Consommation de nitrate et grossesse

Bahadoran, Z., Mirmiran, P., Azizi, F. and Ghasemi, A. (2018) Nitrate-rich dietary supplement during pregnancy: the pros and cons. Pregnancy Hypertension 11, 44-46

(voir l'abstract ici)

A l’occasion d’une brève revue de synthèse de trois pages, les auteurs iraniens [Shahid Beheshti University of Medical Sciences. Téhéran, Iran] recensent les possibles effets favorables et défavorables de la supplémentation en nitrate NO3-, sous forme par exemple de jus de betterave, chez la femme enceinte.

• Effets favorables

Chez la femme enceinte ayant une biodisponibilité en oxyde nitrique NO affaiblie, une supplémentation en jus de betterave, riche en nitrate, serait en mesure d’atténuer le risque d’hypertension artérielle et de pré-éclampsie. Elle pourrait aussi accroître le flux sanguin placentaire, avec des conséquences favorables sur les santés maternelle et néonatale [Dietary NO3- rich supplement in the NO-deficient pregnant women is now suggested as a more appealing choice with fewer off-target effects which can attenuate hypertension and preeclampsia, improve placenta blood flow and subsequently enhance maternal and neonatal health].

• Effets défavorables

1) Passage des nitrates NO3- dans la circulation et les tissus fœtaux du fait d’un transfert actif transplacentaire.

[Fetal plasma/tissue levels of NO3 or its reduced form, nitrite (NO2), may exceed that of the mother due to transplacental transfer of NO3 through an active transport system; neonate may be therefore in the risk of preloaded with NO3 [Hartman, P.E. (1982)]].

2) Comme le suggèrent des modèles animaux, possibilité de méthémoglobinémie fœtale, d’altération des cellules embryonnaires, même de transformations malignes.

[In the pregnant models, oral administration of NO3 and its transplacental passage has led to methemoglobinemia, alteration in embryonic cells and malignant transformation [Hartman, P.E. (1982); Gruener, N. et al. (1973)]].

3) L’ion nitrate étant connu pour être un inhibiteur du symporteur Na+/I- (NIS), possibilité d’un hypothyroïdisme fœtal.

[Inorganic NO3, a sodium/iodide symporter (NIS) inhibitor, could also disrupt iodide uptake and bioavailability, which leads to a substantial decreased thyroidal iodide stores and thyroid hormone production].

Les auteurs font remarquer que 240 ml d’un jus de betterave peut à lui seul apporter de 300 à 700 mg de nitrate, correspondant à trois fois la Dose Journalière Admissible [DJA] édictée par l’OMS. Au vu des possibles effets défavorables des nitrates alimentaires lors de la grossesse, les auteurs suggèrent que soit mise en œuvre une règlementation plus stricte à l’égard des produits alimentaires à base de betterave [Concerning to a wide range of NO3 content, standardization of beetroot by products for NO3 […] should be considered. The current food labeling legislations may also require to be revised for insertion of NO3 content of beetroot products, an option that can be helpful especially for vulnerable individuals such as pregnant women].

Commentaire du blog

Aucun des effets défavorables décrits chez la femme enceinte n’est réel.

1) La notion de transfert actif transplacentaire des nitrates, évoquée ici par les auteurs, est extraite d’un fragment d’article [P.E. Hartman (1982)], improprement interprété. Les propos de P.E. Hartman étaient autres: «Essentially nothing is known about transplacental transfer of NO3. Again based on iodide accumulation, there is reason to suspect that a specific active transport system may intervene and that fetal NO3 plasma (and tissue) levels may exceed those of the mother. In other words, the neonate could be “preloaded with NO3

2) La méthémoglobinémie fœtale, ou néonatale, qui serait provoquée par les ions nitrate NO3- alimentaires ingérés par la mère pendant la grossesse n’est pas scientifiquement envisageable.

Dans un bref paragraphe, d’ailleurs assez peu étayé, l’article de P.E. Hartman (1982) sur lequel s’appuient les auteurs ne parlait ni de l’être humain ni de l’ion nitrate NO3-: “Even NO2 persists long enough in the maternal blood so that, at least in the rat and guinea pig, methemoglobinemia can be produced in the fetus following transplacental passage; oral administration of NO2 to pregnant hamsters has led to alterations in embryonic cells, including malignant transformation”.

La physiologie est tout à fait rassurante:

a) Chez la mère, les ions nitrate NO3- ne sont transformés en nitrite NO2- que lors du deuxième passage dans la bouche, sous l’effet des nitrate-réductases des germes salivaires. Les nitrates salivaires proviennent alors des nitrates plasmatiques. Ceux-ci proviennent à la fois des nitrates alimentaires (légumes, viandes et eau de boisson) et des nitrates synthétisés en permanence dans l’organisme sous l’action enzymatique des NO synthases. L’ion nitrite NO2- a, par ailleurs, une courte demi-vie, de seulement quelques minutes.

b) Chez le fœtus et le nouveau-né, l’ion nitrate NO3- ne peut absolument pas être transformé en ion nitrite NO2-. La cavité buccale est stérile.

3) Sauf erreur, jamais un seul cas clinique d’hypothyroïdie du nouveau-né n’a été décrit qui ait un lien quelconque avec une consommation maternelle de nitrate NO3-.

Ainsi, contrairement à ce qu’écrivent les auteurs iraniens dans leur conclusion, la consommation de nitrate NO3- pendant la grossesse n’est absolument pas toxique pour l’embryon, le fœtus ou le nouveau-né. Sans restriction, les femmes enceintes peuvent continuer à consommer des légumes, notamment des légumes particulièrement riches en nitrate NO3- tels la salade, les épinards ou la betterave. Elles le font d’ailleurs depuis toujours, et à juste titre, sans crainte ni appréhension.

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