Feelisch, M., Akaike, T., Griffiths, K., Ida, T., Prysyazhna, O., Goodwin, J.J., Gollop, N.D., Fernandez, B.O., Minnion, M., Cortese-Krott, M.M., Borgogonone, A., Hayes, R.M., Eaton, P., Frenneaux, M.P. and Madhani, M. (2019) Long-lasting blood pressure lowering effects of nitrite are NO-independent and mediated by hydrogen peroxide, persulfides, and oxidation of protein kinase G1α redox signaling. Cardiovascular Research. Sous presse
L’ingestion d’ions nitrate NO3- donne lieu à la formation d’ions nitrite NO2- dans la cavité buccale après la circulation entéro-plasmatico-salivaire des premiers puis leur réduction bactérienne dans la cavité buccale. Après déglutition, l’augmentation de la concentration plasmatique en ions nitrite NO2- qui en est la conséquence donne lieu à une diminution de la tension artérielle aussi bien chez l’animal que chez le sujet sain [Augmentation of plasma nitrite by oral administration of inorganic nitrate (converted to nitrite by oral/gut bacteria following enterosalivary circulation) has been shown to effectively reduce blood pressure in various animal models and in healthy human subjects].
• Dans des conditions locales d’acidité et d’hypoxie, l’action pharmacologique des ions nitrite NO2- s’exerce par l’intermédiaire de leur réduction en oxyde nitrique NO. Cet oxyde nitrique stimule la guanylate cyclase. Une telle stimulation enzymatique déclenche, à partir du guanosine triphosphate, une production fortement accrue de guanosine monophosphate cyclique, ou cGMP. L’élévation de la concentration intracellulaire de cGMP active une enzyme, la protein kinase G1α (PKG1α). Celle-ci est à l’origine des signaux biologiques conduisant à la vasodilatation et à la baisse de la tension artérielle [It is now clear that at least some of the pharmacological actions of nitrite are mediated via its reduction to nitric oxide (NO) and increased NO/cyclic guanosine monophosphate (cGMP)-signalling under conditions of low pH and oxygen tension].
• En condition de normoxie, le taux de conversion des ions nitrite NO2- en oxyde nitrique NO est très faible, ce qui rend peu probable l’intervention de la cGMP [We have shown that under normoxic conditions the rate of conversion of nitrite to NO is extremely slow, suggesting that these effects may be NO-independent]. Comme il a été montré, la PKG1α est sensible aux phénomènes d’oxydoréduction. L’oxydation est susceptible de favoriser la formation de ponts disulfure entre les protéines, lesquels peuvent eux-mêmes, sans que la cGMP soit en cause, augmenter l’activité enzymatique de la PKG1α [We have previously shown that PKG1α itself is subject to redox regulation such that the presence of oxidants can result in interprotein disulfide formation, which translates into an increase in enzyme activity without changes in cGMP].
Les auteurs britanniques, japonais et allemand [Southampton, Birmingham, Londres et Norwich, Royaume-Uni; Sendai, Japon; Dusseldorf, Allemagne] conduisent une étude expérimentale chez des souris de type sauvage ainsi que chez des souris transgéniques Knockin [KI] rendues incapables de répondre aux signaux oxydants, les souris C42S PKG1α KI. Ils leur injectent en bolus, par voie intrapéritonéale, des doses de 0.06, 0.66 et 6.6 mg NO2- kg de poids-1, sous forme de nitrite de sodium NaNO2, puis effectuent leurs mesures dans les quelques heures qui suivent.
Ils réussissent à montrer qu’en normoxie les effets hypotensifs des ions nitrite NO2- injectés par voie intrapéritonéale font intervenir une oxydation de la protein kinase G1α (PKG1α). L’oxydation est liée à la formation de peroxyde d’hydrogène H2O2, suivie elle-même de celle de ponts disulfure interprotéiniques, concernant notamment les molécules de cystéine et de glutathion
Pour rendre compte de l’effet vasodilatateur des ions nitrite NO2-, on pourrait maintenant, selon les auteurs, faire appel à deux voies métaboliques possibles. La plus anciennement connue et individualisée, mentionnée ici à gauche, s’exprime en cas d’hypoxie. La seconde, nouvellement individualisée, mentionnée ici à droite, est capable de s’exprimer en cas de normoxie:
Mécanisme anciennement connu Mécanisme nouvellement connu
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Nitrite (NO2-) Nitrite (NO2-)
↓ ↓
Oxyde nitrique NO Inhibition de la catalase→ H2O2
↓ ↓
cGMP Formation de ponts disulfure
↓ ↓
Activation de la PKG1α Activation de la PKG1α
↓ ↓
Vasodilatation hypoxique Vasodilatation normoxique
↓ ↓
Diminution de la tension artérielle Diminution de la tension artérielle
Commentaire du blog
Il s’agit d’un pas fort intéressant dans la compréhension du métabolisme des nitrates et des nitrites.
On remarquera cependant que l’étude des auteurs fait appel à des injections intrapéritonéales d’ions nitrite NO2-. Dans les conditions physiologiques ordinaires, les apports en nitrite NO2- proviennent de l’alimentation. Ils proviennent soit directement des nitrites NO2- alimentaires soit indirectement des nitrates NO3- alimentaires. Les nitrates NO3- alimentaires sont l’objet d’un circuit entéro-salivaire qui les fait passer par l’œsophage, l’estomac, la circulation sanguine et la salive. Dans la salive, sous l’effet des enzymes bactériennes, ils sont transformés, en partie, en ions nitrite NO2-. Les ions nitrite NO2- salivaires sont exposés à des conditions acides, d’une part dans la bouche, au collet des dents, à l’emplacement des plaques bactériennes, d’autre part, après déglutition, dans la cavité gastrique. Les ions nitrite NO2- sont connus pour être instables en condition acide. Par l’intermédiaire de l’acide nitreux HNO2, ils sont convertis en oxyde nitrique NO.
Dans quelle mesure, cette synthèse d’oxyde nitrique à partir des nitrites salivaires, suite à leur exposition acide dans les cavités buccale et gastrique, est-elle réellement modifiée par les conditions locales ou normoxiques ou hypoxiques ?
En fait, la voie nouvelle décrite par les auteurs ne serait-elle mise en jeu qu'en cas d'administration non physiologique des ions nitrite NO2-, indépendamment de toute voie digestive ?