Méthémoglobinémie de l’adulte et lampe à lave

Funke, M.E., Fischetti, C.E., Rodino, A.M. and Shaheen, S.P. (2018) Methemoglobinemia induced by ingesting lava lamp contents. Clinical Practice and Cases in Emergency Medicine 2, 207-210

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Objet décoratif, la lampe à lave est connue et commercialisée depuis les années 1960. Il s’agit habituellement  d’un globe de verre plus ou moins allongé contenant un liquide transparent au sein duquel évoluent des boules colorées de cire fondue.

Les auteurs américains [Université Duke, Durham, Caroline du Nord, USA] rapportent le cas d’un homme âgé de 71 ans, pesant 86 kg. Ses antécédents sont lourds: hypertension artérielle, néphropathie chronique, alcoolisme et démence. Il arrive au service des urgences de Durham en situation d’hypoxie, sa saturation en oxygène étant de 90 % (normale ≥ 96%). L’interrogatoire apprend qu’une demi-heure plus tôt, pensant à la présence d’alcool, le patient a ingéré environ la moitié du contenu d’une lampe à lave.

Six heures après l’arrivée à l’hôpital, la saturation en oxygène est encore faible: SaO2 = 85 %. La peau, notamment aux extrémités, est grise et marbrée. Un contrôle de sang veineux montre alors l’existence d’une méthémoglobinémie, dont témoigne un taux de méthémoglobine de 45.6 % (normale < 2 %).

Le traitement consiste alors en deux injections intraveineuses à vingt minutes d’intervalle de 50 mg de bleu de méthylène. Une demi-heure plus tard, la peau retrouve une couleur plus correcte; le taux de méthémoglobine devient moins élevé: 9 %.

Le Centre Antipoison étant sollicité, les praticiens apprennent que le contenu de la lampe à lave ingéré comprend 76 % de nitrate de calcium Ca(NO3)2, 1 % d’énol de potassium et 23 % d’eau.

Les auteurs américains considèrent que la méthémoglobinémie du patient est liée à la présence de nitrate de calcium Ca(NO3)2 dans le produit de la lampe à lave [We believe that the delay in his respiratory decompensation was likely secondary to delayed metabolism of calcium nitrates, producing levels significant enough to be clinically responsible for his methemoglobinemia symptoms].

Commentaire du blog

L’explication des auteurs est incomplète.

A lui tout seul, quelle que soit la quantité ingérée, l’ion nitrate NO3- n’est pas capable de déclencher une méthémoglobinémie.

L’ion nitrite NO2- peut, par contre, transformer l’hémoglobine du globule rouge en méthémoglobine.

- Chez le nouveau-né et le nourrisson âgé de moins de six mois, la méthémoglobine-réductase n’ayant pas encore atteint sa complète activité, des ions nitrite NO2- présents dans un biberon préparé avec une eau de puits bactériologiquement contaminée peuvent déclencher une méthémoglobinémie. Celle-ci est le plus souvent bénigne, guérissant sans séquelles. Des cas assez rares d’évolution fatale ont cependant été décrits. La prudence à leur sujet est donc de mise.

- Chez l’adulte, dont la méthémoglobine-réductase a atteint sa pleine activité, très peu de cas de méthémoglobinémie liés aux ions nitrite NO2- ont été décrits dans la littérature médicale. On sait, par exemple que l’injection intraveineuse de 560 mg de nitrite NO2-, sous forme de nitrite de sodium NaNO2, peut déclencher une méthémoglobinémie de 30 % à la soixantième minute (Kiese et Weger, 1969).

Dans le cas du patient décrit ici par les auteurs américains, il est logique d’envisager une possibilité: la lampe à lave incriminée aurait pu contenir, non seulement et uniquement des ions nitrate NO3-, mais principalement des ions nitrite NO2-, et les ions nitrite NO2-, ingérés en abondance, auraient alors pu être à l’origine de l’importante méthémoglobinémie constatée.

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