Supplémentation en nitrate à 4559 m d’altitude

Cumpstey, A.F., Hennis, P.J., Gilbert-Kawai, E.T., Fernandez, B.O., Grant, D., Jenner, W., Poudevigne, M., Moyses, H., Levett, D.Z.H., Cobb, A., Meale, P., Mitchell, K., Pöhnl, H., Mythen, M.G., Grocott, M.P.W., Martin, D.S. and Feelisch, M., for the Xtreme Alps research group (2019) Effects of dietary nitrate supplementation on microvascular physiology at 4559m altitude – A randomised controlled trial (Xtreme Alps). Nitric Oxide 94, 27-35

(voir l'abstract ici)

Les habitants et natifs de haute montagne, tout particulièrement les sherpas vivant en Himalaya, sont réputés pour leur remarquable tolérance à l’hypoxie, peut-être consécutive à des taux circulants élevés en oxyde nitrique NO et à l’accroissement consécutif des flux sanguins microcirculatoires [Native highlanders (e.g. Sherpa) demonstrate remarquable hypoxic tolerance, possibly secondary to higher levels of circulating nitric oxide (NO) and increased microcirculatory blood flow]. Comme un travail d’Erzurum et coll. publié en 2007 a pu, par exemple, l’observer, chez les sherpas le flux sanguin à l’avant-bras est plus de deux fois plus élevé que chez les sujets habitant en plaine, l’amélioration circulatoire étant liée à une augmentation significative des concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2- [Forearm blood flow […] in Sherpas was more than twice that in lowlanders, and these responses were closely associated with significant increases in circulating concentrations of plasma nitrate and nitrite, indicative of increased nitric oxide (NO) formation and/or bioavailability] [Cf. rubrique du 30 octobre 2009].

En août 2010, une expédition scientifique britannique, nommée Xtreme Alps, met en application un essai randomisé, en double aveugle contre placebo, destiné à vérifier si une supplémentation alimentaire en nitrate NO3- fournie à des sujets vivant habituellement en plaine améliore la fonction microcirculatoire après quelques jours en haute altitude.

Les sujets participant à l’étude sont au nombre de 28 (21 hommes, 7 femmes). Ils ont, en moyenne, 29 ans. Ils sont répartis en deux groupes:

- le groupe [Nitrate], recevant approximativement entre 6.2 et 11.2 mg NO3- kg-1 j-1, répartis en 3 prises par jour au moment des repas

- et le groupe [Placebo], recevant seulement 0.7 mg NO3- kg-1 j-1 en 3 prises par jour au moment des repas.

La supplémentation alimentaire commence 4 jours avant le départ pour l’Italie. Il se poursuit pendant 1 ou 2 jours à 3611 mètres d’altitude puis pendant 5 jours à 4559 mètres. L’expédition parvient, d’abord, en effet, à la cabane Giovanni Gnifetti, refuge sur le versant alpin du Mont Rose à 3611 mètres d’altitude, avant de parvenir à son but, la cabane Reine-Marguerite, refuge-laboratoire à la frontière italo-suisse, au sommet de la pointe Gnifetti, à 4559 mètres d’altitude.

Les contrôles sanguins ont lieu à jeun. La fonction microcirculatoire sublinguale est étudiée par une technique non invasive de microscopie en chambre sombre [sidestream dark field (SDF) imaging]. Le flux sanguin à l’avant-bras est mesuré en pléthysmographie avec occlusion veineuse [venous occlusion plethysmography].

Les constatations faites par les auteurs britanniques [Southampton, Royaume-Uni] sont les suivantes. Par comparaison avec ce qui est observé dans le groupe [Placebo]:

- dans le groupe [Nitrate], après la supplémentation alimentaire en nitrate, la concentration plasmatique en nitrate NO3- est nettement augmentée,

- tant en plaine: en moyenne, 4.8 versus 1.2 mg NO3- l-1,

- qu’en haute altitude, après 5 jours à 4559 mètres d’altitude: en moyenne, 5.2 versus 1.4 mg NO3- l-1.

 – dans le groupe [Nitrate], après la supplémentation alimentaire en nitrate, la concentration plasmatique en nitrite NO2- est nettement augmentée,

- tant en plaine: en moyenne, 39.4 versus 35.8 μg NO2- l-1,

- qu’en haute altitude, après 5 jours à 4559 mètres d’altitude: en moyenne, 18.8 versus 14.3 μg NO2- l-1.

- dans le groupe [Nitrate], après la supplémentation alimentaire en nitrate, la concentration plasmatique en composés N-nitrosés totaux est nettement augmentée,

- tant en plaine: en moyenne, 19.7 versus 11.3 nM,

- qu’en haute altitude, après 5 jours à 4559 mètres d’altitude: en moyenne, 12.3 versus 9.7 nM.

Comme on le remarque dans les lignes ci-dessus, dans les deux groupes [Nitrate] et [Placebo], les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- enregistrées à jeun à 4559 mètres d’altitude sont de plus de la moitié inférieures à ce qu’elles sont trouvées à jeun en plaine [Plasma nitrite concentrations were more than 50% lower at 4559 m compared to sea level in both treatment groups].

Dans le groupe [Nitrate], après la supplémentation en nitrate, les auteurs britanniques ne constatent finalement aucune modification microcirculatoire significative, aussi bien en région sublinguale qu’à l’avant-bras, aussi bien en haute altitude qu’en plaine [Dietary nitrate supplementation had no effect on any measured read-outs of sublingual or forearm blood flow, even when environmental hypoxia was experimentally reversed using supplement oxygen. In conclusion, dietary nitrate supplementation does not improve microcirculatory function at 4559m].

Comme l’admettent les auteurs, par comparaison aux concentrations préalablement mesurées au niveau de la mer la diminution des concentrations plasmatiques en nitrite NO2- mesurées en haute altitude à 4559 mètres chez les sujets du groupe [Nitrate] étonne. Les causes n’en sont pas claires. Elle pourrait expliquer le manque de réponse microvasculaire observée dans l’étude [The fact that in the Xtreme Alps study, plasma nitrite concentrations decreased at altitude compared to sea level – despite dietary nitrate supplementation – is a curious finding and may explain the lack of physiological acclimatisation responses seen in this cohort].

Commentaire du blog

Dans l'étude d‘Erzurum et coll. de 2007 [Cf. rubrique du 30 octobre 2009], les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- étaient, en moyenne et respectivement, de 220 et 500 μg l-1 chez les hommes et les femmes tibétains vivant à 4200 mètres d’altitude, les nitrites plasmatiques étant indétectables chez les Américains vivant à basse altitude.

Dans l’étude britannique ici présentée, les sujets participants, venant du Royaume-Uni, effectuent un trekking en haute altitude pour ne rester que quelques jours à 4559 mètres d’altitude. La méthodologie des deux études est bien différente.

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