Prix Nobel, oxyde nitrique, COVID-19

Ignarro, L.J. (2020) Inhaled nitric oxide and COVID-19. British Journal of Pharmacology. doi:10.111/bph.15085

(référence ici)


En 1998, Louis J. Ignarro, Robert F. Furchgott et Ferid Murad se sont vu décerner ensemble le prix Nobel de Physiologie et de Médecine pour leurs travaux des années 1970 et 1980 démontrant le rôle majeur joué par l’oxyde nitrique NO en physiologie cardiovasculaire.


A l’occasion de la pandémie actuelle par un nouveau coronavirus, le SARS CoV-2, l’éminent biochimiste et pharmacologue américain livre ses réflexions dans une lettre à l'éditeur du British Journal of Pharmacology.


A ses yeux, il ne serait pas impossible que, dans un tel cadre pathologique, l’inhalation d’oxyde nitrique NO s’avère bénéfique.


Il signale l’étude multicentrique pilotée au Massachusetts General Hospital de Boston sous l’égide de Warren Zapol, actuellement en cours [Cf. rubrique du 10 avril 2020]. Il est possible, selon lui, que l’oxyde nitrique NO inhalé, administré chez l’adulte à la dose d’environ 100 ppm (dose 100 fois plus importante que celle réservée au nouveau-né en cas hypertension artérielle pulmonaire persistante) soit à la fois sûr, sans effet secondaire, et efficace. Il pourrait exercer des propriétés antivirales, diminuer les besoins en oxygène, faciliter la récupération des patients.


Louis J. Ignarro attire aussi l’attention sur une notion mise en avant par l’équipe du Karolinska Institute de Stockholm. On sait que les sinus paranasaux (à savoir les sinus maxillaires, frontaux, ethmoïdaux, sphénoïdal) communiquent avec les cavités nasales. Les scientifiques suédois ont montré que ces sinus paranasaux ont pour particularité de contenir à l'état physiologique de fortes concentrations d'oxyde nitrique NO à l'état gazeux. L'air expiré par voie nasale contient du NO. Par contre, la production endogène d'oxyde nitrique NO sous forme de gaz est absente de la cavité buccale.


On pourrait en déduire une conséquence physiologique. Lorsqu’il est inhalé par le nez, l’oxyde nitrique NO d’origine nasale pourrait favoriser la bronchodilatation et améliorer ainsi l’apport en oxygène dans les poumons. L’effet serait connu des athlètes de compétition, notamment des adeptes de la course à pied.


Dans le cadre de l’infection par le SARS CoV-2, ou COVID-19, l’inhalation par le nez, non par la bouche, pourrait être conseillée, avec l’espoir que l’oxyde nitrique NO d’origine nasale, libéré sous forme de gaz, exerce ses propriétés antivirales à l’encontre du coronavirus.


Commentaire du blog


L’auteur de l’article est prestigieux. Si intéressantes soient-elles, ses déductions méritent encore confirmation.


Dans la cavité buccale, au collet des dents, à l’emplacement des plaques bactériennes (comme d’ailleurs ultérieurement, après déglutition, dans la cavité gastrique) les ions nitrite NO2- salivaires sont exposés à des conditions acides. En milieu acide, les ions nitrite sont alors transformés en acide nitreux HNO2, puis en trioxyde d’azote N2O3 et en oxyde nitrique NO. Il existe ainsi de l’oxyde nitrique NO dans la cavité buccale. Apparemment (si les données d’origine suédoise sont exactes), il y serait uniquement présent dans la salive sous forme diluée, non sous forme gazeuse.



Complément


♦ Lundberg, J.O., Farkas-Szallasi, T., Weitzberg, E., Rinder, J., Lidholm, J., Anggaard, A., Hökfelt, T., Lundberg, J.M. and Alving, K. (1995) High nitric oxide production in human paranasal sinuses. Nature Medicine 1, 370-373


(voir l'abstract ici)

 

C’est en 1995 que les auteurs suédois du Karolinka Institute de Stockholm ont effectivement montré, chez l’homme, la production d’oxyde nitrique NO par les cellules épithéliales des sinus paranasaux. L’oxyde nitrique NO est présent dans l’air des sinus à forte concentration. En immunohistochimie, on observe une nette activité de la NO synthase, sans doute dans son isoforme inductible, à la partie apicale des cellules épithéliales paranasales, l’activité de la NO synthase à l’intérieur de l’épithélium de la cavité nasale elle-même étant, par contre, très faible.


