Nitrates salivaires et saut à l’élastique

Jin, L., Qin, L., Xia, D., Liu, X., Fan, Z., Zhang, C., Gu, L., HE, J., Ambudkar, I.S., Deng, D. and Wang, S. (2013) Active secretion and protective effect of salivary nitrate against stress in human volunteers and rats. Free Radical Biology and Medicine 57, 61-67

(voir l'abstract ici)

Ayant déjà montré que la sialine joue un rôle de transporteur d’ion nitrate NO3- au sein des glandes salivaires (rubrique du 5 novembre 2012), cette équipe de chercheurs chinois [Pékin] présente maintenant une expérience originale.

L’expérience fait appel à 22 sujets sains et volontaires (14 hommes et 8 femmes), d’âge compris entre 21 et 45 ans (âge moyen 27 ans), vivant à Pékin depuis plus d’un an, n’ayant jamais eu, dans le passé, l’occasion de sauter ou en parachute ou à l’élastique.

Pour l’expérience, il leur est demandé de se rendre dans les gorges de Qinlongxia, à deux heures de route de Pékin, et d’y sauter à l’élastique depuis une plate-forme située à 68 mètres de hauteur. Leur salive est prélevée 3 heures avant le saut, immédiatement après, puis 1 heure après.

3 heures avant le saut, immédiatement après le saut et 1 heure après, les concentrations salivaires en nitrate sont, en moyenne et respectivement, de 0.34, 1.67 et 10.47 mg NO3- l-1. Les concentrations salivaires moyennes en nitrite sont, en moyenne et respectivement, de 29, 221 et 228 μg NO2- l-1.

Ainsi, en moyenne et respectivement, les concentrations salivaires en nitrate et en nitrite sont trouvées 30 et 8 fois plus élevées 1 heure après que 3 heures avant le saut à l’élastique, les flux salivaires en nitrate comme en nitrite évoluant parallèlement aux concentrations [Similar increase patterns were also found for the total amount salivary nitrate and nitrite secreted in 10 min].

A titre complémentaire, les auteurs présentent les résultats d’une étude expérimentale menée chez des rats adultes mâles Sprague-Dawley.

Chez ces rats, ils réalisent à la fois une ligature bilatérale des canaux excréteurs des glandes parotides et une ligature bilatérale des canaux excréteurs des glandes sous-maxillaires, dans le but d’interrompre aussi complètement que possible la circulation entérosalivaire des nitrates [Thus, we further tried bilateral parotid and submandibular duct ligature [BPSDL] for each animal, which could completely block the enterosalivary circulation of nitrate]. Les conséquences sont multiples.

Sous l’effet des ligatures canalaires, la concentration du suc gastrique en nitrate, la concentration du suc gastrique en nitrite et le taux intragastrique de NO, vérifiés à jeun, baissent, en moyenne, de 60, 66 et 62%. Le flux sanguin muqueux gastrique [gastric mucosal blood flow] est réduit de 25%.

Lorsqu’un rat est immergé dans une eau à 20°C pendant 4 heures, le stress provoqué par l’immersion est à l’origine, comme on le sait, de lésions muqueuses gastriques. Les auteurs montrent que si les canaux excréteurs salivaires sont, au préalable, ligaturés, les lésions muqueuses gastriques induites par le stress s’en trouvent majorées. L’index des lésions muqueuses gastriques induites par le stress est ainsi plus élevé chez les rats ayant subi une ligature des canaux excréteurs salivaires que chez ceux qui en ont été exemptés; il est alors majoré de 141% [The average degree of gastric mucosal injury (UI) significantly increased in the BDSL group (bilateral parotid and submandibular duct ligature group) rats (141% increase compared to sham, p=0.003)]. Les lésions ulcéreuses gastriques ont, en outre, tendance à être plus profondes.

Ainsi, l’étude effectuée chez l’homme démontre qu’un stress aigu déclenche une augmentation des teneurs de la salive en nitrate et en nitrite [Thus we […]demonstrated that acute stress induced increased levels of salivary nitrate and nitrite]. L’étude effectuée chez le rat indique qu’une diminution ou un arrêt de la sécrétion salivaire en nitrate provoquent à la fois une réduction du flux muqueux gastrique et une augmentation des ulcérations gastriques induites par le stress.

On est amené à penser que l’augmentation des teneurs salivaires en nitrate et en nitrite lors du stress pourrait avoir comme résultat, si ce n’est comme but, d’assurer une meilleure protection de l’estomac vis-à-vis des lésions ischémiques et ulcéreuses provoquées par le stress [Therefore, we speculated that the actively increased salivary nitrate and nitrite levels in humans under strong stress may provide potential protection from damage induced by persistent stress-adaptative responses such as gastric ischemia and ulcers caused by long-term vasoconstriction].

Commentaire du blog

Les concentrations salivaires en nitrate, à jeun, rapportées par les auteurs chez les sujets avant leur saut à l’élastique [en moyenne 0.34 mg NO3- l-1] sont plus faibles que celles qu’on lit habituellement dans la littérature médicale [entre 1.4 et 12 mg NO3- l-1].

Ceci étant, on voit qu’après un stress aussi important que celui du saut à l’élastique, la concentration salivaire en nitrate augmente fortement. Voilà qui mérite d’être remarqué, et gardé en mémoire.

Il reste cependant à savoir si cette augmentation de la concentration salivaire en nitrate à l’occasion du stress est la conséquence d’une augmentation de concentration plasmatique en nitrate, ou bien celle d’un phénomène purement salivaire.

Il a longtemps été affirmé, et répété, que, contrairement à l’homme, le rat était dépourvu d’une sécrétion active de nitrate dans la salive [Gangolli et coll., 1994; Walker, 1995]. Pour les auteurs chinois, notons-le, à l’instar de l’homme, le rat est bel et bien pourvu d’une circulation entérosalivaire des nitrates. Apparemment, pour eux, les constatations faites chez le rat et l’homme sont mutuellement transposables.

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