Nee, R. and Fitzgerald, M. (2014) Two cases of methaemoglobinaemia secondary to amyl nitrate use. Irish Medical Journal 107, 48, 50
En tant qu’anesthésistes de l’Hôpital Universitaire de Cork [province de Munster, République d’Irlande], les auteurs relatent deux cas de patients examinés en fort état de cyanose au Service des Urgences.
Le premier patient est un homme de 55 ans. L’hypoxémie est forte; en témoigne une saturation en oxygène autour de 85 % [la saturation normale en oxygène est comprise entre 94 et 100 %]. S’y ajoute une acidose métabolique; le pH sanguin est évalué à 7.2. [le pH normal est compris entre 7.35 et 7.45]. En outre, les médecins observent que le sang a une couleur chocolat; le taux de méthémoglobine est très élevé: 76% [normalement, il ne dépasse pas 2 %].
Le deuxième cas est celui d’une femme de 22 ans, connue pour une triple addiction à l’héroïne, à la méthadone et à l’alcool. La saturation en oxygène est de 87 %. La tension artérielle initiale est basse: 80/60 mm Hg. Le taux de méthémoglobine est de 67 %.
Les deux patients sont rapidement améliorés par une injection intraveineuse de bleu de méthylène.
Les auteurs incriminent les ions nitrate NO3- du nitrate d’amyle. En effet, l’homme de 55 ans est un consommateur de «poppers» sous forme de nitrate d’amyle [Collateral history revealed abuse of amyl nitrate «poppers» as well as alcohol abuse], tandis que la femme de 22 ans avait dans ses affaires un flacon vide, également de nitrate d’amyle [An empty bottle of amyl nitrate was found beside her].
Commentaire du blog
L’attribution de la méthémoglobinémie de ces deux patients à l’ion nitrate NO3- est erronée.
On sait que seul l’ion nitrite NO2- a la possibilité de transformer l’hémoglobine du globule rouge en méthémoglobine. L’ion nitrate NO3- n’en a pas la capacité.
A priori, chez les deux patients, le produit responsable de la méthémoglobinémie est, non pas le nitrate d’amyle comme le relatent les auteurs, mais bien le nitrite d’amyle.
La liste ci-dessous pourra aider à s’en convaincre. Elle présente plusieurs articles, qui décrivent, depuis 1985, des observations de méthémoglobinémies consécutives à l’utilisation de nitrite d’amyle:
- Laaban, J.P. et al. (1985) Amyl nitrite poppers and methemoglobinemia. Annals of Internal Medicine 103, 804-805.
- Pierce, J.M. and Nielsen, M.S. (1989) Acute acquired methaemoglobinaemia after amyl nitrite poisoning British Medical Journal 298, 1566
- Forsyth, R.J. and Moulden, A. (1991) Methaemoglobinaemia after ingestion of amyl nitrite. Archives of Disease in Childhood 66, 152
- Sobey, R.J. and Campbell, C.M. (1992) A 37-year-old with amyl nitrite induced methemoglobinemia Journal of Emergency Nursing 18, 11-13
- Dudley, M.J. and Solomon, T. (1993) A case of methamoglobinaemia. Archives of Emergency Medicine 10, 117-119
- Coleman, M.D. and Coleman, N.A. (1996) Drug-induced methaemoglobinaemia. Treatment issues. Drug Safety 14, 394-405
- Stambach, T. et al. (1997) Saturday night blue – a case of near fatal poisoning from the abuse of amyl nitrite Journal of Accident and Emergency Medicine 14, 339-340
- Aagaard, N.K. (1998) Amyl nitrite poisoning Ugeskrift for Laeger 160, 3740-3741
- Modarai, B. et al. (2002) Methylene blue: a treatment for severe methaemoglobinaemia secondary to misuse of amyl nitrite. Emergency Medicine Journal 19, 270-271
- Lin, C.H. et al. (2005) Near-fatal methemoglobinemia after recreational inhalation of amyl nitrite aerosolized with a compressed gas blower. Journal of the Formosan Medical Association 104, 856-859
- Wilkinson, R.G. (2010) Getting the blues at a rock concert: a case of severe methaemoglobinaemia. Emergency Medicine Australasia 22, 466-469.
P.S.: A l’occasion d’un échange de correspondance, le premier auteur [N.R.] admet une coquille: «I’m afraid that was a typo».