En raison des propriétés bactériostatiques de l’oxyde nitrique NO, les auteurs suédois suggèrent que sa présence en forte concentration dans l’air des sinus joue un rôle dans le maintien physiologique de leur stérilité.


♦ Martel, J., Ko, Y.-F., Young, J.D. and Ojcius, D.M. (2020) Could nitric oxide help to prevent or treat COVID-19 ? Microbes and Infection . doi.org/10.1016/j.micinf.2020.05.002


(voir l'abstract ici)

 

Les auteurs [Université Chang Gung, Taiwan; Université du Pacifique, San Francisco, USA; Université de Paris, France] apportent des éléments de réflexion supplémentaires.


L’oxyde nitrique NO est produit en permanence par les cellules épithéliales des sinus paranasaux. Il est présent à l’intérieur des sinus à la concentration moyenne de 10 parts par million (ppm). Il peut ensuite diffuser vers les bronches et les poumons, où il exerce ses effets vasodilatateurs et bronchodilatateurs.


Les sujets dont les concentrations en oxyde nitrique NO dans l’air expiré sont les plus élevées semblent aussi ceux qui sont les moins exposés aux symptômes communs du rhume. Une telle constatation pourrait suggérer que l’oxyde nitrique produit dans les sinus paranasaux constitue l’un des mécanismes endogènes de défense antivirale des voies aériennes [In humans, higher basal levels of exhaled NO are associated with fewer symptoms of the common cold, suggesting that nasally-produced NO represents one of the body’s endogenous defense mechanisms against viruses in the airways].


La respiration par la bouche a tendance à réduire la concentration en oxyde nitrique NO des voies aériennes. De mesures ont montré que la concentration en oxyde nitrique NO de l’air du tractus respiratoire est plus faible chez les sujets respirant par la bouche que chez ceux qui respirent par le nez [Measurements indicate that mouth breathers have lower levels of NO within the respiratory tract compared to nasal breathers].


Si la plupart des personnes interrogées estiment respirer habituellement par le nez, la respiration par la bouche peut prendre le dessus dans certaines circonstances, notamment quand on parle, que l’on fait un exercice physique ou du sport, en cas de congestion ou d’obstruction nasales. La respiration par la bouche est fréquente durant le sommeil, surtout chez l’homme et la personne âgée. On a montré que les personnes respirant par la bouche (ou ronflant) durant le sommeil sont davantage exposées à l’apparition d’infections du tractus respiratoire [While most people spontaneously report breathing through the nose, mouth breathing may occur during talking, exercise and sleep or in people with allergies, congestion or nasal obstruction, suggesting that it may be more prevalent than usually apprecied. For instance, switching between nasal and mouth breathing is common during sleep, especially in older individuals. Studies indicate that individuals who snore or breathe through the mouth during sleep -conditions which are highly prevalent in males – are most likely to develop respiratory tract infections].


Selon les auteurs, les traitements renforçant les teneurs en oxyde nitrique NO des voies respiratoires, par exemple les inhalations d’oxyde nitrique, pourraient améliorer l’oxygénation pulmonaire et se montrer bénéfiques chez les patients atteints par le COVID-19. Dans le même ordre d’idée, on pourrait conseiller aux mêmes patients, dans la mesure du possible, de privilégier la respiration par le nez [The studies […] suggest that therapies designed to increase airways NO levels via gas inhalation and donor molecules may improve oxygenation and produce health benefits in COVID-19 subjects. In addition, limiting the lifestyle factors that reduce endogenous NO levels in the airways – such as mouth breathing and smoking – may also help to reduce SARS-CoV-2 viral load and symptoms of COVID-19 pneumonia by promoting more efficient antiviral defense mechanisms in the respiratory tract].


En l’absence d’un traitement anti-SARS-CoV-2 d’efficacité reconnue par tous, les stratégies ci-dessus évoquées mériteraient, semble-t-il, d’être prises en considération et testées à l’égard du COVID-19, dans une optique tant préventive que curative.




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