ne sait pas

36

Autre

5

3) Quels sont les effets des nitrates alimentaires sur la performance sportive ?


Ils l’augmentent

59

Ils la diminuent

7

Ne sait pas

34

4) Quels sont les effets des nitrates alimentaires sur la tension artérielle ?


Ils l’accentuent

10

Ils la diminuent

54

Ne sait pas

36

5) Quels sont les effets des nitrates alimentaires sur le risque d’apparition du cancer ?


Ils l’augmentent

18

Ils le diminuent

12

Réponse incertaine

70

6) Quelle est, dans la population, la consommation moyenne quotidienne en nitrate ?


10 mg

6

11-50 mg

10

51-200

15

201-500

3

501-750

0

Ne sait pas

65

7) Selon vous, la Dose Journalière Admissible pour les nitrates doit-elle être corrigée ?


Oui, il faudrait l’augmenter

15

Oui, il faudrait l’abaisser

2

Non

3

Ne sait pas

80

8) Pensez-vous que la teneur en nitrate des légumes suivants est forte (> 1000 mg kg-1 de poids frais) ou faible (< 500 mg kg-1 de poids frais) ?


Épinards


Teneur forte

70

Teneur faible

11

Ne sait pas

19

Betterave


Teneur forte

69

Teneur faible

12

Ne sait pas

19

Laitue


Teneur forte

42

Teneur faible

33

Ne sait pas

25

9) Quelle est la concentration moyenne de l’eau de boisson en nitrate ?


< 50 mg l-1

40

51-100 mg l-1

4

101-200 mg l-1

0

201-300 mg l-1

0

Ne sait pas

56

10) Quel facteur intervient dans la conversion des nitrates en nitrites dans la cavité buccale ?


C réactive protéine

2

Oxyhémoglobine

2

Amylase salivaire

19

Réductases bactériennes

36

Ne sait pas

40

[* NDLR: Les réponses correctes sont mentionnées ci-dessus en italiques rouges. A la question 5, la réponse correcte serait plutôt: «Ni l’un , ni l’autre». A la question 7, ce serait plutôt: «N’ayant plus de justification scientifique, la Dose Journalière Admissible édictée par l’administration mérite d’être supprimée»].


Parmi les 125 participants à l’étude, on dénombrait:

- 23 % de sujets de faible qualification (Undergraduate degree of below) ,

- 48 % de sujets ayant atteint le degré du «Masters» (Masters degree),

- et 29 % de sujets ayant obtenu le diplôme supérieur, celui du doctorat de recherche (Philosophiae doctor ou PhD).


Les auteurs constatent que, dans l’ensemble, les réponses des sujets des second et troisième groupes sont plus souvent correctes que celles des sujets du premier [Knowledge of nitrate, quantified by a 23-point index created by summing correct reponses, was greater in individuals with a PhD (median=13) and tended to be better in respondents with a masters degree (median = 13) compared with undergraduate-level qualifications (median = 10)].


En conclusion, les auteurs britanniques plaident pour une meilleure information au Royaume-Uni sur les liens entre les nitrates et la santé auprès des professionnels de la nutrition de tous niveaux, principalement chez les moins diplômés. Une meilleure information à ce sujet leur permettrait d’améliorer la qualité de leurs recommandations auprès du public et aussi de s’adapter aux développements futurs en ce domaine [Increasing education about inorganic nitrate and its impact on health, with an emphasis on recent developments in the scientific consensus, particularly at undergraduate level, but also as among graduates, may be advantageous to empower nutrition professionals to make more informed recommendantions about this compound and adapt appropriately to new developments].


Commentaire du blog:


De la part de ces professionnels de la nutrition britanniques, les pourcentages de réponses correctes ne sont pas vraiment à la hauteur de ce qu'on aurait pu attendre.


En France, que donnerait un tel questionnaire auprès des médecins généralistes, des cardiologues, des médecins du sport, des journalistes, des politiques, du grand public ? Le but du blog «Nitrates et Santé. Le blog des nitrates» est d’informer. C’est sa raison d’être. Sa tâche n’est pas terminée…

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